Fil d'Ariane
"Nous avons ouvert notre pays et nos cœurs au monde." Un léger sourire aux lèvres, Vladimir Poutine s'est voulu chaleureux dans une allocution télévisée.
L'organisation de cette Coupe du monde dans son pays veut dire une seule chose : "la Russie est de retour", insiste Pascal Boniface, directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).
"C'est surtout une forme de revanche, selon Charles Urjewicz, historien, spécialiste de la Russie et du Caucase. En dépit, des sanctions économiques et des tensions diplomatiques autour de la Syrie et de la Crimée, le pays accueille le monde entier. La Russie n'est pas si isolée."
Ce sentiment de revanche remonte à plusieurs décennies chez l'ancien membre du KGB, Vladimir Poutine, selon Pascal Boniface. "Les pays occidentaux, cette fois-ci, n'ont pas boudé les deux grands événements sportifs organisés sur son sol : les Jeux Olympiques d'hiver de Sotchi en 2014 et la Coupe du monde en 2018. Poutine se souvient des Jeux olympiques de 1980 d'été organisés à Moscou. Ils ont été boycotés et amoindris sportivement par le retrait des Etats-Unis. ".
De ces années soviétiques, le président russe semble avoir gardé, selon l'historien Charles Urjewicz une conviction : le sport est une activité politique. "Le sport lui a permis de construire une image publique positive, celle d'un dirigeant fiable, capable de mener son pays d'une main de fer. Vladimir Poutine aime montrer ses muscles, dégager l'image d'un homme en pleine santé."
"L'URSS se servait déjà du sport comme d'un instrument d'encadrement et d'éducation des masses populaires. Ce fut le cas de manière très marquée et prononcée à partir des années 1930.
Aujourd'hui, Vladimir Poutine n'a pas plus les moyens d'une telle politique, même si ces dernières années, le pouvoir russe a fait progresser la pratique sportive dans le pays. Mais Vladimir Poutine aimerait rendre au sport le statut qu’il avait au cours des années 1960-70. Un grand événement sportif comme les Jeux Olympiques ou la Coupe du monde est donc perçu, dans la tradition soviétique, comme un événement éminemment politique", estime l'historien.
Le symbole d'une superiorité idéologique. L'affiche de cette Coupe du monde placardée dans les rues des grandes villes russes reprend la figure de Lev Yashine, le grand gardien soviétique des années 1960. Une illustration de cette nostalgie et de cette fierté soviétique.
"La sélection nationale russe a peu de chances de gagner la Coupe du monde. La réussite de l'organisation est donc la priorité du pouvoir. C'est une question d'image et de prestige pour le pays", estime Pascal Boniface, directeur de l'Iris. "La FIFA a la main sur l'événement mais le pouvoir russe gère les questions sécuritaires. Il faudra bien sûr éviter tout risque d'attentat et contenir le phénomène des hooligans russes. Le Kremlin veut, par exemple, proscrire tout acte raciste contre les supporters et joueurs africains. Ce serait désastreux pour l'image du pays et pour les rapports entre la Russie et l'Afrique", estime le chercheur.
"L'idée est également de redorer l'image du sport russe. Son équipe d'athlétisme a été exclue des olympiades. Les Jeux de Corée du Sud en février dernier ont été bien sombres. Ni le drapeau, ni l'hymne russes n'ont été présents durant cette compétition", indique Pascal Boniface. Le 5 décembre 2017, la commission exécutive du CIO avait, en effet, suspendu le comité olympique russe pour dopage à grande échelle.
Les Jeux olympiques d'hiver de Sotchi organisés en 2014 se sont également soldés par un bilan d'image ternie par des accusations de corruption. "L'opinion publique russe a toutefois été peu sensible à ces accusations, proférées dans le camp occidental jugées russophobes, dans un contexte ukrainien. Seuls, les habitants de la région de Sotchi ont vraiment pu mesurer le coût humain et financier de cette olympiade, car nombre d'entre eux ont été victimes des expropriations et de la spéculation immobilière", tempère toutefois Charles Urjewicz, historien. Ce Mondial 2018, événement populaire international, pourrait être déterminant pour le quatrième mandat de Valdimir Poutine.