Trois jours après le crash de l'avion d'Ukrainian Airlines, l'heure est au mea-culpa. L'Iran a présenté ses excuses ce samedi 11 janvier 2020 pour avoir abattu le Boeing 737 par "erreur", causant au passage la mort de 176 personnes. Le pays pointe la responsabilité de l'"aventurisme américain" dans ce drame.
L'Iran regrette
"profondément" cet écrasement.
Le président Hassan Rohani a déclaré qu'il s'agissait "
d'une grande tragédie et une erreur impardonnable"."L'enquête interne des forces armées a conclu que de manière regrettable des missiles lancés par erreur ont provoqué l'écrasement de l'avion ukrainien et la mort de 176 innocents", a-t-il rapporté sur Twitter.
Plus tôt, le ministre des Affaires étrangères iranien avait déjà exprimé
"regrets, excuses et condoléances", tout en soulignant que Washington n'était pas étranger à ce drame. Une
"erreur humaine en des temps de crise causée par l'aventurisme américain a mené au désastre", a tweeté Mohammad Javad Zarif.
Une allusion à peine voilée aux tensions avec les Etats-unis. L'accident d'avion est intervenu quelques heures après une salve de missiles balistiques ordonnée par Téhéran contre des installations militaires américaines en Irak. Des représailles contre l’assassinat du général iranien
Ghassem Soleimani, commandant de la force des gardiens de la révolution, cinq jours plus tôt à Bagdad.
Le Boeing ukrainien , son équipage et ses passagers, sont donc des dommages collatéraux au conflit irano-américain.
Un premier aveu avait été formulé par les forces armées iraniennes, parlant d'une
"erreur humaine", et expliquant que l'appareil a été pris pour un
"avion hostile".
"Le responsable" de cette erreur va être traduit
"immédiatement" en justice, a ensuite précisé l'état-major.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a quant à lui exigé que les coupables soient punis et le versement de compensations.
"Nous attendons de l'Iran (...) que les coupables soient traduits en justice", "le paiement de compensations" et "le retour des corps des victimes", a écrit M. Zelensky sur Facebook.
Onze ressortissants ukrainiens, dont les neuf membres d’équipage, figurent parmi les victimes, qui sont pour majorité des Iraniens ou des Canadiens d’origine iranienne.
Mea culpa Le revirement de situation est spectaculaire. Depuis plusieurs jours, Téhéran avait catégoriquement nié
la thèse, privilégiée par plusieurs pays, notamment le Canada, selon laquelle l'avion ukrainien aurait été touché par un missile.
"Une chose est sûre, cet avion n'a pas été touché par un missile", affirmait encore vendredi 10 janvier le président de l'Organisation de l'aviation civile iranienne (CAO), Ali Abedzadeh, à la presse.
Sur Twitter, un conseiller du président Hassan Rohani, Hesamodin Ashena, avait exhorté les médias travaillant en persan à l'étranger à ne
"pas participer à la guerre psychologique" contre l'Iran dans cette affaire.
Les Etats-Unis estimaient de leur côté que l'appareil avait
"probablement" été abattu par un missile iranien, comme l'indiquait le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo.
"Nous avons des informations de sources multiples" qui
"indiquent que l'avion a été abattu par un missile sol-air iranien", avait déclaré jeudi 8 janvier,
le Premier ministre canadien Justin Trudeau. "
Ce n'était peut-être pas intentionnel", avait-il ajouté.
Le vol PS752 de la compagnie Ukraine Airlines International (UAI) s'est écrasé tôt mercredi 7 janvier à l'ouest de Téhéran, très vite après son décollage. Les victimes sont essentiellement des Irano-Canadiens, mais aussi des Afghans, des Britanniques, des Suédois et des Ukrainiens.
Une vidéo d'une vingtaine de secondes, qui montrerait le moment où le missile frappe l'appareil, a été largement diffusée sur les réseaux sociaux. On peut y voir un objet lumineux grimpant rapidement vers le ciel et frappant ce qui semble être un avion.
Des experts sur place
Alors que les appels à faire la vérité se multipliaient, l'Iran avait promis de mener une enquête
"transparente" et de tout faire pour faciliter la tâche des pays comptant des ressortissants dans les victimes, dont l'Ukraine.
"Nous espérons que l'enquête sera poursuivie sans retards délibérés et sans entraves. Nos 45 spécialistes doivent obtenir l'accès total" à l'ensemble des éléments de l'enquête, a-insisté le président ukrainien, Volodymyr Zelensky.
Téhéran - avec qui Ottawa a rompu ses relations en 2012 - a dit aussi attendre l'arrivée d'une équipe canadienne chargée de
"s'occuper des affaires relatives aux victimes canadiennes". Mais le chef de la diplomatie canadienne a annoncé que l'Iran avait délivré seulement deux visas à la douzaine de représentants canadiens attendus sur son territoire, précisant avoir
"espoir qu'on pourra rapidement résoudre le cas des dix autres visas".
François-Philippe Champagne a également annoncé la création par le Canada d'un groupe de coordination avec l'Ukraine, la Suède, l'Afghanistan et le Royaume-Uni, qui parlera
"d'une seule voix" en faveur d'une enquête
"complète et transparente" sur les causes du crash.
L'Iran a par ailleurs invité Boeing, le constructeur américain de l'avion, à participer à l'enquête, ainsi que les Américains, les Canadiens, les Français et les Suédois à observer les méthodes de travail suivies par les Iraniens dans cette affaire.
Un haut responsable russe a appelé Téhéran à tirer les leçons de son erreur.
"Si le déchiffrage des boîtes noires et les travaux de l'enquête ne prouvent pas que l'armée iranienne a fait cela intentionnellement et qu'il n'y a pas de raisons logiques à cela, l'incident doit être clos. Avec l'espoir que les leçons seront tirées et des mesures prises par toutes les parties", a déclaré le président de la commission des Affaires étrangères du Parlement, Konstantin Kossatchev.