Crimée : un référendum rejeté par la communauté internationale

Sans trop de suspense, la Crimée devrait voter son rattachement à la Russie. Un référendum condamné par l'Ukraine et par la communauté internationale. Au Conseil de Sécurité de l'ONU, la Russie a du imposer son véto à une résolution condamnant l'opération. Les Ukrainiens redoutent désormais une intervention militaire russe dans l'est de leur pays.
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L'Ukraine n'accepte pas la sécession de la péninsule
Un Ukrainien prorusse porte le drapeau de la Crimée près de Chongar, dans la péninsule ukrainienne. Photo : AFP/ALISA BOROVIKOVA
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Les faits du jour :

- Le référendum semble marqué par une forte participation, au moins dans les zones habitées par des russophones. Dans les quartiers tatars par contre, l'appel au boycott semble avoir été largement suivi. Selon un sondage à la sortie des urnes, les habitants de Crimée auraient plébiscité à 93% le rattachement à la Russie. - Le scrutin est condamné une fois de plus par les autorités européennes, "contraire à la Constitution ukrainienne et aux lois internationales" selon les présidents du Conseil européen et de la Commission, Herman Van Rompuy et José Manuel Barroso. Les ministres des affaires étrangères se retrouveront lundi à 8 h 30 T.U. à Bruxelles. - "Les États-Unis ne reconnaîtront pas le résultat" du scrutin, a également réaffirmé le secrétaire d’État John Kerry à son homologue russe Sergueï Lavrov lors d'une discussion téléphonique. - Les partisans de Moscou ont procédé dimanche à une démonstration de force dans les grandes villes industrielles de l'est de l'Ukraine, en passe de devenir de nouveaux "points chauds". A Donetsk, des manifestants pro-russes ont pénétré dans les sièges du parquet et des services spéciaux (SBU), à l'issue d'une manifestation de 2.000 personnes en faveur du rattachement à la Russie. Les manifestants réclament la libération de leur leader, le "gouverneur" auto-proclamé Pavlo Goubarev, ont pris d'assaut les deux bâtiments pratiquement sans rencontrer de résistance de la part des forces de l'ordre. Une manifestation pro-russe est également signalé à Kharkiv. - Les Russes promettent de ne plus bloquer les bases militaires ukrainiennes en Crimée jusqu'à vendredi pour leur promettre de se ravitailler. (source : ministre ukrainien de la Défense).

La journée de vote en images par Stéphane Stasi et Patrick Didier :

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16.03.2014
En direct de Simferopol, à 17 H T.U., notre correspondant Sébastien Gobert fait le point sur ce scrutin : 
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L'Ukraine n'accepte pas la sécession de la péninsule

