Fil d'Ariane
Ce mardi 6 avril, le service de communication du ministère des Sports de Pyongyang a fait savoir que le pays « a décidé de ne pas participer aux 32e Jeux Olympiques afin de protéger les athlètes de la crise sanitaire mondiale causée par le Covid-19 ». Une décision qui soulève de nombreuses questions quant à la riposte de la Corée du Nord face à la pandémie.
« Il n’y a plus de contact avec les Nord Coréens, il n’y a plus rien », affirme Juliette Morillot, journaliste spécialiste de la péninsule coréenne et auteure de Le monde selon Kim Jong-un (Robert Laffont, 2018) : « je n’ai pas réussi à joindre les contacts qui sont sur place depuis plusieurs jours ». Peu d’informations circulent concernant la situation dans le pays et Juliette Morillot se « méfie beaucoup de ce qu’on peut lire sur la Corée du Nord dans les médias ».
(Re)lire : Covid-19 en Corée du Nord : vivre à Pyongyang en pleine pandémie selon l'ambassade russe
Ce que l’on sait, c’est que dès le début de la crise sanitaire, les autorités nord-coréennes ferment totalement les frontières. Avec le confinement, Pyongyang se coupe du monde extérieur et cet isolement accroît la pression sur l’économie du pays, déjà soumise à des sanctions internationales en raison du programme nucléaire et balistique développé par le régime communiste. Alors que la Corée du Nord dépend à 80% de ses échanges avec la Chine, voisine et alliée, elle se renferme un peu plus sur elle-même et la chute des approvisionnements affaiblissent le pays.
Plusieurs têtes ont été changées dans les départements économiques. Le système a été repris en main et l’économie est à nouveau contrôlée
Juliette Morillot, journaliste et auteure de Le monde selon Kim Jong-un (Robert Laffont, 2018)
Un phénomène de repli sur soi après une forme d’ouverture ces dernières années : « c’est ce que l’on a pu observer, notamment avec une libéralisation de l’économie. C’était accepté, toléré, et même encouragé pour faire de l’argent, mais pas inscrit dans les lois ». Or, depuis le dernier congrès du parti, en janvier dernier, la tendance inverse s’observe. Juliette Morillot l’affirme « plusieurs têtes ont été changées dans les départements économiques. Le système a été repris en main et l’économie est à nouveau contrôlée ». En outre, ce ne sont pas seulement les espaces de libertés économiques qui ont tari : « il y a aussi un renforcement de la surveillance des gens et de la censure dans le pays, notamment contre l’influence sud-coréenne».
(Re)lire : Corée du Nord : le bureau de liaison avec la Corée du Sud de Kaesong a été détruit
Quant à la pandémie, la Corée du Nord dispose d’un système hospitalier défaillant qui ne serait sans doute pas en mesure de pouvoir, seul, affronter une vague de grande ampleur de malades du Covid-19. Les infrastructures médicales sont laissées en mauvais état depuis des années et les hôpitaux manquent de médicaments et de personnel qualifié. En 2018, Kim Jong-Un, lui-même, avait critiqué le système de santé du pays lors d’une visite d’équipement médicaux. L'agence officielle KCNA avait rapporté les propos du président qualifiant les responsables de « paresseux et irresponsables ». En juin dernier, le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies alertait sur la situation critique dans le pays avec quelque dix millions de personnes, soit 40 % de la population, ayant besoin d’aide humanitaire.
Si les autorités assurent que la population est épargnée par le coronavirus, des experts internationaux affirment le contraire. De plus, la maladie n’est pas la seule crainte : en mars dernier, le rapporteur spécial pour les droits humains en Corée du Nord pour des Nations Unies, Tomas Ojea Quintana, alertait la communauté internationale : des personnes seraient « mortes de faim » dans le pays en raison du manque d’approvisionnement lié à la fermeture des frontières. L’aide humanitaire ne rentrerait plus. Le rapporteur spécial de l’ONU s’inquiète d’une « hausse du nombre d'enfants et de personnes âgées qui ont recours à la mendicité car les familles ne sont pas en mesure de les soutenir ».
En février dernier, les services de renseignements sud-coréens affirment que des hackers nord-coréens auraient tenté de pénétrer les systèmes informatiques de Pfizer, le géant pharmaceutique américain, premier à avoir développé un vaccin contre le Covid-19.
Selon l’Alliance du vaccin (Gavi), membre du COVAX, le programme onusien qui coordonne la distribution de vaccins dans les pays les plus pauvres, la Corée du Nord aurait demandé à bénéficier de doses : le pays devrait recevoir près de deux millions de vaccins AstraZeneca dans le cadre de ce programme.