Coronavirus : un Noël en toute intimité pour une majorité de Canadiens

Les fêtes de Noël seront à l’image de cette année 2020 : confinées pour la grande majorité des Canadiens à cause de l’épidémie de Covid-19. Pas de rassemblements familiaux, la dinde se partagera en bulle familiale, virus oblige.
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Covid Canada Iqaluit
Un homme porte un masque pour se protéger du coronavirus. Iqaluit, province du Nunavut, Canada, 18 novembre 2020
© REUTERS/Natalie Maerzluft
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Le Canada vient de passer le cap des 400 000 cas de Covid-19 depuis mars dernier, alors que le virus s’est propagé ces dernières semaines comme un feu de brousse. Surtout dans l’ouest du pays, plus particulièrement dans la province de l’Alberta, qui enregistre des records de contamination quotidienne, plus de 1700, 1800 cas par jour. Cette province de 4 millions d’habitants est en train de devenir l’épicentre de la deuxième vague. Le premier ministre albertain Jason Kenney a demandé l’aide du gouvernement canadien et de la Croix-Rouge canadienne, les hôpitaux de la province commencent à être totalement dépassés par l’afflux de malades. Jason Kenney est critiqué de toute part pour ne pas avoir mis en place une série de mesures afin de limiter les contaminations.

Voir aussi : la province de l'Alberta se prépare au pire
 

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La situation est tout aussi alarmante en Ontario, avec des moyennes de 1 500 contaminations quotidiennes en moyenne, et, ce 7 décembre, un record de 1 925 nouveaux cas. Même les provinces de l’Atlantique, jusqu’ici relativement épargnées par l’épidémie, enregistrent une augmentation du nombre de cas sur leur territoire. Le virus est même monté jusque dans le grand nord canadien, dans le Nunavut.

La question de célébrer ou non les fêtes dépend de la situation de l’épidémie dans chaque province canadienne : au Nouveau-Brunswick par exemple, les rassemblements seront autorisés, mais interdits en Ontario et en Alberta. De son côté, le premier ministre du Manitoba, autre province de l’ouest du pays qui a enregistré elle aussi une hausse notable du nombre de contaminations quotidiennes, a enregistré un message très éloquent pour les Manitobains, leur demandant de ne voir personne durant les fêtes et traitant d’"idiots" ceux qui affirment que le virus n’est pas dangereux. Quant à la Colombie-Britannique, la province la plus à l’ouest, les autorités n’ont pas encore pris de décision, mais avec une moyenne de 800 nouveaux cas par jour, alors que cette province avait été citée en exemple pour sa gestion de l’épidémie lors de la première vague, on se doute que là aussi, Noël se fera dans l’intimité…

Justin Trudeau, de son côté, ne cache pas son inquiétude et multiplie les messages aux Canadiens : ils leur demandent de réduire au maximum leurs contacts sociaux et les avertit que l’hiver sera long et que les prochains mois les plus difficiles à vivre dans cette épidémie. Le premier ministre canadien a aussi prévenu que le début de la campagne de vaccination ne va pas se traduire par une levée des mesures sanitaires : « Les mesures que nous prendrons tout au cours de l’hiver sont importantes. Il ne faut pas s’attendre à ce que l’assouplissement de ces règles soit trop rapide. On a encore de longs mois qui nous attendent » a-t-il déclaré début décembre à Radio-Canada.

Le nombre d’hospitalisations ne cesse d’augmenter d’un bout à l’autre du pays. Début décembre, quelque 2000 Canadiens étaient hospitalisés dont près de 500 aux soins intensifs, alors que le Canada est le pays de l’OCDE qui a le plus faible taux de lits consacrés aux soins intensifs. Les risques de surcharge du réseau hospitalier canadien sont plus que réels.

Au Québec, « on est obligé de se rendre à l’évidence »

Le 19 novembre dernier, le premier ministre du Québec, François Legault, était content d’annoncer aux Québécois qu’il allait autoriser des rassemblements pour fêter Noël : jusqu’à deux réunions avec un maximum de 10 personnes entre les 24 et 27 décembre pour les régions placées en zone rouge – autrement dit pour 90% de la population. Mais il y avait une condition pour donner le feu vert à ces fêtes en famille ou entre amis : que la barre de contaminations quotidiennes soit sous les 1000 cas les semaines précédentes. Or, depuis une semaine, le Québec enregistre une moyenne de 1500 nouveaux cas par jour, et la courbe de contamination est ascendante. Les craintes de voir en janvier le réseau hospitalier en péril étaient très fortes - il est déjà traditionnellement surchargé dans les urgences après Noël. Au-delà du nombre de contaminations quotidiennes, les autorités gardent un œil attentif sur le nombre d’hospitalisations et le nombre de personnes aux soins intensifs : et ces nombres ne cessent d’augmenter de jour en jour. Donc, au regard de la situation actuelle, François Legault a annoncé le 3 décembre aux Québécois qu’ils devront célébrer les fêtes dans leur bulle familiale : les rassemblements seront interdits.

« Quand on regarde la situation, on est obligés de se rendre à une évidence : ce n’est pas réaliste de penser qu’on va réussir à réduire la progression du virus de façon satisfaisante d’ici Noël » a dit, la mort dans l’âme, le premier ministre Legault.

Une décision difficile, mais saluée par la majorité des Québécois – déjà 60% disaient qu’ils n’allaient pas fêter Noël avant même l’annonce du premier ministre – et accueillie avec un soupir de soulagement par le personnel médical québécois, déjà exténué par ces neuf mois de travail intense à lutter contre ce satané virus.

