Candidate à sa propre succession, Cristina Fernandez de Kirchner est donnée largement gagnante à l'élection présidentielle du 23 octobre en Argentine. Pourtant, sa carrière jusqu’au sommet, sa personnalité distante, sa coquetterie affichée, sa politique, son couple… Tous les aspects de sa vie font débat.
« C’est un personnage », affirme Sandra Russo, auteur de « La présidente, histoire d’une vie », dernier ouvrage paru sur « Cristina » comme l’appellent les Argentins. « Avec sa silhouette tout en courbes, elle est une figure innovante dans le paysage politique mondial. En général, au pouvoir, les femmes deviennent un peu androgynes. Mais je voulais également montrer son profil de militante politique. Elle l’est depuis son adolescence. Avec Nestor, ils ont été des présidents militants ». CRISTINA ET NESTOR, NESTOR ET CRISTINA Difficile de parler de Cristina sans évoquer Nestor, son mari, président juste avant elle. Le 27 octobre 2010, à l’âge de 60 ans, il succombe à une crise cardiaque. Ils ont formé un couple présidentiel durant 7 ans. Le tandem est qualifié de solide par ses fidèles, accusé d’être une hydre à deux têtes par ses détracteurs. Mais le pays est à l’unisson avec la veuve qui, depuis, porte le deuil et rend hommage à son époux dans presque tous ses discours.
L’opposition n’hésite pas à parler de manipulation. Quelques mois avant l’élection présidentielle, Elisa Carrio, un de ses rivales (centre), lâche : « Elle a trompé les gens avec ses pleurs, avec sa robe noire. Peut-être qu’elle n’a pas pleuré tant que ça. Le deuil est terminé. La bataille commence ». Le photographe officiel de la présidence, Victor Bugge, présent le jour des obsèques, est impressionné par la force de caractère de la présidente. A Radio 10, il déclare : « Tous ceux qui entouraient Cristina pleuraient. Elle est la seule à être restée ferme ». Quoiqu’il en soit, la popularité de Cristina, minée par les scandales, le spectre de l’inflation et l’insécurité, remonte. « Avec Nestor, c’est irremplaçable », confie la chef d’Etat dans « La présidente, histoire d’une vie ».
Fin des années 60, les deux étudiants en droit militent pour la jeunesse péroniste de gauche, mais s’éloignent du mouvement car ils refusent la lutte armée. Début des années 70, dans le fief de Santa Cruz, en Patagonie, d’où est originaire Nestor, le jeune couple d’avocats gravit tous les échelons politiques et mène un train de vie confortable avec ses deux enfants, Maximo et Florencia. Elle prétend n’avoir « jamais voulu être présidente, jamais. Ni présidente, ni sénatrice, ni députée provinciale, il a toujours fallu me convaincre », mais pour Cristina Kirchner et son mari, la politique semble bien être le moteur de tout. Même le fils aîné des Kirchner est impliqué dans des activités politiques en direction de la jeunesse argentine. « C’est la manière de voir le monde de Cristina. C’est une vocation », explique Sandra Russo.
LE MODÈLE « K » A son actif et à celui de son mari, dont elle a assuré la continuité des mesures, connues comme « le modèle K » : la relance de l’économie en plein marasme mondial, la mise en place d’une allocation familiale pour les enfants, les procès pour juger les crimes de la dictature, la loi sur le mariage homosexuel. Au détriment de Cristina : des résultats économiques jugés trop beaux pour être vrai par les experts indépendants, la corruption, des relations houleuses avec le secteur agricole, une guerre sans merci avec la presse. D’ailleurs, depuis quatre ans, Sandra Russo est la seule journaliste à avoir pu interviewer la présidente afin de rédiger ce livre « autorisé ». Nestor Kirchner avait la même aversion : au pouvoir, il n’avait donné que deux conférences de presse. A l’origine de cette situation, la position dominante de certains groupes de médias, critiques envers le pouvoir. « Nous sommes menacés, on nous insulte, on nous traite comme des ennemis », déplore un journaliste qui préfère garder l’anonyma
« AMOUR, GLOIRE ET BEAUTÉ » Une presse qui ne laisse rien passer à la première femme élue présidente du pays et qui se revendique d’Eva Peron, icône des Argentins qui oeuvra en faveur des pauvres. Sont dénoncés les soupçons d’enrichissement personnel - d’après leur déclaration d’impôts, entre 2003 et 2010, les Kirchner ont vu leurs revenus augmenter de 928% - ou encore les fortunes que la présidente dépenserait en habillement quand elle est à l’étranger. Obsédée par son apparence, cette adepte du Botox et du bistouri dit elle-même : « Je me maquille comme une voiture volée depuis que j’ai 14 ans ». Mais pour le moment, personne n’a osé imprimé noir sur blanc l’information la plus explosive, « tabou en Argentine mais que tout le monde connaît » assure un confrère : celle de la prétendue romance de Cristina Kirchner avec Amado Boudou, son ministre de l’Economie et candidat à la vice-présidence. Vrai ou faux, de quoi cristalliser un peu plus l’opinion vis-à-vis de la présidente argentine.
Comme le rappelle sur sa une le quotidien argentin, Página 12, Cristina Fernandez de Kirchner est largement en tête dans les sondages.
A lire
La présidente, histoire d’une vie est l’œuvre de Sandra Russo. Depuis 4 ans, elle est la première journaliste à qui Cristina Fernandez de Kirchner a accordé une interview.