Cuba : un an après les manifestations, le pays traverse toujours une crise sans précédent

Miguel Diaz-Canel a promis lundi, à l'occasion du premier anniversaire des manifestations inédites de juillet 2021, que le pays allait sortir de la "complexe situation" économique qu'il traverse. Des dissidents de la première heure accusent les autorités de les empêcher de sortir de chez eux. 

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cuba - la havane, novembre 2021
Les manifestations pro démocratie ont éclaté à Cuba en juillet 2021. Ce n'était pas arrivé depuis 1959. La Havane, novembre 2021.
Eliana Aponte / ASSOCIATED PRESS
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Un an jour pour jour après l'éclatement de manifestations historiques aux cris de "Nous avons faim" et "Liberté", les rues de La Havane restaient calmes, les habitants vaquant à leurs occupations habituelles, a constaté l'AFP. 

De nombreux policiers en civil étaient toutefois visibles dans plusieurs points névralgiques de la capitale. Cuba va sortir de la "complexe situation" dans laquelle il se trouve, a déclaré sur Twitter le président cubain. 

La police tente d’intimider les opposants

Le pays traverse actuellement une profonde crise économique. C’est la pire depuis trente ans, sous les effets conjugués des conséquences de la pandémie de Covid-19 et des sanctions américaines. "Nous allons nous en sortir en poursuivant la révolution", a déclaré le chef de l'Etat. "Si nous devons commémorer quelque chose ce 11 juillet, c'est la victoire du peuple cubain, de la Révolution cubaine", a-t-il ajouté. 

Ces derniers jours, une quinzaine de dissidents, artistes ou journalistes indépendants ont accusé la police de les avoir mis en garde pour qu'ils ne sortent pas de chez eux. Certains ont indiqué que des policiers étaient présents devant leur domicile. "Ils pensent qu'avec deux patrouilles ils vont me faire taire, ils se trompent lourdement", a déclaré dimanche sur Twitter Yurka Rodrigues, la mère d'une jeune manifestante de 25 ans condamnée à huit ans de prison, précisant que son domicile était sous "siège". 

Harcèlement, détention arbitraire, poursuites abusives, passages à tabac et d'autres cas de mauvais traitements qui, dans certains cas, constituent des actes de torture. 
L'ONG Human Rights Watch dans un rapport.

Des mobilisations inédites depuis 1959

Des opposants au gouvernement ont appelé sur les réseaux sociaux à commémorer la date du 11 juillet par de nouvelles manifestations, mais nombre de ceux qui s'étaient fait entendre il y a un an sont désormais en exil ou emprisonnés. Les manifestations des 11 et 12 juillet, inédites depuis la révolution de 1959, ont fait un mort et des dizaines de blessés, et plus de 1.300 personnes ont été arrêtées selon l'ONG Cubalex, dont le siège est à Miami. Selon le gouvernement, 790 manifestants font l'objet de poursuites, dont 488 ont d'ores et déjà été condamnés, certains jusqu'à 25 ans de prison pour "sédition". 
 

Dans un rapport publié lundi, l'ONG Human Rights Watch a accusé le gouvernement de "violations systématiques" des droits humains dans le cadre d'un "plan" conçu pour éviter de nouvelles mobilisations. "Harcèlement, détention arbitraire, poursuites abusives, passages à tabac et d'autres cas de mauvais traitements qui, dans certains cas, constituent des actes de torture", et cela aussi bien contre des opposants connus que contre des citoyens ordinaires, énumère HRW. 

"Avec tout ce qu'il s'est passé, je pense que personne ne va se risquer à faire la même chose", estime auprès de l'AFP Orestes Sandoval, 80 ans, dans une file d'attente pour acheter des cigarettes dans le centre de La Havane. "Personne ne va sortir dans la rue", renchérit Carlos Rafael Dominguez, un étudiant de 18 ans, car "il n'y a personne qui peut renverser" le pouvoir, estime-t-il. 

Cuba accuse les États-Unis 

Lundi, le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, a salué la "détermination et le courage" des Cubains face à la "répression" en cours depuis l'éclatement des manifestations. "Les Américains ont observé avec admiration, le 11 juillet 2021, des dizaines de milliers d'entre vous descendre dans la rue pour faire entendre leur voix en faveur des droits de l'homme, des libertés fondamentales et d'une vie meilleure", a rappelé M. Blinken dans un communiqué. La Havane a immédiatement rejeté les commentaires de Blinken. Ces déclarations "confirment l'implication directe du gouvernement de ce pays dans les tentatives de subversion de l'ordre et de la paix à Cuba", a tweeté le ministre cubain des Affaires étrangères Bruno Rodríguez.

 

Le haut représentant de l'Union européenne Josep Borrell a demandé au gouvernement cubain de respecter la liberté d'association, de réunion et d'expression, ainsi que de "libérer tous les prisonniers politiques et les personnes détenues uniquement pour avoir exercé leurs libertés".  Bruno Rodríguez a estimé que "l'UE n'a pas l'autorité morale pour porter des jugements de valeur sur la réalité cubaine", et lui a demandé de "s'occuper de ses propres problèmes et des fréquentes violations des droits de l'homme dans ses États membres". 

Des centaines de Cubains aux États-Unis se sont rassemblés lundi dans le quartier de Little Havana à Miami avec des drapeaux cubains et des banderoles de protestation. "Je suis ici pour soutenir mon frère qui vit à Cuba. Puisqu'ils ne peuvent pas protester, je le fais ici", a déclaré Ernesto Salleherri, un Cubain de 59 ans qui vit aux États-Unis depuis un mois.