6600 employés du réseau de la santé sont actuellement en congé maladie ou en retrait préventif, en raison d'épuisement professionnel ou infectés par le virus. Comme dans la majorité des pays aux prises avec cette deuxième vague dévastatrice, le système de santé québécois est extrêmement fragilisé par l’épidémie. Déjà des opérations non urgentes ont été repoussées pour pouvoir prendre en charge les malades Covid. On n’ose imaginer ce qu’il en aurait été si des rassemblements de familles ou d’amis avaient été autorisés durant les fêtes. « Il n’y a personne au Québec, je suis certain, qui veut regretter un peu toute sa vie d’avoir contaminé sa mère, son grand-père, avec toutes les conséquences possibles que l’on connaît », a fait valoir le premier ministre.

François Legault reconnaît qu’il aurait été préférable qu’il n’ouvre pas la porte à de possibles rassemblements à Noël en novembre : « Je ne suis pas parfait, puis je n’ai pas de boule de cristal. Au moment où j’ai proposé ce contrat moral, j’étais sincèrement convaincu que c’était possible. C’est sûr que, si c’était à refaire, je ne l’aurais pas fait ». Il dit maintenant compter sur le sens des responsabilités des Québécois pour respecter ces consignes et avertit que des amendes salées pourront être distribuées à ceux qui passeront outre l’interdiction de rassemblements.

Les commerces restent ouverts

Au Québec, les restaurants, bars, musées, théâtres et centres de conditionnement physique sont fermés depuis le premier octobre et ils vont le rester jusqu’au 11 janvier. Mais les commerces, les salons de coiffure et de beauté, les centres commerciaux, eux, sont restés ouverts. Le gouvernement vient par contre de resserrer les consignes pour lutter contre la propagation du virus en demandant aux commerçants de limiter la clientèle dans leur magasin, à raison d’un client pour 20 mètres carrés, et de faire respecter les consignes de distanciation physique, alors que le magasinage des fêtes commence. Le gouvernement québécois maintient deux objectifs : laisser les écoles ouvertes et éviter de faire replonger la province dans un confinement généralisé avec la fermeture des commerces.

Par contre, un collectif de 75 experts en santé, en économie et en sciences sociales demande au gouvernement de profiter de la période des fêtes pour mettre le Québec sur pause du 20 décembre au 3 janvier, profiter des fêtes pour fermer les commerces, les bureaux, le réseau scolaire afin de réduire les contaminations. « Quitte à avoir une catastrophe en janvier, il est aussi bien de prendre un peu d’avance et de mettre le Québec sur pause, estime l’économiste Pierre Fortin. En d’autres mots, on n’a pas le choix, d’après nous, entre le bien ou le mal, mais entre le mal ou le pire ». Le gouvernement québécois n’a pas précisé s’il allait suivre cette recommandation ou pas.

La lueur au bout du tunnel

Le premier ministre a averti les Québécois : « Quand on regarde, entre autres, tout ce qui se passe aux États-Unis, ce qu’on nous dit, c’est que les trois prochains mois vont être les pires de l’épidémie ». L’hiver va être long, très long… comme un long tunnel noir et glacé…

Pourtant, il y a une lueur au bout de ce tunnel : les vaccins. Le Canada a autorisé ce 9 décembre l’un des candidats vaccins, celui de Pfizer/BioNTech, devenant ainsi le troisième pays après le Royaume-Uni et Bahreïn à donner son feu vert. "Les Canadiens peuvent avoir l'assurance que le processus d'examen a été rigoureux et que nous avons mis en place des systèmes de contrôle efficaces", indique le ministère de la Santé dans un communiqué.

249 000 doses devraient être envoyées au pays et le Canada pourra commencer sa campagne de vaccination, la plus vaste du genre dans l’histoire médicale du pays, qui sera dirigée par le major-général Dany Fortin.

Le Canada a acheté pour plus d’un milliard de dollars de doses à six compagnies pharmaceutiques, dont Moderna et Pfizer.

Les autorités canadiennes affirment que d’ici la fin mars, 3 millions de Canadiens seront vaccinés : le personnel dans le milieu de la santé, les personnes vulnérables et les personnes âgées en priorité. Le premier ministre Trudeau estime que d’ici la fin de l’été, la moitié des Canadiens seront vaccinés.

Se faire vacciner ou pas ?

Un sondage Ipsos mené pour Radio-Canada révèle que 64% des Canadiens se disent prêts à se faire vacciner quand un vaccin sera disponible, 21% ne savent pas encore et 16% disent qu’ils n’iront pas se faire vacciner.

Seulement 36% disent vouloir recevoir le vaccin rapidement, 38% préfèrent attendre un ou deux mois. Pour atteindre une immunité collective, il faut qu’entre 60 et 70% d’une population soit vaccinée. Seulement un Canadien sur deux se dit en faveur d’une vaccination obligatoire. Et 71% des personnes interrogées se disent inquiètes des possibles effets secondaires d’un vaccin.

Deux Canadiens sur trois estiment que les risquent associés au coronavirus ne sont pas exagérés et ne croient pas que l’on pourra vaincre le Covid sans un vaccin. Ce sondage Ipsos a été mené sur le web entre le 20 et le 25 novembre auprès de 3001 Canadiens de plus de 18 ans, les résultats sont précis à plus ou moins 2,0 points de pourcentage 19 fois sur 20.