Fil d'Ariane
La rupture par Canberra du contrat des sous-marins français a provoqué une crise diplomatique ouverte entre la France, d'une part, et l'Australie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, d'autre part, qui ont signé un pacte de sécurité sur la zone indopacifique. La France invoque une « duplicité » et « une rupture majeure de confiance ». Chaque camp défend sa position.
Un sous-marin français FNS Amethyste (S605) transite sur la Tamise pour arriver à la base sous-marine du New London à Groton le 1er septembre 2021.
Invité au journal télévisé de la chaîne France 2, le 18 septembre au soir, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves le Drian ne décolère pas : « Il y a eu mensonge, il y a eu duplicité, il y a eu rupture majeure de confiance, il y a eu mépris, donc ça ne va pas entre nous, ça ne va pas du tout ». La querelle diplomatique issue de la rupture dernière minute du contrat de 12 sous-marins nucléaires français par l’Australie fait l’objet « d’une crise grave » martèle le ministre.
Une telle situation qui a poussé Jean-Yves le Drian a rappelé ses ambassadeurs de Canberra et de Washington, vers qui l’Australie a préféré se tourner au dépend de la France. Une « décision symbolique » qualifie le chef de la diplomatie qui n’hésite pas à comparer Joe Biden à son prédecesseur Donald Trump, « sans les tweets ». Il remet aussi en question la teneur de la relation diplomatique avec les États-Unis : « Il y a là de quoi s'interroger sur la force de l'alliance avec les Etats-Unis. Dans une vraie alliance, on se parle, on se respecte. Ça n'a pas été le cas. »
Le 15 septembre, le président américain Joe Biden annonce la création de la nouvelle alliance indo-pacifique Aukus consistant en un partenariat stratégique entre les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni pour contrer les ambitions de la Chine dans la région. Celui-ci vise à approfondir la coopération des trois pays en matière de cyberdéfense, d'intelligence artificielle et de technologies quantiques. Elle inclut aussi la fourniture à l'Australie de sous-marins américains à propulsion nucléaire, excluant de fait les sous-marins français.
Un projet diplomatique que les autorités françaises ignoraient jusqu’à « une heure » avant les annonces. « Le projet d'accord inité par les Etats-Unis et l'Australie a été initié en tout petit comité. Je ne suis même pas sûr que tous les ministres australiens et américains le savaient », a souligné le ministre des Affaires étrangères français.
Au lendemain des critiques, le premier ministre australien Scott Morrison a rejeté les accusations françaises : « Je pense qu'ils auraient eu toutes les raisons de savoir que nous avions de profondes et graves réserves quant au fait que les capacités du sous-marin de classe Attack ne répondaient pas à nos intérêts stratégiques et nous avions clairement indiqué que nous prendrions une décision basée sur notre intérêt stratégique national », a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse à Sydney. « Je ne regrette pas la décision de faire passer l'intérêt national de l'Australie en premier. Je ne le regretterai jamais », a-t-il ajouté.
La France est un partenaire vital et notre plus ancien allié, et nous estimons que notre relation est extrêmement précieuse.
Ned Price, porte-parole du département d'État américain
Le ministre australien de la Défense Peter Dutton a, lui, insisté sur le fait que Canberra a été « franc, ouvert et honnête » avec la France sur ses préoccupations concernant l'accord, qui a « dépassé le budget » et pris « des années de retard ». Il a, par ailleurs, déclaré avoir personnellement exprimé ces préoccupations à son homologue française, Florence Parly. Selon le ministre de la Défense, Canberra n'était pas en mesure d'acheter des navires à propulsion nucléaire français, en raison des opérations de maintenance qui doivent avoir lieu tous les dix ans, qui prévoient un rechargement du combustible nucléaire, ce qui n'est pas le cas des sous-marins américains et justifie le choix de ces derniers, alors que l'Australie ne dispose d'aucune centrale nucléaire.
Concernant le Royaume-Uni, le chef de la diplomatie française Jean-Yves le Drian a aussi critiqué « l’opportunisme permanent » britannique. En réponse, la nouvelle ministre britannique des Affaires étrangères, Liz Truss, a défendu dans une tribune du quotidien The Daily Telegraph l’approche de Londres, qui entend « faire preuve de fermeté dans la défense de nos intérêts ».
Alors que le porte-parole du département d'État américain Ned Price a rappelé l'importance de la relation franco-américaine (« La France est un partenaire vital et notre plus ancien allié, et nous estimons que notre relation est extrêmement précieuse »), le président Biden doit s’entretenir par téléphone avec le président de la République Emmanuel Macron dans les prochains jours pour revenir sur l'affaire.
« On veut des explications » sur ce qui « s'apparente à une rupture de confiance majeure », a indiqué le porte-parole du gouvernement français Gabriel Attal sur BFMTV, pour savoir « comment ils entendent sortir de ce contrat » avec des « compensations » à la clé.