Fil d'Ariane
Dix jours après le début de la guerre entre Israël et l'Iran, le président américain a ordonné des frappes contre les principales installations nucléaires de l’Iran, dans la nuit du 21 au 22 juin. Téhéran est soupçonné par les Occidentaux et par Israël de vouloir se doter de l'arme atomique.
Un bombardier B-2 arrive à la base aérienne de Whiteman, dans le Missouri, le dimanche 22 juin 2025, après son retour d'une frappe massive sur des sites nucléaires iraniens samedi.
Le président américain laissait planer le doute depuis quelques jours sur une intervention militaire des États-Unis contre l'Iran. Dans la nuit de samedi 21 à dimanche 22 juin, Washington a mené une attaque surprise contre le régime de Téhéran qui a permis de “dévaster le programme nucléaire iranien”, visant trois importants sites : celui de Fordo, de Natanz et d'Ispahan.
Cet événement a fait basculer le conflit, d’abord régional entre l'Iran et l'Israël, dans une autre dimension avec l’entrée des États-Unis.
Le conflit a été déclenché par des frappes israéliennes sur l'Iran le 13 juin dernier. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu souhaite mettre un terme au programme nucléaire iranien qui constituerait une menace existentielle pour Israël. Depuis, Israël et l’Iran se livrent mutuellement à des frappes aériennes. Si, au début du conflit, Israël visait des installations liées à ce programme, ce n’est plus seulement le cas. L’État israélien s’en prend également aux infrastructures énergétiques ainsi qu’aux sites militaires pouvant approvisionner ces sites énergétiques.
“Il est vraisemblable que depuis la première frappe israélienne, les Iraniens ont tout fait pour disséminer leurs capacités”, explique Frédéric Encel géopolitologue et enseignant à Sciences po. Mais dix jours après, les États-Unis ont décidé de se mêler à cette guerre contre Téhéran et son programme nucléaire. Le géopolitologue assure : “Les Américains, une fois intervenus, ne vont pas s’arrêter là, ils volent au secours de la victoire israélienne.”
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L'opération baptisée “Marteau de minuit” est d'une envergure inédite. Au total, “plus de 125 avions, dont des bombardiers furtifs B-2, plusieurs vols de chasseurs de quatrième et cinquième génération, des dizaines et des dizaines d’avions ravitailleurs, un sous-marin à missiles guidés et une gamme complète d’avions de renseignement, de surveillance et de reconnaissance”, a expliqué le général Caine, chef d'état-major américain, lors d'une conférence de presse aux côtés du ministre de la Défense américain, Pete Hegseth.
C’est la première étape clé de cette opération “Marteau de minuit”. Dans la nuit de samedi à dimanche 22 juin, plusieurs B-2 ont décollé de leur base, située dans l’État du Missouri, pour prendre des directions différentes. “Une partie de l’ensemble s’est dirigée vers l’ouest et le Pacifique”, indique le général Dan Caine. En réalité, il s’agissait d’une diversion “connue seulement d’un très petit nombre de planificateurs et de dirigeants clés à Washington et à Tampa”, précise le général.
Combien a coûté cette opération ?
En 2020, CNN déclarait que le bombardier B-2 Spirit, issu de la guerre froide et initialement conçu pour pénétrer les défenses aériennes soviétiques, était le plus cher au monde : plus de deux milliards de dollars par avion.
Une heure de vol peut coûter jusqu'à 150 000 dollars par heure, selon le média Popular Mechanics qui cite un rapport du Gouvernment Accountability Office.
En sachant que l'opération a duré 37 heures, elle pourrait avoir coûté quasiment 40 millions de dollars pour faire voler les sept bombardiers.
Dans le même temps, le groupe de frappes principal, composé de sept bombardiers B-2 Spirit, chacun avec deux membres d'équipage à bord, s'est dirigé discrètement vers l'est avec un minimum de communication. Ils ont effectué un trajet de 18 heures, en effectuant des ravitaillements en cours de vol. Selon le Pentagone, la défense anti-aérienne de l'Iran ne semble pas "nous avoir détecté pendant toute la durée de la mission".
