Le Québec, quelque 8 millions d’habitants, est la province canadienne la plus affectée par l’épidémie, avec près de la moitié des cas du pays. Le cap symbolique des 100 000 cas vient d’être franchi et le virus a tué plus de 6100 personnes. Comme la deuxième vague continue de déferler avec force sur la province, le gouvernement Legault prolonge de quatre semaines, jusqu'au 23 novembre, les mesures sanitaires mises en place dans les zones rouges depuis le 1er octobre.
L’automne incendie les forêts ici, mais ce ne sont pas juste les arbres qui se teintent d’orange et de rouge : au fil des semaines, le gouvernement québécois a fait passer plusieurs des régions de la province dans les zones orange et rouge en fonction de la progression des contaminations. Entre Montréal et Québec, c’est le rouge, l’alerte maximale, qui domine : bars, restaurants, salles d’entraînement, musées, cinémas et théâtres fermés, interdiction de rassemblement, limitation des contacts au minimum, rester en télétravail.
Des mesures sanitaires sévères que le gouvernement a imposées aux Québécois le premier octobre pour 28 jours, mais qu’il vient de prolonger pour quatre semaines, jusqu’au 23 novembre parce que la situation est loin de s’améliorer.
C’est le temps de se serrer les coudes plus que jamais.François Legault, premier ministre du Québec
Depuis trois semaines, on a réussi à freiner l’augmentation des contaminations et à atteindre un plateau, avec en moyenne quelque 1000 nouveaux cas par jour et une dizaine de décès quotidiens. Les hôpitaux débordent de patients Covid : plus de 500 personnes sont hospitalisées dont 97 en soins intensifs.
Voilà pourquoi le premier ministre François Legault a annoncé cette prolongation de quatre semaines :
« Les efforts ont donné des résultats, on a réussi à atteindre un plateau, surtout si on regarde ce qu’il se passe en France, avec 52 000 nouveaux cas en un jour, on a six fois moins de nouveaux cas. C’est grâce aux efforts des Québécois que nous, contrairement à d’autres, avons réussi à stabiliser les cas », a dit le premier ministre, en ajoutant toutefois qu’on ne peut pas continuer à enregistrer 10 décès par jour, car, dit-il : «
Moi, je ne m’y habitue pas ». François Legault s’est félicité qu’il y a 85% de moins de contaminations que le printemps dernier dans les centres de soin de longue durée, les CHSLD (centre hospitalier de soins de longue durée), où le virus avait fait des ravages.
Par contre, les autorités estiment qu’il y a encore trop d’éclosions dans les entreprises - près de la moitié. En ce qui concerne les écoles, 881 classes sont actuellement fermées dans la province, et la situation est stable. Mais les autorités ont constaté que les contaminations se font surtout chez les jeunes qui sont en secondaire 3, 4 et 5, donc âgés entre 15 et 17 ans.
Déjà les jeunes de secondaire 4 et 5, l’équivalent de la Première et de la Terminale en France, vont à l’école une journée sur deux dans les zones rouges, le gouvernement l’impose aussi maintenant aux élèves de secondaire 3. Ainsi les risques de contamination seront réduits dans les écoles secondaires de la province.
« C’est le temps pour le peuple québécois de se serrer les coudes plus que jamais. On est lié les uns aux autres plus que jamais dans l’histoire du Québec. Et moi j’ai confiance en le peuple québécois » a conclu le premier ministre Legault en promettant de réévaluer la situation dans deux semaines.
Halloween et Noël
Le 31 octobre ce sera Halloween, une fête importante en Amérique du Nord. Les
« petits monstres québécois » pourront finalement
« passer l’Halloween » comme on dit, donc aller chercher des bonbons de maison en maison, mais sous plusieurs conditions pour que cela se fasse de la façon la plus sécuritaire possible : les enfants pourront être accompagnés de membres de leurs familles mais ils ne pourront pas être avec leurs amis. Il faudra respecter les deux mètres de distanciation physique quand on donnera les bonbons – à ce sujet, plusieurs rivalisent d’ingéniosité en installant devant chez eux des chutes à bonbons ou en tendant une corde à linge sur laquelle sont suspendus des petits sachets de bonbons. Donc Halloween il y aura malgré l’épidémie - chaque province canadienne a mis en place ses propres conditions pour cette fête.
Pour ce qu’il est de Noël et du temps des fêtes par contre, le gouvernement de François Legault ne promet rien pour l’instant, si ce n’est qu’il demande déjà aux Québécois de ne pas faire de gros
« partys » du temps des fêtes. On oublie donc les traditionnels
« partys de bureaux » et les gros rassemblements de famille, la dinde risque bien de se manger en petits comités pour ce Noël-ci.
Le SOS des restaurateurs et des centres d’entraînements
Parlant de manger… s’il est un secteur particulièrement frappé par cette épidémie, c’est bien celui de la restauration. Si en France on a décidé de laisser les restaurants ouverts jusqu’à 21 heures 8l'heure du couvre-feu avant les annonces d'Emmanuel Macron le 28 octobre), les restaurateurs québécois, eux, ont dû fermer de nouveau leurs portes le 1er octobre, et elles vont le rester pour les quatre prochaines semaines.
Ils peuvent poursuivre leurs activités en faisant des menus pour livraison. Dans une lettre ouverte, quarante acteurs du secteur de la restauration ont demandé au premier ministre de pouvoir rouvrir leurs établissements à compter du 29 octobre.
« Nous vous demandons de réévaluer rapidement la situation actuelle de l’industrie de la restauration et permettre la réouverture des salles à manger, et ce, partout au Québec », disent-ils dans leur lettre. Les restaurateurs disent qu’ils ont fait des investissements importants pour se conformer aux exigences sanitaires, ils ont installé des panneaux de plexiglass, éloigné les tables les unes des autres et réduit le nombre de places pour respecter la distanciation physique.
