Fil d'Ariane
Le 8 décembre, le Royaume-Uni est devenu le premier pays européen à débuter la vaccination de sa population contre le Covid-19 avec le vaccin américain Pfizer/BioNTech. Comment a-t-il fait et pourquoi ne pas avoir attendu l'avis de l'Agence européenne du médicament ?
"Alors que jusqu'à plus tôt cette année nous étions dans l'Agence européenne du médicament, grâce au Brexit nous avons pu prendre une décision (...) avec l'agence de la santé britannique, (...) et non au rythme des Européens, qui avancent un peu plus lentement».
Un argument que le député européen Pieter Liese fustigeait lors du dernier débat avec l’Agence européenne des médicaments. "L’urgence n’est pas due au Brexit. D’autres États membres auraient pu choisir une autre voie, conformément à la législation européenne ! ».
En effet. En théorie et dans les textes, le Royaume-Uni demeure membre de l’Agence européenne du médicament, jusqu’au 31 décembre prochain. Le Brexit n'est donc responsable en rien de la rapidité de distribution du vaccin Pfizer/BioNTech sur le sol britannique. En réalité, le Royaume-Uni a opté pour "une autorisation temporaire d'utilisation" du vaccin, explique Sabine Saurugger, spécialiste en Droit et politique dans l'Union européenne et directrice de recherche à Sciences Po Grenoble.
"La régulation européenne permet à tous les États membres de l'UE une commercialisation plus rapide des médicaments". À l'aide d'une dérogation, le pays qui le souhaite peut s'émanciper de la décision commune de l'Union européenne, comme le Royaume-Uni, et prendre une décision au niveau national. Les autres Etats membres ont préféré coopérer au sein de l’Agence européenne des médicaments et commencer la vaccination le 27 décembre prochain.
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Un autre élément explique l'avance du Royaume-Uni sur ses voisins européens. "Le Royaume-Uni n’a pas attendu d’analyse indépendante des données fournies par les laboratoires Pfizer/BioNTech. Cela explique leur avance", affirme Els Torreele, chercheuse en innovation médicale et en santé publique. La MHRA, l'agence britannique qui a donné le feu vert pour la vaccination, n'a en effet pas réalisé d'étude, indépendamment des résultats fournis par les laboratoires, pour s'assurer de la sécurité du vaccin et de son efficacité. Au contraire de l'Agence européenne du médicament.
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Pour Sabine Saurugger, la volonté du Royaume-Uni d'être les premiers à vacciner sa population contre le coronavirus serait notamment relative à la politique interne britannique.
L'opinion des Britanniques envers l'Union européenne semble avoir radicalement changé depuis 2016. Une récente étude conduite par l'institut de recherche NatCen démontre que plus de 50% des électeurs britanniques souhaiteraient rester dans l'Union européenne.
"La position du Royaume-Uni dans les négociations du Brexit a été très problématique et critiquée en interne. Le gouvernement britannique souhaite donc montrer qu'il y a des avantages à ne pas être membre de l'Union européenne. Or, le Royaume-Uni a pu distribuer le vaccin en utilisant la procédure européenne de dérogation qui permet une distribution plus rapide, puisque juridiquement il est toujours membre de l'Union Européenne", explique Sabine Saurugger.
Selon Sabine Saurugger, il s'agit également pour le Royaume-Uni de "montrer aux Etats membres qu'ils peuvent être plus rapides, se débrouiller seuls, sans être dépendants de l'Union européenne". Une situation dont le Royaume-Uni ne peut pourtant pas tout à fait encore se targuer.