Des violences ont conclu deux journées de manifestation à Beyrouth, alors que les ordures ménagères ne sont plus ramassées depuis le 17 juillet. Le gouvernement a annoncé les résultats d'un appel d'offres sur cette question.
Une solution aurait été trouvée. Le ministre libanais de l’Environnement, Mohammad Machnouk, a annoncé ce lundi 24 août
la liste des sociétés ayant remporté l’appel d’offres pour le traitement des déchets au Liban. Depuis le 17 juillet, soit plus d’un mois, les ordures ménagères ne sont plus ramassées à Beyrouth depuis l’expiration du contrat d’État avec le gestionnaire des déchets de la région, Sukleen. Le mécontentement gronde. Ce weekend, les habitants sont descendus dans la rue.
De violents affrontements ont eu lieu ce weekend entre manifestants et forces de l’ordre. Ce dimanche 23 août, 59 personnes ont été hospitalisées et 343 autres traitées sur place pour des blessures légères, selon la Croix rouge libanaise. D’après l’AFP, ces heurts ont été déclenchés par environ 200 jeunes, qui ont lancé des pierres et bouteilles remplies de sable sur des forces de l’ordre, et tenté d’ériger une petite barricade. La police a répondu avec les canons à eau et les gaz lacrymogènes.
« Vous puez »
« Vous puez », c'est le nom du mouvement citoyen qui avait organisé ce rassemblement. Son porte-parole, Joey Ayoub, s’est désolidarisé de ces violences, insistant sur le caractère pacifique de la manifestation. Et pourtant, plus tôt dans l’après-midi, des milliers de personnes s’étaient massées près du siège du gouvernement aux cris de « Liberté » et « Le peuple veut la chute du régime ». Les ministres doivent « régler le problème des déchets, de l'eau, de l'électricité. Ce sont nos droits élémentaires » a, par exemple, affirmé à l’AFP Gemma Souleimane, une mère de famille de 40 ans d'Abra (sud). Une nouvelle manifestation, prévu ce lundi 24 août, a été reportée suite aux violences du weekend.
« Cumul de frustrations »
Trois questions à Scarlett Haddad, journaliste à L’Orient Le Jour.
Pourquoi ces manifestations un mois après l'arrêt du ramassage des ordures ?
Parce que justement, la situation court depuis le 17 juillet. Les gens ont attendu, mais à force il fallait que la situation cesse. La preuve : immédiatement, le gouvernement a réagi. Il a décidé ce lundi d’étudier les offres qui se sont présentées après qu'il a lancé un appel d’offres auprès de sociétés locales et internationales pour traiter ce problème des déchets. Seulement, au lieu de prendre des décisions rapides, il a traîné.
Dans les faits, qu’est-ce qui a poussé les gens dans la rue : le problème
des déchets ou un ras-le-bol politique ? Il y a un cumul de frustrations. La crise des déchets a été le dossier de trop. Imaginez tous ces déchets dans la rue, avec un pic de chaleur, certes banal au mois d’août, mais néanmoins très dur dans ces circonstances. Ce à quoi s’ajoutent des coupures d’électricité et d’eau… Comme il n’était plus possible d’accepter cette situation, les gens sont descendus spontanément dans la rue.
Des organisations de la société civile ont lancé ou encadré le mouvement, mais les gens ont commencé à descendre dans la rue simplement pour pouvoir s’exprimer : « c’est fini, c’en est trop ». Je ne pense pas que ce soit lié à la politique, à l’absence de président, etc. Il s’agit d’un cumul de dossiers qui touche à la vie quotidienne et qui est devenu insupportable.
En général, les Libanais sont plus politisés, ou même confessionnalisés : ils ne réagissent qu’à des questions qui ont trait à la confession, au parti dominant, etc. Cette fois-ci, c’est la situation qui est devenue inacceptable. Quant aux associations de la société civile, comme « Vous puez », elles ont été le catalyseur de l’expression d’un réel mécontentement populaire.
En 2010, le Conseil des ministres avait lancé la création d’énergie via l’incinération des déchets. Cela n’est toujours pas en place ? Non, ça ne l’est pas encore. Justement, c’est cela que les Libanais reprochent au gouvernement : quand il prend des décisions, il sait lui-même qu’il ne va pas les appliquer. Il les prend pour l’opinion publique et les médias, mais ne fait jamais rien. Voilà pourquoi nous nous retrouvons aujourd’hui avec cette crise des déchets.
Mais malgré l’annonce des offres retenues ce lundi, le vrai problème ne se trouve pas résolu. Le gouvernement a été pris de court par cette montée de la colère populaire et a décidé d’agir vite. Cela dit,
le vrai problème est de trouver un terrain pour y mettre les déchets. Ce ne sont pas les sociétés qui vont le trouver. C’est à la municipalité de l’offrir, ce qui n’est pas réglé.