Ils arguent également que jusqu’à maintenant les restaurants n’ont pas été des foyers de contamination et qu’en plus de leur santé financière, c’est la santé mentale de leurs employés mais aussi de la population qu’il faut prendre en considération.
« Pourquoi le Québec ne prendrait-il pas exemple sur les pays scandinaves, la France, l’Italie, l’Espagne et autres pays qui, malgré la deuxième vague, ont maintenu les salles à manger ouvertes en jugeant – données à l’appui – qu’elles n’étaient pas source d’éclosion et qu’elles contribuaient à maintenir l’équilibre social et économique ? » demandent-ils dans la lettre. Les restaurateurs tirent la sonnette d’alarme : si rien ne change, c’est un établissement sur deux qui risque de fermer ses portes. Toute une industrie qui est en train de se faire laminer par ce maudit virus…
Deux cents propriétaires de centres d’entraînement, studios de danse, yoga, et arts martiaux, ont de leur côté décidé de défier le gouvernement québécois en rouvrant leurs portes à compter du 29 octobre. Ils demandent aux autorités qu’elles démontrent que leurs établissements peuvent être un foyer d’infection et font valoir qu’ils sont au contraire plus que nécessaires pour la population en cette période difficile :
« En ce sens, le 29 octobre prochain, nous ouvrirons nos salles de sport dans toutes les régions du Québec afin de redevenir le partenaire de la santé des Québécois et des Québécoises. Toutes les mesures sanitaires en vigueur seront respectées. Si le gouvernement d'ici là est en mesure de nous prouver, à l'aide d'études, que nous sommes une source d'éclosion, nous ferons marche arrière ».Le premier ministre les a toutefois avertis qu’ils devront respecter la loi sinon ils peuvent recevoir des amendes. Restaurateurs et propriétaires de centres sportifs s’interrogent : pourquoi laisser les gens aller dans des grands magasins et centres commerciaux et maintenir leurs établissements fermés ? Quelle est la logique dans tout ça, se demandent-ils ?
François Legault a aussi promis de prolonger jusqu’au 23 novembre les mesures mises en place pour venir en aide aux restaurants et autres entreprises qui ont dû interrompre leurs activités.
Dans le reste du Canada
L’Ontario, qui est la plus grande province du Canada et la plus peuplée, a franchi récemment également le cap des 1000 nouveaux cas en une journée : plus de 70 000 Ontariens ont contracté la maladie, plus de 3000 en sont morts. La situation y est moins grave qu’au Québec mais les autorités ne cachent pas leur inquiétude devant l’augmentation des contaminations.
Plusieurs provinces de l’ouest du Canada, nettement moins peuplées, connaissent elles aussi une aggravation de l’épidémie. Les provinces maritimes, elles, sont les moins touchées. Seule la Colombie-Britannique fait l’envie du reste du pays, avec 12 554 cas et 256 morts – en date du 26 octobre - : dès la première vague, au printemps dernier, cette province qui borde le Pacifique a mis en place des mesures très efficaces qui ont permis de contrôler rapidement la contagion. Plus grande discipline de la population ? Leadership plus efficace et pertinent des autorités sanitaires ? Le premier ministre néo-démocrate de la province, John Horgan, vient d’ailleurs de se faire facilement réélire, notamment grâce à la bonne gestion de l’épidémie par son gouvernement.
Certes, quand on regarde les chiffres de l’épidémie dans le monde, on réalise que le Canada n’est pas l’un des pays les plus touchés, (plus de 220 000 cas et près de 10 000 morts) surtout quand on compare sa situation à celle des États-Unis ou de plusieurs pays européens. Mais la deuxième vague frappe fort ici aussi et les autorités savent qu’elles ne peuvent pas se permettre de relâcher leur vigilance et les mesures qu’elles imposent aux Canadiens pour contrôler les contaminations.
Un Québécois sur cinq croit aux théories du complotUn sondage mené entre les 15 et 20 octobre par la maison CROP révèle qu’un Québécois sur cinq (environ 20%) croit aux théories du complot entourant le Covid-19.
« Une personne sur cinq croit que la pandémie a été inventée pour contrôler la population, ou qu’elle est un prétexte pour nous conditionner à la docilité et à la répression policière. C’est infiniment plus important que ce à quoi on s’attendait. Je suis tombé des nues », a déclaré au journal
La Presse Alain Giguère, président de l'institut de sondages.
25% des personnes interrogées se disent totalement ou partiellement en accord avec les thèses de
QAnon, présenté dans le sondage comme un mouvement qui croit en
« un État profond, contrôlé par une clique élitiste, qui contrôle les gouvernements » et serait
« impliqué dans le satanisme et la pédophilie ».
27% estiment également que le Covid-19 n’est pas plus dangereux qu’une grippe. Ce sont surtout des hommes et des jeunes qui ont tendance à croire à ces théories du complot, ainsi que des gens ayant des revenus de moins de 40 000 dollars canadiens par an avec des diplômes d’études secondaires. Ce sont aussi des gens dont les valeurs sont traditionnelles, partisans du patriarcat et peu enclin à favoriser l’égalité des sexes.
Le sociologue Martin Geoffroy, directeur et chercheur principal du Centre d’expertise et de formation sur les intégrismes religieux (CEFIR) du cégep Édouard-Montpetit, ne se dit pas surpris par les résultats de ce sondage :
« Quand on dit qu’entre 15 % et 25 % de la population croit à ces théories, ça correspond à ce qu’on voit sur le terrain ». Par contre 80% des personnes interrogées se disent en accord avec la décision de Facebook de fermer les comptes québécois qui relaient ces théories de complot.