Inventorier. Evaluer. Forer. Exploiter. Donald Trump sait parfaitement ce que l’accord signé entre les Etats-Unis et l’Ukraine signifie pour son pays, et pour les compagnies minières américaines qui entendent profiter du trésor minéral ukrainien. Sans un arrêt complet des hostilités, pas question d’accéder à ces précieuses ressources. Voilà donc, cent jours après le début de sa présidence, le «Commander in chief» contraint, sur le papier, de protéger ce qu’il vient d’acquérir.
Le texte de l’accord d’abord : signé mercredi à Washington par le Secrétaire au Trésor Scott Bessent et la vice-première ministre ukrainienne Yulia Svyrydenko, ce texte qui n’a pas été publié en intégralité prévoit la création d’un fonds conjoint entre l’Ukraine et les Etats-Unis, pour l’exploitation des mines de terres rares du pays, et pour sa reconstruction.
Exploiter, pour mieux se rembourser
Ce fonds, précise le document, sera abondé par Kiev et Washington, ce qui dans les faits signifie la mobilisation de fonds ukrainiens et américains. La question de la dette que l’Ukraine doit, selon Donald Trump, aux Etats-Unis pour leur soutien militaire ne figure pas dans le texte. L’ancien promoteur immobilier affirme que Washington a dépensé 350 milliards de dollars depuis février 2022 pour soutenir l’effort de guerre.
Les chiffres officiels de son ministère de la Défense recensent 182,8 milliards de dons et prêts jusqu’en décembre 2024. Mais qu’importe. Il faudra trouver de l’argent frais pour alimenter ce fonds et financer ces projets, soit en provenance des institutions internationales comme la Banque mondiale, soit d’investisseurs privés. Ce qui est impossible si la guerre se poursuit.
La condition sous-jacente ensuite: pour accéder au trésor minéral ukrainien qu’il va très vite «vendre» à son opinion publique, le locataire de la Maison Blanche doit disposer d’estimations crédibles de la richesse du sous-sol.
Le service géologique américain a déclaré que l’Ukraine possède l’une des plus grandes réserves confirmées d’Europe, estimée à 500 000 tonnes métriques, de lithium, qui est essentiel pour les batteries, les céramiques et le verre. Une centaine de sites miniers pourraient faire l’objet d’une licence et d’un développement conjoints, mais il n’a pas fourni d’autres détails. Soit, et après?
Estimations soviétiques
La plupart des estimations remontent en effet à la période soviétique et ne tiennent pas compte de la pollution des sols par les mines, les explosifs et la pollution entraînée par le conflit. Du Titane? De l’Uranium? Du Lithium? Oui, tout cela est bien enfoui sous les grandes plaines céréalières d’Ukraine. 22 des 34 minerais classés comme critiques par l’Union européenne sont dans le sous-sol. Un jackpot potentiel. De quoi concrétiser, de l’autre côté de l’Atlantique, le fameux slogan de campagne trumpiste «Drill, baby drill!» (Fore encore plus dans le sous-sol, bébé!) qui illustre la volonté d’accroître la production d’hydrocarbures et de gaz de schiste aux Etats-Unis. Seulement voilà: forer suppose des installations et des équipements coûteux. Le faire sans redouter les bombes et les missiles est une exigence!
Une condition indispensable à la mise en œuvre de l’accord sur les terres rares et la reconstruction va dès lors être examinée de près dans les prochains jours, sitôt le retour de Donald Trump au Bureau ovale, et avant le début de la trêve des frappes sur l’Ukraine annoncée par la Russie, du 8 au 10 mai: comment obtenir une cessation des hostilités ou, du moins, la protection des sites les plus sensibles et les plus riches en ressources?
Pas de garanties de sécurité
Si le texte n’inclut pas, noir sur blanc, de garanties de sécurité, il implique les Etats-Unis sur le plan militaire. Interrogé par Al Jazeera, Anatol Lieven, directeur du programme Eurasia au Quincy Institute for Responsible Statecraft est formel. «Cela ne dit pas – et Trump ne proposera jamais – d’envoyer des troupes américaines pour défendre l’Ukraine. Washington continue aussi d’écarter les propositions européennes d’envoyer des troupes européennes en Ukraine. Mais on ne peut pas dire d’un côté «on va exploiter» et de l’autre laisser ces terres sous les bombes russes. Le plus probable est que l’administration Trump va dégainer la menace de sanctions sévères contre Moscou, et ouvrir la voie à des livraisons de matériel de défense antiaérien pour Kiev».
Donald Trump est le «nouveau Shérif dans la ville» promettait en février, devant les ministres des pays de l’OTAN à Bruxelles, le très controversé Secrétaire à la Défense Pete Hegseth. Si c’est bien le cas, ce Shérif doit donc faire régner l’ordre en Ukraine pour assurer la prospérité de ses concitoyens. Vladimir Poutine est-il prêt à respecter son étoile, et a-t-il peur de son colt? FIN
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