Covid-19 : comment expliquer le regain des contaminations en Europe ?

Entretien. Le nombre de cas de Covid-19 repart à la hausse dans de nombreux pays européens depuis plusieurs semaines. Le 11 juillet, l’Union Européenne recommande aux personnes de plus de 60 ans de recevoir une quatrième dose de vaccin anti-covid. À quoi est lié ce regain épidémique ?
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masque covid lisbonne
Une jeune femme porte un masque dans le métro à Lisbonne le 6 janvier 2022. Le Portugal a été le premier pays frappé par la septième vague de Covid-19, au début du mois de juin 2022.
Armando Franca/AP
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Près de 130 000 nouveaux cas de Covid-19 sont détectés en moyenne chaque jour en France, selon CovidTracker. En Allemagne, 89 000 personnes sont testées positives en moyenne chaque jour, selon Reuters et pas moins de 102 500 nouvelles contaminations sont recensées quotidiennement en Italie. Pas de doutes possible : l’Europe fait face à une septième vague de Covid-19. 

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Mais cette fois-ci, il y a peu, voire pas du tout de restrictions sanitaires. L’Union Européenne recommande toutefois aux plus de 60 ans de se faire vacciner une quatrième fois. Antoine Flahault est épidémiologiste et directeur de l’Institut de Santé Globale à l’Université de Genève en Suisse. Il se veut rassurant quant à cette septième vague de contaminations. Pour lui, le vaccin permet de vivre une forme de "paix armée" avec le virus. Il souhaite pousser plus loin la lutte contre le Covid-19, en trouvant des solutions pour prévenir les infections.

TV5MONDE : Comment s’explique le regain épidémique que connaît l’Europe actuellement ? 

Antoine Flahault : Il s’explique essentiellement par deux sous-variants d’Omicron, qui sont BA.4 et BA.5. Ils ont été observés pour la première fois en Afrique australe en décembre 2021 pour BA.4 et en janvier 2022 pour BA.5. Ils ont véritablement provoqué une vague épidémique en Afrique du Sud il y a à peu près deux mois. Ces sous-variants se sont révélés très transmissibles, plus encore que les sous-variants précédents d’Omicron, qu’étaient BA.1 et BA.2. 

Variant, sous-variant… quelle différence ?

  • Depuis le début de la pandémie de Covid-19, les différentes vagues ont été détectés : Alpha, Delta, Omicron et bien d’autres. 
  • "Ils ont un patrimoine génétique un peu différent, mais ils restent de la même lignée que le virus d’origine", explique l’épidémiologiste Antoine Flahault. "À chaque fois qu’il y a une mutation, il y a un variant.
  • En revanche, "tous les variants ne s’imposent pas", car ils ne sont pas forcément plus transmissibles ou plus résistants à l’immunité. 
  • Dans le cas du variant Omicron, qui est à la fois plus contagieux et plus résistant à l’immunité, il y a aussi de nombreux sous-variants. 
  • "Ils ont tous les mêmes caractéristiques de mutation qu’Omicron, mais ils peuvent en avoir d’autres en plus", résume l'épidémiologiste.
  • Par exemple, Antoine Flahaut explique qu’en Inde, il y a un sous-variant du sous-variant BA.2 (le BA.2.75) qui est surveillé de très près, "parce qu’il semble être encore plus transmissible que le BA.5."

Lorsqu’ils sont arrivés en Europe, en commençant par le Portugal, ils ont provoqué une vague épidémique. Il faut toutefois noter que la vague épidémique d’Afrique du Sud avait duré huit semaines, alors que celle du Portugal plus de trois mois. Cette dernière n’a pas été très importante en termes d’hospitalisation et de décès. Mais il s’agit d’une grosse vague en termes de contaminations. En nombre absolu, le nombre d’hospitalisations et de décès est quand même assez élevé. 

La vague épidémique est en train de se terminer au Portugal, mais elle a plus que démarré dans le reste de l’Europe. Plusieurs pays européens approchent de leur pic épidémique. C’est surtout BA.5 qui s’impose comme le sous-variant dominant de cette vague. On reste dans Omicron, pour la troisième vague de l’année 2022. On peut dire qu’il y a eu une vague presque tous les trois mois : BA.1 en janvier, BA.2 en avril et maintenant BA.5. 

TV5MONDE : Pourquoi y a-t-il de moins en moins de restrictions sanitaires au fil des vagues de contaminations ?

Antoine Flahault : Jusqu’à présent, il y a eu deux phases dans cette pandémie. D’abord, la phase que j’appelle moyen-âgeuse, d’avant les vaccins. C’est là où des méthodes de confinement, de couvre-feu, de quarantaines ont été appliquées pour pallier la saturation des hôpitaux et des soins intensifs, comme au Moyen-Âge quand il y avait des épidémies. Cette phase est terminée depuis l’avènement des vaccins, en tout cas en Occident.