15.03.2014
Toute la journée samedi, la Crimée a mis la dernière main aux préparatifs de son « referendum » organisé ce dimanche 16 mars. Paradoxalement, la petite péninsule du sud de l’Ukraine semble presque tranquille alors que son sort agite la communauté internationale. Une crise majeure, en fait, qui oppose la Russie à un bloc occidental, Union Européenne et États-Unis en tête. Il faut dire que la Crimée est sous contrôle très ferme des troupes russes et de ses supplétifs. Tout semble prêt pour que la population, majoritairement russophone, décide du rattachement du territoire à la Russie. Mais si la péninsule est calme, la tension est extrême dans le reste de l’Ukraine.  Les autorités et la population craignent maintenant un conflit direct avec l’armée russe. Pour le moment, les autorités de Kiev ont empêché leur armée d’intervenir pour éviter toute escalade. Pourtant, ce samedi 15 mars, des accrochages semblent avoir eu lieu hors de Crimée,  ou plus précisément sur la « frontière » entre ce territoire et la région de Kherson. Le ministère des affaires étrangères ukrainien accuse la Russie d’occuper le village de Strilkove. Une avancée russe dans le sud de l'Ukraine "serait une escalade scandaleuse" a réagi immédiatement l’ambassadrice américaine à l'ONU. Inquiétude dans l'Est L’inquiétude est très grande aussi dans les grandes villes de l’Est de l’Ukraine où la Russie peut disposer de relais russophones en nombre. A Kharkiv, un centre industriel, des affrontements entre pro-russes et nationalistes radicaux ukrainiens dans la nuit de vendredi à samedi ont fait deux morts, lors d’une fusillade. Les victimes sont un militant pro-russe et un passant. Les autorités ukrainiennes dénoncent des provocations par des agents russes destinées à répandre le chaos, mais ces troubles font l’affaire de Moscou qui ressasse depuis la chute du président Ianoukovitch la nécessité de protéger les russophones d’activistes « fascistes » ou « nazi ». Ce samedi, le ministère russe des affaires étrangères ajoute que le pays reçoit de « nombreux appels à l’aide » d’habitants d’Ukraine et «va les examiner ». Il met en cause les agissements du groupe ultranationaliste Pravy Sektor. Une rhétorique inquiétante qui pourrait préparer à une intervention militaire sur le territoire ukrainien. Depuis plusieurs jours, la Russie masse des troupes à la frontière sous prétexte de manœuvres.
Crimée : un référendum rejeté par la communauté internationale
A l'ONU, la Russie a mis son véto à une résolution condamnant le référendum en Crimée
Sanctions en préparation La communauté internationale ne semble pas pouvoir empêcher le referendum sous contrôle russe en Crimée, mais elle n’est pas décidée à l’accepter non plus.  Ce serait une annexion par la force et au détriment de l’intégrité du territoire ukrainien selon l’analyse des Occidentaux. Cette opposition a culminé samedi à New-York, au siège de l’ONU, où le Conseil de Sécurité a du se prononcer sur une résolution condamnant le referendum. Elle a reçu 13 voix « pour » sur 15…  et la Russie a du imposer son véto pour la repousser. Pour l’occasion, la Chine, fidèle alliée, s’est abstenue. Le véto russe ne faisait aucun doute, mais c’est une victoire pour les diplomates qui ont montré l’isolement de Moscou. Dans ces conditions, les Occidentaux devront la semaine prochaine passer au stade des sanctions contre la Russie et la région séparatiste. Du coté de l’Union Européenne, une réunion des ministres des affaires étrangères est prévue dès lundi à Bruxelles. Des sanctions pourraient viser des personnalités russes « responsables », les priver de visas et geler leurs avoirs…  Les États-Unis n’ont pas été très explicites mais John Kerry, le Secrétaire d’État, a parlé de « très sérieuses mesures ». Le Japon, la Suisse, la Turquie et le Canada pourraient être aussi partie prenante. Reste la question des sanctions économiques  qui embarrasse les gouvernements. Les milieux d’affaires occidentaux s’en inquiètent car la Russie demeure malgré tout un partenaire économique important.

A Moscou, l'opposition russe contre “l'annexion“ de la Crimée

A Moscou, l'opposition russe contre “l'annexion“ de la Crimée
Des manifestants portant les drapeaux de la Russie et de l'Ukraine rassemblés contre la politique russe en Crimée, le 15 mars 2014, à Moscou. AFP/DMITRY SEREBRYAKOV
Des dizaines de milliers de manifestants -environ 50 000- ont défilé samedi dans Moscou pour dénoncer l'"annexion" de la péninsule de Crimée et contre la politique du Président Vladimir Poutine. Le cortège a défilé de la place Pouchkine à l'avenue Sakharov avec des panneaux clamant "Pour votre et notre liberté", "Ne touchez pas à l'Ukraine" et "Non à la guerre". Parmi les personnalités présentes, l'ancien vice-Premier ministre Boris Nemtsov et deux membres du groupe Pussy Riot récemment sorties de prison. "Comment un référendum peut-il être légitime s'il est mené sous la menace des armes ?" a lancé l'une d'elles, Maria Alekhina. Cette mobilisation est la plus importante depuis les grandes manifestations qui avaient précédé et suivi le retour de Vladimir Poutine au Kremlin en 2012.
Au même moment, plusieurs milliers de personnes -- 15.000 selon la police -- étaient rassemblées près de la Place de la Révolution et du Kremlin, à l'appel d'organisations nationalistes, avec des banderoles de soutien à la politique de Vladimir Poutine. "Il n'y aura pas de Maïdan à Moscou!", ont lancé les orateurs, faisant allusion au nom de la Place de l'Indépendance de Kiev, la capitale ukrainienne, où trois mois de manifestations ont débouché fin février sur la chute du président Viktor Ianoukovitch, réfugié depuis en Russie. Nombre de jeunes gens portaient des coupe-vent rouges avec au dos le dessin du contour de l'ex-URSS et l'inscription "CCCP 2.0", allusion à la manière des logiciels informatiques à une nouvelle Union soviétique.(AFP)
Crimée : un référendum rejeté par la communauté internationale
Pendant ce temps, des partisans de Vladimir Poutine et de l'annexion de la Crimée défilent près de la place de la Révolution | AFP/DMITRY SEREBRYAKOV