Fil d'Ariane
Le 17 juillet 2014, 298 personnes mouraient dans le crash du vol MH17, abattu par un missile au-dessus de l'est de l'Ukraine. Dix ans plus tard, le rôle de Moscou dans ce crash reste, selon l'enquête, au stade des "fortes indications".
Rob Fredriksz, qui a perdu son fils Bryce et sa compagne Daisy, place une pancarte à côté de 298 chaises vides représentant les 298 victimes du vol MH17 de Malaysia Airlines, dans un parc situé en face de l'ambassade de Russie à La Haye, aux Pays-Bas, le 8 mars 2020.
Dix ans après le crash du vol MH17 au-dessus de l'Ukraine, les espoirs de voir les responsables derrière les barreaux s'estompent pour les familles des victimes, qui se réunissent, mercredi 17 juillet, pour rendre hommage à leurs proches.
La justice néerlandaise a condamné en 2022 trois hommes à la prison à vie pour leur rôle dans le drame, dont deux Russes, mais Moscou a toujours refusé d'extrader tout suspect.
Et l'an dernier, les enquêteurs internationaux ont suspendu leurs investigations, estimant qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves pour poursuivre davantage de suspects.
Retour sur l'explosion de cet avion de la Malaysia Airlines, intervenue sur fond de conflit entre l'Ukraine et la Russie.
Peu après midi, un jeudi d'été, le vol MH17 décolle de l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol, direction Kuala Lumpur.
À son bord, 196 Néerlandais, 43 Malaisiens et 38 Australiens. Parmi eux, des spécialistes du VIH/sida, comme Joep Lange, qui se rend à Melbourne pour une conférence internationale, ou des familles, comme Peter et Jolette Essers et leurs deux enfants ou Jeroen et Nicole Wals et leur quatre enfants, qui partaient en vacances.
Les proches des passagers tués lorsque le vol 17 de Malaysia Airlines a été abattu au-dessus de l'Ukraine s'embrassent après avoir déposé une couronne de fleurs, alors qu'ils se rassemblent avec des officiels au Parlement australien à Canberra, mercredi 17 juillet 2024, pour marquer le 10e anniversaire de la tragédie.
Il s'agit du dernier message avant que l'avion n'explose en plein ciel à 13h20 GMT passées de 3 secondes. Des débris se répandent sur 50 kilomètres carrés dans la région de Donetsk, contrôlée par des séparatistes pro-russes.
Des corps, des morceaux du fuselage déchiqueté, dont la queue de l'appareil avec le logo de la compagnie malaisienne, et des bagages parsèment une vaste zone près du village de Grabove.
Une enquête internationale, dont est chargé le Bureau d'enquête néerlandais pour la sécurité (OVV), est ouverte rapidement, mais le travail des enquêteurs est compliqué par les combats intenses entre loyalistes et séparatistes, qui ont débuté en mai dans la foulée de l'annexion de la Crimée par la Russie.
À tel point que seules quelques dépouilles peuvent rapatriées aux Pays-Bas pour être identifiées. Lorsque des proches de victimes se rendent sur place neuf jours plus tard, le sol est encore jonché de fragments de corps.
Des secouristes ukrainiens transportent le corps d'une victime dans un sac mortuaire alors que des combattants pro-russes montent la garde sur le site du crash du vol 17 de la Malaysia Airlines près du village de Hrabove, dans l'est de l'Ukraine.
Malgré tout, les investigations se poursuivent et moins de deux mois après le crash, les enquêteurs internationaux affirment que le Boeing a été perforé en vol par des "projectiles à haute énergie", sans parler dans un premier temps de missile.
Rapidement, Ukraine et Russie s'accusent mutuellement d'avoir abattu l'avion.
(Re)voir → Vol MH17 : la Russie accusée, Poutine dément
Étape après étape, des éléments d'un missile BUK sont identifiés, puis la "série 9M38" dont il provient. Il est ensuite déterminé que le système du missile a été acheminé de Russie et lancé depuis l'est de l'Ukraine contrôlé par les séparatistes prorusses.
À ce stade, en septembre 2016, les enquêteurs ne précisent pas qui a tiré le missile. Mais pour Moscou, une chose est claire : "l'enquête est biaisée et politiquement motivée".
Presque quatre ans après le crash, en mai 2018, l'enquête conclut que le système de missile provient de la 53e brigade anti-aérienne basée à Koursk, en Russie. Moscou maintient qu'aucun missile russe n'a franchi la frontière russo-ukrainienne.
Seuls quatre hauts gradés des séparatistes pro-russes de l'est de l'Ukraine ont été jugés, par contumace, pour ce crash.
Le juge président Hendrik Steenhuis, à droite, et d'autres juges et avocats examinent l'épave reconstituée du vol MH17 de Malaysia Airlines, sur la base aérienne militaire de Gilze-Rijen, dans le sud des Pays-Bas, le 26 mai 2021.
Le 17 novembre 2022, les Russes Igor Guirkine (opposant nationaliste devenu depuis critique du Kremlin et condamné en janvier en Russie) et Sergueï Doubinski, ainsi que l'Ukrainien Leonid Khartchenko sont condamnés à la perpétuité pour meurtre et pour avoir joué un rôle clé dans l'acheminement du système de missiles qui a détruit l'avion.
(Re)lire → Russie-Occident : le crash du MH17 cristallise les tensions
Le 4e suspect est acquitté. Aucun n'a assisté à ce procès qui a duré plus de deux ans, près d'Amsterdam, aux Pays-Bas. Aucun appel n'est interjeté. La Russie, qui, dès le début, a parlé "d'accusations gratuites", dénonce une décision "politique".
Trois mois plus tard et après huit ans d'investigations, l'enquête, qui se poursuivait à la recherche d'autres suspects, est "suspendue", sapant les espoirs des familles de victimes de voir tous les responsables jugés.
Toutes les pistes ont été épuisées (...). Les preuves sont insuffisantes pour d'autres poursuites. Digna van Boetzelaer, procureure néerlandaise
L'implication du président russe Vladimir Poutine dans la décision de fournir aux séparatistes de Donetsk le système de missiles ayant détruit le MH17 reste au stade de "fortes indications". Mais sans "preuves complètes et concluantes", selon les enquêteurs.
Une procédure est toujours en cours contre la Russie, auprès de l'Organisation de l'aviation civile internationale, une agence des Nations Unies et les Pays-Bas et l'Ukraine ont aussi porté plainte contre la Russie devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).
Le 12 juin 2024, une audience a eu lieu devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), mais les sièges réservés aux représentants du Kremlin sont restés vides. La décision de cette juridiction internationale, dont la Russie ne fait plus partie depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022, n'est pas attendue avant plusieurs mois.