Maintenant, pour les gens qui sont vaccinés, qui ne sont ni trop âgés ni immuno-déprimés, on est capables d’éviter un grand nombre d’hospitalisations. Antoine Flahault, épidémiologiste

Je dirais que grâce aux vaccins, on vit dans une forme de paix armée avec le virus. Quand le vaccin ne couvre pas suffisamment la population, comme c’était le cas à Hong-Kong, ou comme c’est le cas en Chine ou en Corée du Nord, on va recourir aux méthodes que j’appelle moyen-âgeuses. Hong Kong n’a pas voulu confiner sa population une nouvelle fois. Ils ont fait face à une hécatombe impressionnante, notamment de personnes âgées, mal-vaccinées, au moment où le variant Omicron est arrivé sur leur territoire. Maintenant, pour les gens qui sont vaccinés, qui ne sont ni trop âgés ni immuno-déprimés, on est capables d’éviter un grand nombre d’hospitalisations. 

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On aurait bien aimé que cette deuxième phase signifie la fin de l’épidémie. Mais on n’a pas de vaccin permettant d’empêcher les nouveaux variants de les contrer. On fait face à peu près tous les trois mois à une vague assez importante, car ce sont des variants très transmissibles. Ils touchent une grande partie de la population à chaque fois, y compris des gens qui ont déjà été infectés par le virus et qui sont déjà vaccinés.

TV5MONDE : L’Union européenne encourage les personnes de plus de 60 ans et les personnes fragiles à recevoir une quatrième dose de vaccin. Ce n’est pas trop tard ? 

Antoine Flahault : Même si on est au milieu de la vague épidémique, il y aura peut-être encore un mois et demi de contamination. Sachant que la quatrième dose est efficace assez rapidement à partir du moment où elle est administrée, le fait de pouvoir en donner maintenant me paraît plutôt une bonne idée pour les gens qui n’en auraient pas eu. 

Pour le moment, il vaut mieux réserver la quatrième dose aux plus de 60 ans, comme c’est recommandé.Antoine Flahault, épidémiologiste

Les autorités donnent des recommandations qui sont fondées sur des expertises collectives. Elles valent toujours mieux que l’expertise d’un seul expert isolé. En plus, ces expertises tiennent compte de la faisabilité des choses. C’est-à-dire qu’il ne serait pas bien de se précipiter sur les quatrièmes doses quand on est jeune et que à cause de cela des personnes âgées ne puissent pas bénéficier de cette quatrième dose facilement. Je pense que pour pleins de raisons, pour le moment, il vaut mieux réserver la quatrième dose aux plus de 60 ans, comme c’est recommandé. 

TV5MONDE : Le Covid est-il devenu une maladie endémique ?

Antoine Flahault : Je n’aime pas tellement le terme de maladie endémique. Pour les épidémiologistes, il recouvre des maladies qui ne donnent pas d’épidémies. C’est un petit peu le deuxième type de circulation d’un virus. Soit il fonctionne par flambée épidémique, comme on connaît en ce moment, soit il n’y a pas de flambée épidémique. Par exemple, le virus du SIDA ne donne pas de flambée épidémique. Il évolue à un niveau faible, contenu. Mais il donne des contaminations que l’on peut relever chaque année. 

Je ne suis pas du tout certain que le coronavirus donne jamais de circulation de type endémique. En revanche, ce n’est pas impossible qu’il produise une circulation qui s’apparenterait à la grippe. Aujourd’hui, il suit les quatre saisons, car il y a à peu près quatre vagues épidémiques par an. Je ne suis pas totalement sûr qu’il se comportera comme la grippe, avec une épidémie saisonnière, mais peut être encore avec un "pattern" très différent.

Si on rendait à ces espaces clos une qualité de l’air intérieur qui ressemble à celui de l’air extérieur où ne nous contaminons pas, on pourrait probablement réduire considérablement les contaminations. Antoine Flahault, épidémiologiste

Je ne sais pas si on arrivera à rendre cette maladie endémique. Si on le voulait, il faudrait s’attaquer aux contaminations elles-mêmes. Aujourd’hui, le vaccin ne permet pas de bloquer les contaminations, donc on ne peut pas reposer que sur cette politique comme on le fait aujourd’hui. Si on veut sortir de là, il y a un espace qui n’a pas encore été exploré et qu’il me semble urgent d’explorer. C’est celui de la ventilation. 95%, peut-être 99% des contaminations ont lieu en milieu clos, mal ventilé et qui reçoit du public. Si on rendait à ces espaces clos une qualité de l’air intérieur qui ressemble à celui de l’air extérieur où ne nous contaminons pas, on pourrait probablement réduire considérablement les contaminations. Par exemple, si on mettait à profit l’été pour améliorer la qualité de l’air des écoles, on aurait une rentrée beaucoup moins problématique.