Drame national
D'abord l'incrédulité, et puis les pleurs, la rage, les insultes contre la Seleçao et la présidente Dilma Rousseff: le Brésil n'arrive pas à avaler la gifle monumentale infligée par l'Allemagne (7-1) qui l'élimine de "son Mondial". Dans les tribunes du stade Mineirao de Belo Horizonte, enfants et adultes essuient leurs larmes. Le maquillage jaune et vert ruisselle sur le visage, dévasté par les pleurs. Le Brésil quintuple champion du monde vient de subir la pire défaite de son histoire en Coupe du monde, chez lui, lors de "son" Mondial. Lui qui a tout conquis à l'étranger et voulait pour sa deuxième Coupe du monde au "pays du futebol" exorciser le traumatisme national du "Maracanazo", la défaite de 1950 face à l'Uruguay. "Je suis Brésilien, avec beaucoup d'orgueil, avec beaucoup d'amour", chante au coup de sifflet final, comme lors de tous les précédents matches, une petite partie du public du stade Mineirao. - Pardon à tout le Brésil - Mais c'est une bronca monumentale qui l'emporte alors que le défenseur David Luiz tombe à genoux, les yeux au ciel, implorant un Dieu qui avait abandonné le Brésil mardi soir, avant de "demander pardon à tout le Brésil". Des "Dilma va te faire en...!" ont résonné dans les tribunes avant même la fin de la première période remportée 5-0 par les Allemands, qui préfigurait une humiliation historique. Ces insultes contre la présidente du Brésil avaient déjà retenti lors du match d'ouverture à Sao Paulo, le 12 juin. Mais depuis, tout le pays avait mis en sourdine ses revendications sociales et divisions politiques. Il s'était pris de passion pour la fête finalement réussie du football et une Seleçao qui, sans convaincre totalement, gravissait un à un les échelons menant au Maracana, le temple du football brésilien qui accueillera la grande finale dimanche. Le rêve s'est brisé au pays du roi Pelé, sous les coups de boutoirs allemands. Au milieu d'un silence sépulcral, dans le fameux bar de supporteurs "Sao Cristovao" à Sao Paulo, un homme hurle comme un damné devant l'écran de télévision: "Mais sortez-moi cette merde de Julio César!", le malheureux gardien brésilien qui est aller chercher sept fois le ballon logé par les Allemands au fond de ses filets. Celui-là même qui avait été salué en César pour avoir sauvé le Brésil lors d'une homérique séance de tirs au but face au Chili, lors des 8e de finale. "Putain, qu'est-ce qui est en train de se passer?", hurle un autre supporteur brésilien, dans ce bar de la Vila Madalena, le quartier bohème de la plus grande ville du pays. Tout au long de ce match cauchemardesque, de nombreux Brésiliens se sont cachés le visage entre les mains, se regardant les uns les autres avec incrédulité. "Allez!!! Allez!!!, faites au moins quelque chose! Neymar doit être en train de vomir chez lui devant un tel désastre. Quelle horreur!", lance Marina Genova, une Brésilienne de 54 ans, en évoquant le jeune attaquant brésilien privé de cette demi-finale à cause d'une fracture infligée au match précédent par un joueur colombien. A Rio de Janeiro, au fan-fest de la plage de Copacabana, qui a vibré tout au long de la Coupe sous un soleil radieux, une pluie battante ruisselle sur les visage de milliers de supporteurs brésiliens abasourdis Après la première période, beaucoup s'en vont tristement. Ils ne veulent pas voir la fin de cette terrible tragédie. "Sans Neymar et Thiago Silva (le capitaine suspendu), l'équipe est faible. Après le 2-0, c'était déjà fini", se résigne Bruno Pereira, un vendeur de caïpirinhas de 24 ans. Après le cinquième but allemand, des dizaines de chaises pliantes de location restes vides sur la plage peu à peu désertée C'est la désolation aussi dans la populaire rue Alzirao, la plus décorée aux couleurs de la Seleçao de tout Rio de Janeiro, où se réunissent à chaque match de la Seleçao plus de 30.000 fans devant un écran géant. "Je ne veux plus voir cela!", pleure un jeune de 17 ans, après le quatrième but allemand. Les supporteurs lèvent les yeux au ciel. Mais sans espérance. Il n'y aura pas de miracle.