Fil d'Ariane
Depuis le quartier de Little Havana à Miami (Etats-Unis), fief des exilés, le président américain a promis "un meilleur accord pour les Cubains et pour les Etats-Unis". Et annoncé la limitation des transactions avec les entités contrôlées par l'armée cubaine, omniprésentes dans le secteur du tourisme, ainsi qu'une application plus stricte des restrictions sur les voyages vers l'île communiste.
Au-delà des mesures techniques annoncées, son discours marque une rupture dans la phase d'ouverture qui s'était matérialisée par la visite historique de Barack Obama à La Havane en mars 2016. Défendant l'amélioration des relations entre les deux pays, figées depuis la révolution castriste de 1959, ce dernier avait revendiqué l'enterrement du "dernier vestige de la Guerre froide dans les Amériques".
Si Donald Trump a promis, dans une formule visant d'abord à galvaniser son auditoire, d'"annuler avec effet immédiat" un accord qu'il juge déséquilibré, le président républicain n'a pas, loin s'en faut, effacé d'un trait de plume toutes les initiatives de l'administration précédente: le rétablissement des relations diplomatiques n'est aucunement remis en cause.
Sur la forme, le nouveau locataire de la Maison Blanche d'abord a pris soin d'envoyer des signaux à une base anti-castriste qui lui a apporté un soutien précieux en Floride lors de son élection en novembre.
Les assouplissements de l'administration Obama "n'aident pas les Cubains, elles ne font qu'enrichir le régime", a-t-il martelé, promettant que l'évolution des relations avec Cuba dépendrait désormais des "réels progrès", de "changements concrets".
"Maintenant que je suis président, l'Amérique va dénoncer les crimes du régime Castro (...) Nous savons ce qui se passe et nous nous souvenons de ce qui s'est passé", a-t-il ajouté, appelant à la libération de tous les prisonniers politiques.
Il est difficile de mesurer a priori l'impact exact de la restriction des déplacements sur le secteur touristique cubain, mais l'annonce devrait à tout le moins freiner le boom en cours.
Près de 300 000 Américains se sont rendus sur l'île au cours des cinq premiers mois de 2017, soit un bond de 145% sur un an. En 2016, Cuba avait accueilli 284 937 visiteurs des Etats-Unis, 74% de plus qu'en 2015.
La chambre de commerce américaine a vivement dénoncé l'initiative, jugeant que les annonces présidentielles "limitaient les possibilités de changements positifs sur l'île" et risquaient "de laisser la place à d'autres pays" qui ne partagent pas les valeurs de l'Amérique.
Le sénateur démocrate Patrick Leahy, très impliqué sur ce dossier, a dénoncé avec force un retour "vers la politique de la Guerre froide", visant à faire plaisir à "une petite faction" de militants anti-castristes aux Etats-Unis. La Maison Blanche, a-t-il estimé, a "re-déclaré la guerre au peuple cubain".
Si le sénateur de Floride Marco Rubio, présent au côté de Donald Trump, a salué un nouveau départ, tous les élus républicains n'étaient pas à l'unisson. Pour Jeff Flake, élu de l'Arizona, "tout changement de politique qui réduit la capacité des Américains à voyager librement à Cuba n'est pas dans l'intérêt des Etats-Unis ou du peuple cubain".
Concrètement, M. Trump a annoncé l'interdiction de toute transaction financière avec le puissant Groupe d'administration d'entreprises (Gaesa, holding d’Etat contrôlé par les forces armées) ou ses filiales.
"Nous ne voulons pas que les dollars soutiennent une armée qui exploite les citoyens de Cuba", a-t-il lancé.
Le secteur très sensible du tourisme - contacts avec des étrangers et forts revenus directs en devises - est un des domaines de prédilection de l'armée qui gère compagnies aériennes, hôtels, restaurants, marinas, agences de location de véhicules ou grands magasins.
Le conglomérat touristique Gaviota fait partie du Gaesa, dont le président exécutif, le colonel Luis Alberto Rodriguez Lopez-Callejas, est le gendre du président cubain Raul Castro.
L'administration Trump met inlassablement en avant la défense des droits de l'homme sur l'île située de l'autre côté du détroit de Floride. L'argument a suscité des réactions indignées tant l'exécutif américain a mis en sourdine ses critiques sur ce thème à l'égard d'autres pays - Egypte et Arabie saoudite en tête.
L'exécutif américain a par ailleurs affirmé l'opposition des Etats-Unis - en l'absence de changements politiques substantiels - à la levée de l'embargo qui frappe Cuba.
Fin 2016, les Etats-Unis s'étaient pour la première fois - sous des applaudissements nourris - abstenus lors de l'adoption d'une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies réclamant la fin de l'embargo américain imposé à Cuba depuis 1962.
Le texte avait été adopté par 191 voix et deux abstentions (Etats-Unis et Israël) sur les 193 membres de l'Assemblée.