Covid-19 : En France, des personnes âgées n'ont "personne pour leur apporter à manger"

10 000 bénévoles se relaient depuis le début du confinement pour contacter les personnes âgées isolées partout en France. Une plateforme téléphonique d'urgence a été créée par la Protection Civile, une association d'utilité publique. Son président constate que de nombreux séniors, sans aucun lien social, se retrouvent à court de médicaments ou même de nourriture.
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Paris, mars 2020
© Protection Civile
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Ils ont été très visibles au plus fort de la crise sanitaire en France. Les uniformes orange et bleu de la Protection Civile ont participé aux évacuations par TGV de dizaines de malades atteints du Covid-19 vers des centres de réanimation moins surchargés. Cet organisme reconnu d'utilité publique compte dans ses rangs plus de 30 000 bénévoles, dont beaucoup de secouristes. Face au coronavirus, ses missions sont très variées : soutien aux Ehpad, accueil des malades dans les hôpitaux ou dépistage. L'association a également créé dès le mois de mars une ligne téléphonique d'écoute destinées aux personnes âgées isolées. Cette plateforme appelée "Solidaritel" a déjà passé 200 000 appels à des personnes confinées. Avec souvent la nécessité d'intervenir sur place pour apporter une aide alimentaire ou des médicaments. TV5MONDE a contacté François Richez, le président national de la Protection Civile.
 
TV5MONDE : Pourquoi avoir créé cette ligne téléphonique dédiée au soutien aux personnes âgées ?
 
François RICHEZ : Nous étions déjà habitués à faire des appels téléphoniques dans des circonstances qui touchent essentiellement nos aînés, notamment les canicules durant les périodes estivales. Nous avons voulu tester notre plateforme téléphonique sur l'aspect "isolement" lié au confinement, qui pourrait provoquer une perte de lien social. Voilà pourquoi nous avons créé cette plateforme "Solidaritel", pour élargir notre spectre d'intervention auprès de nos aînés, mais aussi des plus précaires. Nous appelons des milliers de personnes recensées par les bailleurs sociaux ou les collectivités territoriales comme étant isolées ou à risque.
 
Qui effectue ces appels ?
 
Nous avons près de 10 000 bénévoles qui sont à leur domicile et qui mènent ces appels auprès des plus démunis et des plus âgés. 5000 d'entre eux sont de nouveaux bénévoles. Ils ont souhaité rejoindre la Protection Civile durant cette période de confinement, pour donner un sens à leur vie et aider nos aînés.
 
Quels sont les difficultés dont vous font part les personnes fragiles que vous appelez ?
 
Au travers des 200 000 appels qui ont été générés depuis le lancement de la plateforme, on perçoit une souffrance psychologique liée à l'isolement, au fait que ces personnes ne voient plus leur assistante ménagère et très peu leur famille. Cet isolement leur pèse encore plus depuis le début du mois d'avril. A tel point que nous avons dû nous déplacer et faire 4000 interventions à domicile. Les personnes concernées n'avaient, soit plus de médicaments, soit plus de quoi manger chez eux. Nous avons alors organisé du portage de denrées alimentaires de première nécessité. Ces personnes étaient vraiment dans une réelle souffrance, liée au manque de nourriture.  Elles n'avaient personne pour leur apporter à manger. Souvent, leur seul contact extérieur était l'appel qu'elles ont reçu de la Protection Civile. Et ce sont souvent de longues discussions de 30 à 45 minutes qui se sont engagées. C'est là qu'on perçoit la solitude de la personne, elle a besoin, tout simplement, de parler, d'avoir l'oreille attentive d'un bénévole qui est là pour les écouter et les rassurer. Dans la plupart des cas, ces personnes demandent à être rappelée dans les jours suivant pour conserver un lien.
 
Votre association, comme d'autres (Emmaüs par exemple), a lancé un appel aux dons. La crise sanitaire vous met-elle face à des difficultés financières ?
 
C'est la première fois de son histoire que la Protection Civile lance un appel à la générosité publique, aux dons des entreprises et des particuliers. Nous sommes habituellement une structure qui s'auto-finance à hauteur de 90% au travers de nos activités classiques : la formation aux premiers secours et la tenue de dispositifs de secours sur de grandes manifestations culturelles ou sportives, comme des festivals de musique.

Confinement oblige, l'ensemble de ces manifestions n'a pas lieu, nous n'avons plus de source de financement. Et pendant ce temps, nous continuons à assurer nos missions de service public. Aujourd'hui, on a un manque de moyens important pour poursuivre ces missions.
 
On considère que nous allons perdre 10 millions d'euros dans les six mois à venir sur des revenus annuels de 25 millions d'euros, parce qu'on sait que de mars à septembre, il n'y aura presque aucun dispositif de secours à mettre en place sur des événements. Et nous parions sur le fait que nous aurons de l'activité sur les derniers mois de l'année, ce qui n'est même pas sûr. En plus de l'appel aux dons, nous demandons aussi un engagement rapide de l'Etat pour pouvoir continuer nos activités.