Fil d'Ariane
Les pays occidentaux ont unanimement condamné la reconnaissance, par la Russie, de l'indépendance des républiques séparatistes pro-russes de Donetsk et Lougansk, dans l'est de l'Ukraine. Si une riposte militaire semble exclue, les Occidentaux préparent un certain nombre de sanctions économiques à l’égard de la Russie. De quelles marges de manœuvre disposent-ils ?
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a rapidement annoncé envisager la rupture des relations diplomatiques avec la Russie, l'accusant de préparer la poursuite de son "agression militaire contre l’Ukraine".
Il attend également, des alliés occidentaux, un soutien "clair" et "efficace" à son pays face à la Russie. "Il est très important de voir maintenant qui est notre vrai ami", a-t-il ajouté.
Emmanuel Macron, qui s’est fortement impliqué dans le rôle de médiateur, entre la Russie et les Etats-Unis, a réagi après la décision du président russe. Après avoir dénoncé la "dérive idéologique" et le "discours paranoïaque" de Vladimir Poutine, Paris demande des "sanctions européennes ciblées".
Néanmoins, il faut rappeler que la France pourrait également subir le contrecoup de telles sanctions. De nombreux groupes français sont présents en Russie. Parmi eux, TotalEnergies, Auchan, Blablacar, Leroy Merlin, Renault, Danone, Vinci, Sanofi...
En 2014, alors que la Russie avait annexée la Crimée, la mise en place de sanctions européennes avait poussé le Kremlin à décréter un embargo sur le porc européen. Cette décision avait eu des conséquences catastrophiques sur la filière porcine, en France notamment.
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Les États-Unis ont annoncé qu'ils allaient imposer de nouvelles sanctions contre la Russie. Le président américain, Joe Biden, a d’ores et déjà publié un décret qui interdit tout nouvel investissement, échange ou financement, par des personnes américaines, à destination, en provenance ou dans les régions pro-russes de Donetsk et Lougansk.
Les États-Unis disposent également d’une arme redoutable : celle du droit ou non, de commercer en dollars. Les échanges internationaux et notamment la vente de pétrole, se font via la monnaie américaine.
L'Allemagne a fini par céder à la demande des États-Unis et de Volodymyr Zelensky, en suspendant Nord Stream II. Le gazoduc constituait un projet phare pour Berlin comme pour Vladimir Poutine. Le coup d'arrêt, peut-être définitif, à ce chantier pharaonique a été donné par le chancelier allemand lui-même.
Olaf Scholz a annoncé la suspension de la certification du gazoduc, indispensable à "sa mise en service". Le projet va faire l'objet d'une "réévaluation" politique par le ministère de l'Economie en raison de la "situation géopolitique" nouvelle.
La Maison blanche a "salué", par la voix de la porte-parole Jen Psaki, la suspension de Nord Stream 2. L’annonce a suscité une réaction immédiate de l'ancien président russe Dmitri Medvedev : "Bienvenue dans un monde nouveau, où les Européens vont bientôt payer 2000 euros pour 1000 M3 de gaz".
Le chancelier allemand a en outre prévenu que "d'autres sanctions" contre la Russie pourraient suivre, en cas d'aggravation de la situation en Ukraine. Olaf Scholz a également souligné que l'Union européenne allait adopter des sanctions "massives et robustes".
(Re)lire : Depuis la chute de l'Union soviétique, 30 ans de guerres impliquant la Russie
Josep Borrell, le haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a annoncé que l'Union européenne prendrait de nouvelles "sanctions personnelles" contre les responsables politiques et militaires russes. Les sanctions économiques et financières toucheront également "des institutions financières bancaires russes".
L'UE a proposé mardi d'interdire aux autorités russes d'accéder aux marchés et services financiers européens. Bruxelles veut cibler les banques finançant les opérations militaires russes dans les régions séparatistes ukrainiennes, dont Moscou a reconnu l’indépendance.
Les institutions européennes entendent, par ailleurs, stopper le commerce entre les deux entités séparatistes et l'UE, "afin de s'assurer que les responsables pâtissent nettement des conséquences économiques de leurs actions illégales et agressives".
Des pays non-membres de l'Union Européenne, tels que la Norvège, ont annoncé qu'ils se joindraient aux sanctions à venir de l'UE contre la Russie.
Néanmoins, Moscou, qui a diversifié ses partenariats, notamment depuis 2014 (date à laquelle la Crimée a été annexée) risque de répliquer. Selon Eurostat, la Russie constitue un partenaire privilégié des européens, avec 158 milliards d’euros d’exportations vers l’UE et 89 milliards d’euros d’importations depuis l’UE.
La Russie est l’un des principaux partenaires commerciaux de l’Union Européenne. L'Europe risque donc de subir un contrecoup important suite à cette décision.
En pleine explosion des prix du gaz, cela signifie se mettre à dos le premier fournisseur de gaz de l’Europe, puisque la Russie fournit 40% du gaz au continent, loin devant la Norvège qui, elle en fournit 22% ou encore l’Algérie, qui en fournit 18% (source BP).
Les pays exportateurs de gaz, réunis à Doha ce mardi, ont prévenu qu’ils disposent de capacités limitées pour augmenter rapidement l'approvisionnement de l'Europe et n'ont aucune visibilité sur les prix.
(Re)voir : le gazoduc controversé Nord Stream 2 accroit-il la dépendance européenne à l'égard de Moscou ?
À l'issue d'une réunion de crise à Downing Street au petit matin, le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a annoncé que les mesures de rétorsion britanniques viseraient les "intérêts économiques russes qui soutiennent la machine de guerre russe".
Londresn première place financière au monde, va d’ores et déjà sanctionner trois milliardaires. Ils sont considérés comme proches du président russe. Il s'agit de Guennadi Timtchenko, déjà sanctionné par les États-Unis, de Boris Rotenberg, dont le frère Arkadi est déjà sanctionné, et son neveu Igor Rotenberg. Leurs actifs au Royaume-Uni seront gelés et ils ne pourront plus se rendre sur le territoire britannique.
Parmi les cinq banques concernées figurent notamment Rossiïa et Promsviazbank.
"Il ne s'agit que d'une première série de sanctions économiques britanniques contre la Russie car je crains qu'il ne faille s'attendre à davantage d'attitude irrationnelle de la part de la Russie", a déclaré Boris Johnson, prédisant "une longue crise".
Boris Johnson a également demandé à l’UEFA, instance suprême du football européen, de déplacer l’organisation de la finale de la plus grande compétition de clubs de football, la Ligue des champions, qui doit se tenir à Saint-Pétersbourg, le 28 mai prochain.
"Une Russie plus isolée, une Russie ayant un statut de paria", a-t-il ajouté. "Aucune chance de tenir des tournois de football dans une Russie qui envahit des pays souverains", a-t-il poursuivi, disant espérer que Vladimir Poutine "recule du précipice" et ne procède pas à "une invasion totale" de l'Ukraine.
Une annonce qui risque de secouer l'UEFA et son président Aleksander Ceferin. L'instance, dont le siège est à Nyon, en Suisse, à pour habitude d'éviter tout positionnement politique.