Fil d'Ariane
Les hôpitaux québécois débordent de patients atteints de la COVID et le système de santé québécois est au bord de la rupture : le variant omicron a déferlé comme un tsunami sur le Québec – et sur l’ensemble du Canada – durant les fêtes et cette cinquième vague catastrophique, la pire depuis de l’épidémie, n’a pas encore atteint son pic.
Plus de 10 000 personnes atteintes de la COVID 19 sont actuellement hospitalisées au Canada, plus de 4 000 en Ontario et plus de 3 400 au Québec.
Les hôpitaux québécois sont à l’étape ultime de leurs opérations de délestage, qui consiste à annuler des chirurgies, des traitements et des rendez-vous de suivi pour faire de la place aux malades COVID.
Résultat tragique : des milliers de personnes atteintes du cancer voient leurs chirurgies et/ou leurs traitements repoussés à des dates indéterminées. Sans oublier tous ceux et celles qui sont en attente d’une chirurgie pour se faire remplacer une hanche, un genou par exemple et dont la qualité de vie est dépendante de cette opération.
Une situation catastrophique donc pour le réseau de santé québécois qui souffre également d’une grave pénurie de main d’œuvre : environ 50 000 travailleurs de la santé manquent actuellement à l’appel, dont 12 000 à cause de la COVID. Ce qui fait dire au ministre québécois de la Santé, Christian Dubé, que le réseau est pris en étau entre plus de malades à soigner et moins de personnel soignant pour ce faire et que le pic de la vague n’était pas encore atteint. "On est encore dans la tempête dans les hôpitaux… on est rendu au bout du rouleau, l’élastique est étiré au maximum", a précisé le ministre Dubé.
On est rendu au bout du rouleau, l’élastique est étiré au maximum.
Christian Dubé, ministre québécois de la Santé.
Dans cette perspective, un nouveau guide de soins dans les hôpitaux vient d’être présenté au gouvernement québécois : l’idée est d’accepter de vivre avec le coronavirus au sein des établissements en le traitant comme celui de la grippe, donc d’accepter un risque minimal dans le fonctionnement des établissements, de réduire la qualité des soins pour traiter plus de patients et d’impliquer la famille et les amis pour soulager le personnel soignant et réduire la durée des hospitalisations.
Une trentaine de médecins ont participé à la préparation de ce guide qui serait un virage important des soins dans le réseau de santé québécois mais qui ne serait appliqué que pour les 4 à 6 prochaines semaines, le temps de sortir du pic de cette monstrueuse vague.
Cette nouvelle façon de faire est bien accueillie par le corps médical qui y voit une solution pour arrêter de privilégier les soins des malades COVID au détriment des autres patients.
Cette semaine marque le retour sur les bancs d’école des jeunes québécois dans les écoles primaires et secondaires de la province.
Une rentrée qui soulève de nombreuses inquiétudes, surtout chez les parents, car avant les fêtes, les écoles primaires étaient les principaux foyers d’éclosion du virus, alors qu’au secondaire, avec un taux de vaccination dépassant les 85% des élèves, les cas ont été très limités.
C’est la question de la ventilation et la qualité de l’air dans les écoles qui inquiète, le virus étant transmis par aérosols et Omicron étant plus contagieux que Delta.
Mais le ministère de la Santé du Québec se veut rassurant : "Si les autres mesures sont bien appliquées, la qualité de l’air actuelle n’est pas un grand facteur dans la transmission de la COVID. Il peut y avoir des améliorations, mais pas de là à penser qu’on prend un risque à retourner les enfants dans ces milieux", a déclaré le directeur général de la protection de la santé publique le Dr Yves Jalbert.
Déjà 68% des détecteurs de CO2, des appareils qui analysent la qualité de l’air dans une pièce et qui avertissent quand il est nécessaire de l’aérer, ont été distribués dans les écoles, ainsi que 400 échangeurs d’air.
On s’attend à ce que le taux d’absentéisme atteigne des sommets jamais atteints.
Sylvain Mallette, président de la Fédération autonome de l’enseignement.
Des mesures insuffisantes pour plusieurs : "On s’attend à ce que le taux d’absentéisme atteigne des sommets jamais atteints. C’est ce qui nous inquiète, dans un contexte où 50% des bâtiments sont dans un mauvais état. Il y a des problèmes qui subsistent au niveau de l’aération et de la ventilation et donc, pour nous, ce ne sont pas des conditions acceptables", a déclaré Sylvain Mallette, président de la Fédération autonome de l’enseignement.
Le collectif COVID-STOP qui rassemble des scientifiques et des médecins, s’inquiète également : "De 90 à 100% de la transmission du virus est par voies aériennes. Et présentement, il n’y a absolument rien qui peut aider. Les capteurs de CO2 disent quand il faut ouvrir les fenêtres, mais justement, ils ne sont pas tous installés", s’est alarmé Nancy Delagrave, coordonnatrice scientifique du collectif.
La conseillère scientifique du premier ministre Trudeau, Mona Nemer, déplore de son côté que les provinces n’aient pas pris davantage de mesures pour améliorer la qualité de l’air dans les écoles alors que le gouvernement canadien leur a transféré des centaines de millions de dollars pour doter les écoles des appareils nécessaires.
L’autre arme promise par le gouvernement québécois pour que cette rentrée scolaire se fasse le plus sécuritairement possible, ce sont les tests rapides : 7,2 millions de tests vont être livrés dans les centres de garde et les écoles primaires au cours des prochaines semaines. Un protocole a aussi été défini pour les conditions d’isolement d’un élève advenant que son test rapide soit positif : cinq jours d’isolement, suivi d’un autre test rapide, retour à l’école si négatif, un autre cinq jours d’isolement si encore positif.
