L'action de la banque Credit Suisse a essuyé ce 15 mars la pire chute de son histoire, clôturant en baisse de 24 % à 1,697 franc suisse à la Bourse de Zurich, après avoir effacé près d'un tiers de sa valeur au courant de la journée. Les marchés sont très nerveux face à tout signe de faiblesse dans le secteur bancaire à la suite de la faillite de la Silicon Valley Bank en Californie.
Perçue comme le maillon faible du secteur bancaire en Suisse, la banque Credit Suisse a vu le cours de son action perdre jusqu'à 30% pour toucher un nouveau plancher historique à 1,55 francs suisses (CHF) malgré les tentatives de son président, Axel Lehmann, de rassurer. À la clôture le titre s'est stabilisé à - 24 %.
(RE)lire : Credit Suisse : en Suisse le secret bancaire au-dessus de la liberté de la presse ?Lors d'une conférence pour le secteur bancaire en Arabie saoudite, son président Axel Lehmann a assuré que la banque n'a pas besoin d'aide gouvernementale.
Ça n'est
"pas un sujet", a-t-il déclaré, soulignant que la banque s'appuie sur de
"solides ratios financiers", sans toutefois parvenir à rassurer les marchés.
Hors ces déclarations publiques, la banque comme les autorités financières et le gouvernement sont restés muets tout au long de la journée.
Or, l'inquiétude dépasse les frontières du pays alpin.
La Première ministre française Elisabeth Borne a ainsi demandé aux autorités suisses de régler les problème du Credit Suisse.
"Ce sujet est du ressort des autorités suisses. Il doit être réglé par elles", a affirmé devant le Sénat la Première ministre française, précisant que le ministre français des Finances Bruno Le Maire
"aurait un contact avec son homologue suisse dans les prochaines heures".
Une banque "très solide"
Cette chute vertigineuse du titre - la banque valait à peine plus de 7,3 milliards de CHF en termes de capitalisation boursière en milieu d'après-midi ce 15 mars - a commencé après des déclarations du président de la Banque nationale saoudienne, le premier actionnaire de Credit Suisse.
Les Saoudiens ont volé au secours de Credit Suisse en entrant dans son capital en novembre. Mais le premier actionnaire de Credit Suisse, la Saudi National Bank, ne compte
"absolument pas" investir davantage dans la banque suisse pour
"plusieurs raisons", a expliqué Ammar al-Khudairy, son président.
La plus simple tient à des questions
"règlementaires", a-t-il précisé. La banque nationale saoudienne détient une participation de 9,8%. Mais au regard du droit suisse, la Finma, l'autorité de surveillance des marchés en Suisse, devrait se prononcer si elle franchissait le seuil des 10%.
Dans un entretien le 15 mars avec l'agence Reuters, Ammar al-Khudairy s'est pourtant dit
"très content" du programme de restructuration de Credit Suisse, estimant qu'il s'agit d'une banque
"très solide".
Pilier du système bancaire suisse
Fondée en 1856, Credit Suisse est un pilier de la place financière helvétique qui a contribué aussi bien à l'essor du rail dans le pays alpin qu'à l'émergence de géant de l'assurance tels que Swiss Re ou Swiss Life ou au financement de grandes entreprises industrielles suisses, dont l'ancêtre d'ABB.
(RE)voir : Suisse : le secret bancaire mis à mal dans l'affaire des Suisse secrets
Mais depuis deux ans, la banque suisse est dans la tourmente depuis la faillite de la société financière britannique Greensill qui avait marqué le début d'une série de scandales qui ont fragilisé la banque.
Depuis mars 2021, l'action a perdu plus de 83% de sa valeur. "La pression sur Credit Suisse a touché un marché déjà nerveux", a réagi Jane Foley, analyste chez Rabobank, auprès de l'AFP.
Trop grosse pour qu'elle fasse faillite
Les déclarations de ce nouvel actionnaire ont touché une corde sensible alors que les investisseurs s'inquiètent du risque de contagion après la faillite de la banque américaine SVB.
"Il semble qu'il y ait des investisseurs de plus en plus inquiets", a commenté Neil Wilson, analyste chez Finalto dans un commentaire de marché.
Mais si le Credit Suisse venait à se trouver face à des
"problèmes existentiels", alors
"nous serions face à quelque chose d'une toute autre dimension. Elle est vraiment trop importante pour qu'on la laisse couler", a-t-il insisté.
À la différence de SVB, Credit Suisse fait partie des 30 banques au niveau mondial considérées comme trop grosses pour qu'on les laisse faire faillite, ce qui lui impose une réglementation plus stricte pour pouvoir tenir le choc en cas de difficulté.
Contactée par l'AFP, la banque centrale suisse, qui ne s'est pour l'instant pas exprimée, n'a pas souhaité faire de commentaire.
Credit Suisse a lancé en octobre, un vaste programme de restructuration pour tenter de se redresser. Mais certains actionnaires ont fini par jeter l'éponge à l'image de la société d'investissement américaine Harris Associates, longtemps son plus gros actionnaire, qui avait révélé la semaine passée avoir entièrement vendu sa participation dans la banque.
Début février, la banque avait dévoilé une perte nette de 7,3 milliards de francs suisses (près de 7,4 milliards d'euros) pour l'exercice 2022 sur fond de retraits massifs de fonds de la part de ses clients et avait prévenu s'attendre encore à une perte avant impôts
"substantielle" en 2023.