Coupe du monde au Qatar : l'équipe iranienne refuse de chanter son hymne

Les onze joueurs iraniens se sont abstenus de chanter leur hymne national avant le coup d'envoi de leur premier match du Mondial-2022 contre l'Angleterre, ce 21 novembre à Doha. Match qu'ils ont perdu par 6 buts à 1.
 
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L'équipe d'Iran avant le match l'opposant à l'Angleterre
© AP Photo/Pavel Golovki
L'équipe d'Iran avant le match l'opposant à l'Angleterre au Khalifa International Stadium de Doha ce 21 novembre 2022.
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Supporters iraniens avec une bannière de soutien aux femmes et aux libertés dans les tribunes du stade Khalifa à Doha ce 21 novembre 2022.
© AP Photo/Alessandra Tarantino
Supporters iraniens avec une bannière de soutien aux femmes et aux libertés dans les tribunes du stade Khalifa à Doha le 21 novembre 2022.
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Durant la semaine, leur capitaine Alireza Jahanbakhsh avait expliqué que les joueurs décideraient "collectivement" de chanter ou non l'hymne national en signe de soutien aux victimes des manifestations durement réprimées dans leur pays.
 
Pendant cet hymne, les caméras ont brièvement montré le visage d'une spectatrice d'une cinquantaine d'années, voile blanc sur la tête, le visage baigné de larmes.
 
Les joueurs ont gardé le visage totalement impassible, tandis que sur le banc, un membre de la délégation chantait. Diminué physiquement, la star de l'équipe Sardar Azmoun, qui a dénoncé la répression sur les réseaux sociaux, est entré en jeu en seconde partie.

'Azadi! Azadi!'

Le slogan symbole du mouvement, "Femmes Vie Liberté", est apparu avant le coup d'envoi sur une banderole dans un virage du stade occupé par les Iraniens, avant de disparaitre. Des "Azadi! Azadi!" ("Liberté! Liberté!") se sont aussi parfois élevés des tribunes.
Spectateurs iraniens au stade Khalifa de Doha montrant des pancartes de protestation
Spectateurs iraniens au stade Khalifa de Doha montrant des pancartes de protestation lors du match opposant leur équipe à celle d'Angleterre ce 21 novembre 2022.
© AP Photo/Alessandra Tarantino
Depuis le début du soulèvement en Iran, causé par la mort le 16 septembre de la jeune Mahsa Amini (22 ans), arrêtée par la police des moeurs à Téhéran pour ne pas avoir respecté le code vestimentaire strict imposé par le régime, le refus de chanter l'hymne de la République islamique est l'un des leviers des sportifs iraniens pour manifester leur solidarité avec le mouvement.

Le silence des footballeurs durant l'hymne ce 21 novembre ne va toutefois pas suffire à convaincre ceux qui jugent leur soutien trop timoré.

Devant un écran géant près de la bibliothèque nationale à Téhéran, seules environ 200 personnes s'étaient réunies, dont Farzad, un étudiant de 21 ans qui ne donne pas son nom: "J'ai toujours soutenu l'équipe nationale, mais pas cette fois. Parce que les joueurs n'ont pas soutenu le peuple. Je n'étais pas contrarié cette fois par la défaite de l'équipe nationale."

Choix personnel

Le 27 septembre, l'équipe nationale de football a ainsi refusé d'entonner ce chant avant un match amical de préparation à la Coupe du monde disputé en Autriche contre le Sénégal (1-1). Vêtu d'une parka noire dépourvue de tout blason et masquant le logo de la Fédération, les joueurs sont restés muets, la plupart la tête baissée.
 
 
Ce geste symbolique, parfois couplé au port d'un brassard noir en signe de deuil, a depuis été repris par de nombreux autres sportifs iraniens lors de compétitions à l'étranger.
 
Le 6 novembre, lors d'un tournoi international de beach-soccer à Dubaï, l'un des plus prestigieux de la discipline, l'équipe iranienne a, elle aussi, imité la "Team Melli", obligeant la télévision d'État à couper la retransmission en direct.

Célébration des buts

À l'issue de la finale, remportée face au Brésil (2-1), les joueurs sont restés silencieux au moment de recevoir la coupe. L'auteur du but vainqueur, Saïd Piramoun avait, de son côté, manifesté sa solidarité avec le mouvement de protestation et les femmes en Iran en faisant mine de se couper les cheveux avec ses doigts.
 
 
L'attaquant Alireza Jahanbakhsh, qui évolue au Feyenoord Rotterdam, avait également déclaré le 16 novembre que célébrer ou pas un éventuel but durant la Coupe du monde relèverait d'un choix "personnel".
 
Alireza Jahanbakhsh
Alireza Jahanbakhsh célébrant un but de son équipe Feyenoord contre le Sturm Graz au stade De Kuip à Rotterdam Pays bays le 15 septembre 2022.
© AP Photo/Peter Dejong

 Au-delà du terrain, de nombreux sportifs, anciens ou toujours en activité, ont écrit des messages de soutien aux protestataires sur les réseaux sociaux. L'ancien joueur du Bayern Munich, Ali Karimi, qui vit à l'étranger et dont la maison a été confisquée par les autorités, est l'un des plus actifs sur ce plan. Il a par la suite décliné l'invitation de la Fifa et des organisateurs de la Coupe du monde à se rendre au Qatar pour suivre la compétition, tout comme la légende du football iranien Ali Daei.
 
Le 20 novembre, la justice iranienne a annoncé avoir convoqué Yahya Golmohammadi, ancien international et actuel entraîneur du club de Persepolis. Ce joueur des plus populaires du pays avec Esteghlal, avait vivement critiqué sur Instagram les joueurs de l'équipe nationale pour ne pas "porter la voix du peuple opprimé aux oreilles des autorités", après leur rencontre avec le président ultra-conservateur Ebrahim Raïssi, juste avant leur départ pour le Qatar et la Coupe du monde.