Parlant de tests rapides, le gouvernement québécois a clairement "échappé le ballon", comme on dit au Québec, avec la distribution gratuite de ces kits aux Québécois. Contrairement en France où ces tests sont vendus en pharmacie et dans les grandes surfaces, le gouvernement québécois a privilégié la distribution gratuite d’un kit de cinq tests par personne une fois par mois et a confié aux pharmacies le soin d’assurer cette distribution.
Une première opération s’est faite dans la semaine du 20 décembre mais il y avait tellement de demande pour si peu de tests offerts que mettre la main sur un test rapide avant les fêtes tenait du miracle !
Il a fallu attendre la semaine du 10 janvier pour qu’une deuxième distribution se fasse et là encore, il n’y en avait pas assez pour la demande. Pourtant, le gouvernement québécois avait en stock plusieurs millions de ces tests rapides depuis des mois, mais il ne voulait pas s’en servir par crainte de perdre le contrôle du décompte du nombre de cas dans la province. Il ne les a donc pas distribués à la population : une erreur stratégique, surtout avec le débarquement d’Omicron dans la province début décembre.
Si les Québécois avaient alors disposé de ces tests rapides en grand nombre, le taux de contamination aurait probablement été moindre. Et très rapidement, le gouvernement n’a plus été capable de comptabiliser le nombre de cas quotidiens car il y en avait trop, les centres de dépistage ont été pris d’assaut, il a fallu réserver les tests PCR à certaines catégories de la population et encourager les personnes qui avaient des symptômes de faire des tests rapides et de rester chez eux quand ils étaient positifs.
Bref, un vrai fiasco pour le gouvernement Legault que cette gestion des tests rapides…
Les situations varient d’une province à l’autre mais aucune n’a échappé à la vague Omicron, qui a déferlé jusque dans les communautés autochtones du grand nord.
Dans les provinces maritimes, le gouvernement du Nouveau-Brunswick vient de décréter le retour au confinement. En Ontario, la plus grosse province du Canada, la situation est assez similaire à celle du Québec, avec des hospitalisations qui se comptent par centaines et des morts par dizaines chaque jour. Mais l’injection de la troisième dose de vaccin commencée avant les fêtes pour les plus de 18 ans a permis à cette province d’avoir un meilleur bilan que le Québec, qui a pris du retard dans cette campagne de vaccination de la troisième dose, un retard dont s’est régalé Omicron.
Par ailleurs Santé Canada vient d’autoriser le Paxlovid, un traitement utilisé contre la COVID pour éviter les formes graves de la maladie, un premier lot de 30 000 traitements va être distribué aux provinces au cours des prochains jours.
Cette pilule de Pfizer qu’il faut prescrire dès les premiers symptômes va permettre aux personnes qui ont un risque élevé de forme sévère de la maladie, comme des immunosupprimés, de ne pas être hospitalisées.
Le gouvernement canadien a commandé un million de Paxlovid à la pharmaceutique, tout en maintenant son message que la vaccination restait la meilleure arme pour lutter contre le virus, car ce traitement est très coûteux et il ne sera pas administré à l’ensemble de la population. Autrement dit, une personne en pleine forme qui n’est pas vacciné et qui est contaminée par le virus ne pourra s’en prévaloir.
Le Canada est l’un des pays du monde où il y a le plus de personnes vaccinées, plus de 85% de la population a reçu sa double dose.
Mais seulement le tiers a eu sa troisième dose. Les taux de vaccination sont similaires au Québec, mais la province a pris du retard pour la campagne de la troisième dose : c’est seulement à partir de fin décembre que la vaccination pour les plus de 60 ans a commencé et il a encore fallu attendre les premières semaines de janvier pour que la troisième dose soit ouverte aux 18 ans et plus. Il reste que moins de 10% des Québécois.es ne sont pas vacciné.es et que ces non-vaccinés occupent la moitié des lits dans les soins intensifs des hôpitaux québécois.
Le gouvernement de François Legault a donc décidé de sévir : à partir du 18 janvier, il faut présenter son passeport vaccinal pour rentrer dans les succursales de ventes d’alcool et de cannabis de la province, ainsi que dans les grandes surfaces. Ce passeport était également exigé pour aller dans les bars, restaurants, cinémas, théâtres et salles de spectacles quand ils étaient encore ouverts, puisqu’ils ont dû fermer leurs portes au cours des dernières semaines. Le premier ministre François Legault a aussi annoncé que son gouvernement allait présenter un projet de loi afin d’imposer une contribution financière aux non-vaccinés sans préciser quelle forme prendrait cette contribution, ni comment on va identifier les quelque 600 000 Québécois.es non vacciné.es.
Cette mesure est loin de faire l’unanimité au Québec, beaucoup s’inquiètent qu’elle ne remette en question le droit sacré à l’universalité des soins, ce que nie François Legault.
L’objectif derrière ces mesures contre les non-vaccinés est de les inciter à aller se faire vacciner, le gouvernement rapporte d’ailleurs une augmentation substantielle de prise de rendez-vous pour la première dose et ne cesse d’encourager les récalcitrants à le faire.
Le gouvernement québécois a levé ce lundi le couvre-feu qui était en vigueur depuis le 31 décembre, ce qui ne change pas grand-chose pour les Québécois puisqu’ils sont confinés chez eux avec le retour au télétravail obligatoire pour tous ceux qui le peuvent et que tout est fermé sauf les magasins.
L’hiver va être long, encore une fois, et il a un air de déjà vu, laissant une désagréable sensation du retour à la case départ, de quoi plomber gravement le moral des Québécois…