Une exploration faite à l'envers
Mais pourquoi s'intéresser à l'exosphère lunaire et à sa composition, plus de quarante ans après avoir foulé le sol de notre satellite ? Francis Rocard répond : "C'est la planète, entre guillemets car ce n'en est pas une, qui a été étudiée à l'envers. On a mis la charrue avant les boeufs pour des raisons politiques : on a envoyé des hommes et rapporté des échantillons dans les années 1970 alors qu'on n'avait même pas effectué ce que l'on fait dans une logique cohérente. C'est-à-dire une cartographie globale et des analyses in situ." La première cartographie générale de la Lune a été effectuée à partir de 1994, par la
mission américaine Clementine. Il s'en est même fallu de peu pour que les premiers pas de Neil Armtrong et Buzz Aldrin déçoivent : "A partir du moment où ils étaient sur la Lune et qu'ils y restaient, dans le cas d'Apollo, il fallait bien leur trouver une activité, relate le responsable du CNES. Ramener des échantillons, c'était l'activité centrale. Tant mieux ! Ils n'auraient pas fait ça, Apollo aurait été purement politique et finalement d'un intérêt scientifique nul."
Mais qu'on ne s'y trompe pas. Malgré Apollo, Ladee et
LRO (lien en anglais), une autre mission actuellement en cours, les Etats-Unis n'ont pas l'exclusivité de la Lune. L'Union soviétique a également réussi des alunissages de robots. Et en ce moment, ce sont aussi des pays émergents, la Chine et l'Inde, qui cherchent à conduire leurs propres programmes spatiaux.
"C'est un moyen simple et progressif pour ces nations émergentes qui débarquent dans le spatial, pour commencer à se confronter à ce que j'appelle l'espace lointain et le système solaire, commente Francis Rocard. C'est-à-dire envoyer une sonde qui va quitter la gravité terrestre." Avec à la clé des difficultés de navigation, de communication : "La Lune est un bon moyen d'essai pour se confronter à ce type de problématique. Ensuite, la Chine ou l'Inde pourront s'intéresser à des planètes encore plus lointaines comme Mars ou Vénus."
L'astronaute Patrick Baudry, de son côté, regrette le peu d'intérêt apparent porté à la Lune ces derniers temps : "Depuis quelques années, on essaye de faire croire aux gens qu'il n'y a pas d'intérêt à aller sur la Lune, on n'en parle plus. A côté de ça,
on envoie un robot, certes objet technologique remarquable, qui fait un mètre par mois sur Mars, avec force publicité. En revanche, la Lune offre de multiples intérêts bien là, bien concrets. De plus, elle est une partie de la Terre. Ce n'est pas une autre planète mais un satellite qui n'est pas loin, à 400 000 kilomètres."