Défilé du 14 juillet : l'armée française est-elle en carence ?
François Hollande passe en revue les troupes militaires en ce 14 juillet, comme la coutume l'exige. Mais cette année est un peu particulière puisque les principaux chefs d'Etats-majors des armées ont menacé il y a peu de poser leur démission. En cause : le budget de la Défense revu à la baisse alors que les interventions africaines explosent les crédits militaires. La France a-t-elle vraiment encore les moyens de ses ambitions stratégiques ?
Défile du 14 juillet 2012 du détachement du SEA (Service des essences des armées)
( Photo : ministère de la Défense)
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La France est le sixième pays en termes de dépenses militaires, après les Etats-Unis, la Chine, la Russie, le Royaume-Uni et le Japon. La dépense française de Défense en pourcentage du PIB se situe dans la moyenne mondiale. Pourtant, l'Hexagone connaît des problèmes de plus en plus importants : ses armées ne sont pas bien équipées, les moyens manquent et la grogne des militaires, de la base au plus haut de la hiérarchie, s'amplifie. Comment expliquer cette carence des armées d'un pays qui s'est auto-déclaré "gendarme de l'Afrique", intervient dans plusieurs conflits et ne cache pas ses ambitions de première puissance stratégique d'Europe ?
Faire le gendarme africain coûte très cher
Les budgets militaires français sont en baisse depuis une quinzaine d'années, mais pas plus que ceux de la plupart des voisins européens. Le ministère de la défense n'est donc pas un parent pauvre de la République, et malgré cela, de véritables problèmes financiers menacent sa capacité à œuvrer dans de bonnes conditions. Une mère de soldat français témoignait récemment des problèmes logistiques des militaires français en Centrafrique, déplorant le manque de moyens sur place : "Ils [les soldats, ndlr] sont obligés de mettre des gilets pare-balles au niveau des portes du véhicules, sinon [les balles] les traversent. Il arrive que les camions ne fonctionnent pas ou qu'ils aient des pannes d'essence qui sont assez régulières quand ils veulent transporter quelqu'un ou intervenir sur un lieu". Il faut dire que les interventions extérieures sont coûteuses, surtout lorsqu'elles s'enchaînent, comme cela a été le cas depuis deux ans, entre l'opération Serval au Mali, puis Sangaris en Centrafrique. Les politiques, dont François Hollande au premier chef, ne semblent pas parfaitement en mesure de chiffrer correctement ces interventions militaires. L'opération malienne a coûté plus de 600 millions d'euros, avec au final un budget de 1,2 milliards en 2013 pour les opérations extérieures, quand il était de…660 milliards pour l'année 2007.
Economiser là où l'on veut être en pointe ?
Le 3 mai dernier, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, prévenait Manuel Valls qu'avec la réduction budgétaire de 355 millions d'euros prévue par la Loi de programmation militaire, "l'armée de terre serait sous-équipée et rapidement dans l'incapacité de satisfaire de nouveaux contrats opérationnels". En clair, si le chef de l'Etat voulait de nouveau intervenir dans un conflit régional, cela serait impossible. Dépenser deux fois plus sur des interventions à l'étranger en à peine 6 ans et vouloir dans le même temps faire des coupes budgétaires au ministère de la Défense n'est pas très réaliste. C'est ce les Chefs d'Etats-majors ont dénoncé il y a deux mois. Sans oublier que le nouveau logiciel de paye des armées (bientôt abandonné), est défaillant, oublie des soldes ou donne des primes aléatoires, le tout dans des casernes souvent vétustes et une suppression de 82 000 emplois dans le secteur de la Défense prévue d'ici 5 ans. Le Président Hollande va devoir trancher entre les ambitions de sa politique d'intervention étrangère et les économies budgétaires qu'il veut effectuer dans le secteur de la Défense. Les deux ne sont pas compatibles, et vouloir économiser exactement là où l'on veut être le plus en pointe ne semble pas vraiment raisonnable. Ce que l'exaspération sociale aujourd'hui très forte au sein des armées ne manquera pas d'exprimer, malgré son surnom de "grande muette".
Armée des Etats membres, personnel militaire en 2009