Pour la première fois, les États-Unis ont eu recours à des puissantes bombes anti-bunker GBU-57, une ogive de 13 tonnes capables de s'enfoncer à des dizaines de mètres de profondeur avant d'exploser. Le bombardier B-2 en tête de l'escadrille a notamment largué deux bombes anti-bunker de type GBU-57 sur l'usine d'enrichissement de Fordo. Impossible de savoir si ces bombes ont réussi à atteindre les 600 à 800 mètres de profondeur nécessaire pour détruire les centrifugeuses iraniennes, ou si les frappes ont permis de sceller tous les tunnels d'entrées, et donc de rendre les lieux inaccessibles.
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Au total, les forces américaines ont lâché sur l'Iran 14 bombes GBU-57 de 13 tonnes. Il s'agit de "la première utilisation opérationnelle de cette arme", selon Dan Caine. Il n’y a que les États-Unis qui possèdent ce type d’armements.
Le Pentagone affirme qu’il s’agit de la plus grande frappe opérationnelle des bombardiers stratégiques B-2 de l'histoire des États-Unis et de la deuxième plus longue mission des B-2 jamais effectuée, après celle menée dans le sillage des attentats du 11-Septembre.
Washington a également utilisé un sous-marin américain situé dans la zone de responsabilité du commandement central. Ce dernier a lancé plus de deux douzaines de missiles de croisière d'attaque terrestre Tomahawk contre des cibles clés de l'infrastructure de surface à Ispahan, où se trouvent des installations nucléaires.
"Les missiles Tomahawk ont été les derniers à frapper Ispahan, afin de conserver l'élément de surprise tout au long de l'opération", a dit le général Caine, parlant d'une chorégraphie minutieusement planifiée dans le secret le plus total. Ces frappes se sont terminées 25 minutes après les premières (toute l'opération ?).
Pour Frédéric Encel : “C’est un tournant. Jamais les Américains n'étaient intervenus directement. Même si Donald Trump avait accepté de neutraliser plusieurs personnalités militaires très importantes iraniennes, c’était toujours lié à cette question du nucléaire”, a-t-il déclaré sur notre plateau.
Les dommages définitifs prendront un certain temps à être analysés, mais les premières évaluations indiquent que les trois sites ont subi des dommages et des destructions extrêmement graves.
Dan Caine, chef d'état-major américain
Le président américain, Donald Trump, s'est prévalu dimanche de "dommages monumentaux" infligés "à tous les sites nucléaires en Iran". "Les dommages définitifs prendront un certain temps à être analysés, mais les premières évaluations indiquent que les trois sites ont subi des dommages et des destructions extrêmement graves", a détaillé Dan Caine.
Des responsables israélien et américain ont toutefois dit toujours évaluer les dégâts, des experts estimant que le matériel nucléaire pourrait avoir été évacué des sites visés. En effet, des sources iraniennes ont affirmé à l'agence Reuters que l'uranium hautement enrichi du site de Fordo avait été déplacé 48h avant les frappes américaines. Ali Shamkhani, un conseiller du guide iranien, a affirmé que l'Iran possédait toujours des stocks d'uranium enrichi.
Selon Bertrand Badie, professeur et spécialiste des relations internationales, le but de ces opérations américaine est "le démantèlement du dispositif nucléaire, ce qui n'est pas un objectif totalement convaincant. Le but du régime iranien, c'est d’avoir une dissuasion politique : j’ai la bombe, donc vous devez me respecter". Il conclut : “Dans l’histoire contemporaine, il n’y a pas un seul exemple d’un changement de régime qui se réalise à partir d’une opération extérieure.”
À ce jour, cette nouvelle guerre a fait plus de 400 morts et 3 056 blessés, en majorité des civils, en Iran. Les tirs iraniens en Israël ont, quant à eux, fait 24 morts, selon les autorités.
(Re)voir Frappes en Iran : pourquoi Israël a attaqué maintenant ?