Crash d’Ethiopian Airlines : l’automatisation des Boeing en question
En 5 mois, deux avions Boeing 737 MAX se sont écrasés faisant 157 morts en Ethiopie et 189 morts en Indonésie. Dans ces deux crashs, le système de pilotage “anti-décrochage” serait pour l’instant mis en cause. L'autonomisation toujours plus importante du poste de pilotage peut-elle être dangereuse ? Entretien avec Gérard Feldzer, consultant et vulgarisateur en aéronautique.
Dimanche 10 mars, au sud-est de la capitale éthiopienne, Addis Abeba, 157 personnes ont perdu la vie dans le crash d’un Boeing 737 MAX de la compagnie Ethiopian Airlines. Selon les premiers éléments de l’enquête, l’accident aurait eu lieu quelques minutes après le décollage.
Un scénario similaire au vol de la compagnie Lion Air qui s’était abîmé en mer au large de l’Indonésie, à bord du même avion, en octobre 2018. Lors de ce dernier, le système anti-décrochage avait détecté par erreur un danger ce qui avait mis automatiquement l’avion à plat dans le ciel. Le système n’avait pas pu être désactivé par le pilote ce qui avait entraîné par la suite sa chute.
TV5MONDE : D’une façon générale, que pensez-vous du système de pilotage automatique ?
Le pilote automatique existe depuis la dernière guerre et il est indispensable. On ne va pas tenir à la main un avion en croisière pendant 10 heures, ça n’a aucun sens. Il vaut mieux que le pilote prenne du recul, analyse la situation et commande au pilote automatique les trajectoires.
TV5MONDE : Les systèmes automatiques comme le système anti-décrochage de Boeing peuvent-ils être dangereux ou est-ce le manque de formation des pilotes à ces systèmes qui aurait conduit à ce nouveau crash ?
En tant que pilote, lors d’un vol, vous avez un certain nombre de recoupements à faire. Quand vous voyez que la sonde vous dit que vous êtes en train de décrocher alors que ce n’est pas vrai - comme c’était le cas pendant le vol de la compagnie Lion Air - il faut pouvoir éliminer le geste automatique. C’est ça qui a manqué apparemment. Cela veut donc dire que que tous les pilotes, qui volent dans les avions comme le Boeing 737 Max, doivent se former quatre fois par an sur les simulateurs, à ce type de systèmes automatiques.
TV5MONDE : Dans un crash comme celui de Lion Air et possiblement celui d’Ethiopian Airlines, peut-on incriminer directement les constructeurs ?
S’il s’avère que les deux accidents sont similaires, les responsabilités de Boeing seront très engagées. Il y a peut être une faute des aviations civiles qui ont donné l’autorisation. Reste à savoir également si la procédure du système anti-décrochage était dans le manuel de vol des compagnies aériennes. A l’heure actuelle, Boeing dit que oui mais les pilotes disent le contraire. Si cette information a été donnée, plusieurs compagnies aériennes pourraient aussi être sanctionnées.
TV5MONDE : Nous-dirigeons nous réellement vers des avions totalement automatiques ?
Les constructeurs aéronautiques y réfléchissent. Pour eux, le challenge c’est le mono-pilotage puis l’absence total de pilote. En 2030-2035, il y aura probablement des petits avions autonomes, qui existent déjà aujourd’hui. Sur les gros porteurs, il y aura une période de transition assez longue car ils ne sont pas encore prévus pour cela.