Déremboursement de l'homéopathie : " la France en est un peu le berceau"

Mauvaise nouvelle pour le secteur de l'homéopathie en France ? A partir du 1er janvier 2021, ces petits granules blancs ne seront plus remboursés. Et dans les autres pays comment ça se passe ? Le débat sur l'effet placebo existe-t-il ? Entretien avec Dr Daniel Scimeca, président de la Fédération Française des Sociétés d'homéopathie et auteur de Homéopathie : l'évidence (éditions du Rocher).
 
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L'homéopathie bientôt déremboursée en France. 
©TV5MONDE/ A. Fonteneau
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TV5MONDE : La France est-elle un gros consommateur d'homéopathie ? Qu'en est-il des autres pays ?

Dr Daniel Scimeca : La France a une tradition homéopathique importante. 77 % des Français considèrent que le médicament homéopathique leur fait du bien. Un Français sur deux en consomme de façon régulière. Il y a une consommation importante d'homéopathie pour un coût de l'assurance maladie qui est dérisoire, une goutte d'eau. 0, 29 % des dépenses de médicaments concernent l'homéopathie.

Dans les autres pays aussi, il y a une tradition homéopathique, en particulier en Italie, en Espagne, en Allemagne, et en Angleterre. Je dirais en Europe de façon générale, mais c'est vrai que la France est un peu le berceau de l'homéopathie. (Un Allemand installé à Lyon en France au début du XIXe siècle est l'un des pionniers de l'homéopathie, ndlr).

Des pays francophones comme la Belgique et la Suisse ont suivi la France dans ce domaine. Il faut savoir qu'en Suisse, il y a eu une votation qui a institué le remboursement des médicaments homéopathiques et des consultations chez les médecins et les professionnels de santé homéopathes. La Suisse est en quelque sorte en avance sur nous dans ce type d'approche.

Au Canada, c'est un statut un peu particulier puisque l'homéopathie est une pratique considérée comme non médicale. C'est très sévère, il y a une ostracisation. Les professionnels de santé, les médecins n'ont pas le droit de prescrire de l'homéopathie. Enfin, je pense que l'Inde en volume est le pays qui consomme le plus d'homéopathie. Il y a une tradition homéopathique indienne aussi. 

L'homéopathie ne sera plus remboursée à partir du 1er janvier 2021 en France. Qu'en pensez-vous ? 

C'est une catastophe ! On est très en colère parce que face au défi de santé publique que sont la résistance aux antibiotiques, l'accoutumance aux antidouleurs, aux somnifères, aux tranquillisants, Madame Agnès Buzyn (la ministre française de la Santé) répond par la limitation de l'accès aux soins pour les plus démunis en particulier, pour les médicaments les plus sûrs et les moins chers.

Si on fait la preuve de leur efficacité en regardant les études avec honnêteté, en particulier l'étude EPI3, c'est une aberration, on est catastrophé, on ne comprend pas. C'est présenté comme rationnel, mais en vérité c'est totalement irrationel !

Le Conseil national de l'Ordre des médecins contestait déjà en 2018 l'efficacité de ces traitements tout comme de nombreuses études scientifiques. 

A (re)voir - Faut-il vraiment rembourser l'homéopathie ? [A vrai dire]

Au moment où l'on doit lutter contre les mésugages de médicaments, on ne trouve rien de mieux que de favoriser le glissement des prescriptions des médicaments homéopathiques vers d'autres médicaments non homéopathiques qui resteraient remboursés. 

Et ailleurs, comment ça se passe ? Est-ce que l'homéopathie coûte cher ?

Dans les autres pays européens, ça représente un marché qui n'est pas très important sur l'ensemble du marché des médicaments. Dans tous les pays où l'homéopathie n'est pas remboursée, le médicament homéopathique est cher. Par exemple au Portugal, en Espagne, le médicament homéopathique est ainsi beaucoup plus onéreux. Et d'ailleurs je fais le pari que si on ne revient pas sur cette mesure irrationnelle, on va passer de 2,35 euros à 5 ou 8 euros, parce qu'il va y avoir trois phénomènes :
- Le premier c'est que les laboratoires - trois sont en France, dont le leader mondial Boiron - vont augmenter un petit peu les prix, bloqués depuis 1988 dit-on. Ils ont besoin de survivre pour leurs salariés très angoissés actuellement. 
- Le deuxième effet c'est qu'il y a un taux de TVA qui change
- Le troisième c'est que le médicament arrive en pharmacie comme un produit de consommation comme les autres et donc le prix est libre.

Encore une fois, c'est toujours les mêmes qui paient, ce sont les plus démunis. C'est un peu comme pour la nourriture, ce sont les plus défavorisés qui mangent le plus mal. Ce sont les plus dévaforisés qui se soigneront le plus mal. Encore une fois, la double peine.

En France, il existe un débat autour de l'effet placebo qu'aurait l'homéopathie. Et dans les autres pays ce débat existe-t-il  ?

Non beaucoup moins. Il faut savoir notamment que le gouvernement espagnol a récemment demandé que l'homéopathie ne soit plus considérée comme un médicament et qu'elle soit retirée de la pharmacopée. C'est la législation européenne qui a tranché en désavouant le gouvernement espagnol.

Ce que l'on observe pour l'homéopathie depuis quelques temps, c'est une espèce d'attaque, sans précédent dans un certain nombre de pays différents en même temps. Vous savez qu'en Australie, un rapport de 2014 montrait que l'homéopathie n'était pas plus efficace qu'un placebo. Mais cette méta-analyse a en fait été manipulée. Il existait une version 1 qui montrait le contraire. Il a donc fallu que des associations australiennes exigent la version 1 et qu'on s'aperçoive qu'il y a avait eu des falsifications.

Mon sentiment est que dans tous les pays industrialisés occidentaux, il y a de plus en plus un désir de naturalité chez les patients. Ils en ont ras le bol d'avoir de la chimie dans leurs assiettes, dans leurs cosmétiques, dans leurs produits ménagers, dans leurs médicaments et dans l'air qu'ils respirent. Il y a au contraire des pressions qui ont tendance à jouer dans le sens inverse. 

Le marché de l'homéopathie est très important en France. Que représente-t-il par rapport aux médicaments ?

Il représente 0, 29 % en coût, et 0, 29 % des dépenses de médicaments. C'est donc une goutte d'eau et tout argument économique est complètement stupide pour justifier le déremboursement de l'homéopathie. 

On le sent bien, depuis un an, Mme Buzyn a une idée fixe qui est celle de massacrer l'homéopathie. Pourquoi le fait-elle, ça je n'en sais rien. Mais on sent bien que le travail de la Haute Autorité de Santé depuis un an a été totalement biaisé, en ne considérant pas les études scientifiques qui sont multiples et qui montrent l'efficacité de l'homéopathie, sous prétexte que notre méthodologie en terme de randomisation n'est pas bonne. Simplement, nous, nous n'avons pas un médicament par maladie, nous avons un médicament par profil de patient. On s'attendait à ce que la Haute Autorité de Santé se remette en question et qu'elle évalue l'homéopathie de façon honnête. Mais ça n'a pas été le cas. Je considère que l'évaluation de la Haute Autorité de Santé n'est pas crédible.