Un an après le lancement de la vaccination contre le Covid-19, plus de la moitié de la population mondiale a bénéficié d’au moins une dose de vaccin. La vaccination reste cependant très inégale selon les pays. Les pays les plus riches organisent aujourd'hui des campagnes de vaccination pour une troisième dose. Seulement 25% de la population des pays en voie de développement a reçu pour sa part une première dose de vaccin. État des lieux.
L’OMS martèle le même message depuis des mois. Pour endiguer la pandémie, il faut rendre les vaccins accessibles à tous. Or c’est loin d’être le cas. Tedros Ghebreysus, le directeur de l'OMS, le répétait le 1er décembre. L'insuffisance de la couverture vaccinale et du niveau de dépistage, notamment en Afrique, constitue
"une recette parfaite pour que des variants se reproduisent et s'amplifient" .
Les pays riches sont eux déjà à leur deuxième, voire troisième dose de rappel. Les pays pauvres sont loin du compte.
Des débuts de vaccination sans concertation
La Russie et la Chine sont les premiers à vacciner leur population de manière ciblée avec leurs propres vaccins, la Chine en octobre et la Russie le 5 décembre 2020.
Le 8 décembre 2020, le Royaume-Uni démarre sa campagne de vaccination avec Astrazeneca. Mi-décembre, les États-Unis, le Canada et les Émirats arabes unis se mobilisent. Le 17 décembre, c’est au tour de l’Arabie Saoudite. Le 19 Israël commence à vacciner sa population vulnérable. Le 27, les pays de l’Union européenne démarrent leur campagne avec le vaccin ARN messager Pfizer et le vaccin Astrazeneca.
Il faut attendre le mois de février 2021 pour que les premières doses arrivent en Afrique. L'Égypte est le premier pays du continent à commencer sa campagne de vaccination le 30 janvier 2021.
Les pays pauvres en retard
L'objectif de l’OMS est de vacciner
10% de toute la population à risque
d’ici fin septembre 2021. Or 56 pays n’ont toujours pas atteint cet objectif, dont la plus part sont sur le continent africain.
L’OMS voudrait atteindre les
40% de la population mondiale
d’ici la fin de l’année 2021 et
70% d’ici juin 2022.
Son directeur, Tedros Ghebreyesus, déplore régulièrement l'accaparement des vaccins anti-Covid par les pays riches. Le 24 octobre dernier il déclare lors d’une conférence à Berlin :
"L'objectif est atteignable, mais seulement si les pays et les entreprises qui contrôlent l'approvisionnement traduisent leurs déclarations en actions".Il demande spécifiquement
"aux pays qui ont déjà atteint l'objectif de 40%, y compris tous les pays du G20, de céder leur place dans les livraisons de vaccins" au dispositif international Covax et au Fonds africain pour l'acquisition des vaccins (Avat) mis en place par l'Union africaine.
Aujourd'hui, selon l'OMS, la capacité de production est de 1,5 milliards de doses par mois. Mais comment les livrer ? Les questions de logistique ne sont pas encore complètement résolues.
Covax n’a pas réussi à atteindre ses objectifs
Un des acteurs principaux pour distribuer d'une manière équitable le vaccin est le Covax. Cette coordination effectue sa première livraison de vaccin Astra Zeneca au Ghana le 24 février 2021. Mais ce système de redistribution de vaccins anti-Covid aux pays pauvres a du mal à remplir son rôle. Dès avril, face à une recrudescence de cas, l’Inde, fer de lance du dispositif suspend ses exportations.
(RE)voir : L'Inde suspend des exportations de vaccins anti-Covid en raison d'une flambée des cas
L’objectif du dispositif Covax était de distribuer deux milliards de doses sur l’année 2021. Aujourd'hui, seules 600 millions de doses l'ont été dans 144 pays.
Seth Berkley qui dirige l’
Alliance du vaccin (
Gavi), un des piliers du Covax avec l'OMS et l'Unicef, demande aux pays donateurs
"de faire des dons de meilleure qualité".
Il twitte le 1er décembre
"Livrer les doses à un pays est facile, mais les faire arriver dans des pays où elles peuvent être immédiatement utilisées est plus dur et demande une collaboration active entre toutes les parties prenantes des pays aux fabricants en passant par les transporteurs et les pays hôtes".
Il faut non seulement obtenir des vaccins, mais également verifier leur qualité. Une très grande majorité des vaccins arrivent sans les seringues, les aiguilles ou les diluants nécessaires pour pouvoir les injecter. Pire encore, les doses données sont parfois trop proches de leur date de péremption pour être vraiment utilisables.
L’Alliance du vaccin demande donc que toutes les livraisons à partir du 1er janvier soient parfaitement utilisables.
Des vaccins insuffisants dans les pays pauvres
Les chiffres de l'OMS traduisent une fracture Nord-Sud profonde.
Le ratio de doses dans les pays à faible revenu (selon la classification établie par la
Banque mondiale) est de 8 pour 100 habitants.
À titre de comparaison, la moyenne mondiale s’élève à 101 doses pour 100 habitants.
Elle est de 147 doses pour 100 habitants pour les pays à hauts revenus.
Sur le continent africain la moyenne est de 12 doses par 100 habitants au 3 décembre (chiffres de l’OMS), et seulement 5,18% de la population est vaccinée.
(RE)lire : Covid-19 : où en est la vaccination en Afrique ?
Les pays à revenu élevé sont en tête des quelques 80 pays qui ont commencé à administrer des doses de rappels. Parmi eux figurent la quasi-totalité des pays d’Europe, d’Amérique du Nord et du Golfe.
L’arrivée de nouveaux variants
Dans ce cas comment faire en sorte que tous puissent bénéficier du vaccin ? Il y a urgence car le variant Omicron, détecté par des laboratoires sud-africains le 25 novembre, est déjà dans 50 pays à la date d'aujourd'hui.
(RE)voir : Variant Omicron : l’Afrique du Sud s’estime "discriminée"
Quelle que soit l’origine du variant, il
"se répandra d'autant moins vite que la population autour est immunisée", souligne à l'Agence France presse le 29 novembre Arnaud Fontanet, membre du conseil scientifique et épidémiologiste à l'Institut Pasteur (France).
"Si vous êtes inquiets du risque (lié) à Omicron, faites vous vacciner si vous ne l'êtes pas déjà (...) Les interdictions de voyager ne changeront rien. Les vaccins et l'équité mondiale pour la santé, si", twitte le 27 novembre la virologue américaine Angela Rasmussen.
Selon un récent rapport de la Banque mondiale, ce sont en fait 50 milliards de dollars qu'il faudrait mettre sur la table, mais pour
"un rendement à moyen terme de 9.000 milliards de dollars", souligne Arnaud Fontanet. Un investissement rentable car
"l'émergence de nouveaux variants peut, elle, déstabiliser nos sociétés et nos économies", insiste-t-il.