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Des milliers de migrants entrent à Ceuta sur fond de tensions entre le Maroc et l'Espagne

Les autorités espagnoles ont annoncé avoir expulsé 1.500 des quelques 6.000 migrants entrés la veille dans l'enclave espagnole de Ceuta, ce mardi 18 mai, alors que 86 migrants ont pénétré dans l'enclave voisine de Melilla. Depuis le début de l'année, c'est un afflux record de migrants qui entrent dans les enclaves de Melilla et Ceuta, sous fond de tension entre le Maroc et l'Espagne.

"Quelque 6.000 personnes" sont entrées lundi à Ceuta, sur la côte nord du Maroc, et "à cette heure, nous avons renvoyé 1.500 de ces personnes et nous sommes en train de continuer ces renvois", a affirmé le ministre espagnol de l'Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, à la télévision publique espagnole. Il a indiqué que sur ce total de 6.000 personnes, il pourrait y avoir 1.500 mineurs, tout en précisant qu'il était "trop tôt" pour fournir un chiffre définitif. Le ministre a défendu ces renvois, affirmant qu'ils étaient "conformes à la loi et aux traités internationaux et aux accords avec le Maroc".

A quelque 400 kilomètres à l'est de Ceuta, à Melilla, l'autre enclave espagnole sur la côte marocaine, 86 migrants sont parvenus à entrer mardi matin en territoire espagnol depuis le Maroc voisin. Au total, "plus de 300" personnes originaires "d'Afrique subsaharienne" ont tenté de franchir la barrière séparant Melilla du Maroc mardi vers 04h45 (02h45GMT), a indiqué la préfecture de Melilla dans un communiqué.

Plus de 200 personnes ont été repoussées, mais "85 hommes et une femme ont réussi à entrer", selon le communiqué. La femme en question a nécessité l'assistance de la Croix-rouge, a précisé la préfecture. Les migrants qui ont réussi à entrer ont été conduits au Centre de séjour temporaire (CETI) de l'enclave.

Ceuta et Melilla constituent les seules frontières terrestres de l'Union européenne avec l'Afrique et sont régulièrement le théâtre de tentatives de passages en force de migrants.

Le Premier ministre espagnol annule sa venue à Paris

Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a, quant à lui, décidé d'annuler ce 18 mai, un voyage prévu à Paris en raison de la crise provoquée par l'afflux de milliers de migrants dans l'enclave espagnole de Ceuta, a annoncé son gouvernement dans un communiqué.

En raison des "derniers évènements" à Ceuta, M. Sanchez a annulé sa participation à un sommet sur le financement des économies africaines dans la capitale française et s'exprimera à l'issue du conseil des ministres à la mi-journée, a précisé le gouvernement.

La veille, le 17 mai, les autorités espagnoles avaient  enregistré au moins 5.000 franchissements illégaux de frontière en provenance du Maroc, dont un millier de mineurs, un "record" selon le dernier bilan de la préfecture de Ceuta.

Côté marocain, des centaines d'hommes et femmes de tous âges, beaucoup de jeunes et des mineurs, avaient afflué pour tenter leur chance au niveau du poste-frontière de Fnideq (nord), surveillé par une poignée de policiers marocains.

Les candidats à l'émigration, hommes et des femmes de tout âge, certains très jeunes, descendaient par dizaines vers la plage par un sentier, avant de courir vers la ville de Ceuta, le long de la mer, sous les yeux des forces auxiliaires marocaines qui les regardaient sans intervenir.

Dans la journée, un homme a trouvé la mort en se noyant alors qu'il tentait de rallier l'enclave par la mer, selon la préfecture de Ceuta. Certains ont aussi essayé de passer par la montagne qui surplombe la plage.

Des vidéos postées sur les réseaux sociaux montrent de jeunes migrants, en maillot de bain ou tout habillés, débarquant sur les plages de rochers. Certains passent sous le regard des forces de l'ordre marocaines, qui ne réagissent pas dans un premier temps puis finissent par repousser la foule de curieux.

  • Ali Zoubeidi, chercheur associé à l'université Hassan 1er à Settat, et spécialiste marocain de l'immigration irrégulière analyse la situation :
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Les arrivées illégales vers le territoire espagnol situé au nord du Maghreb ont commencé lundi 16 mai, dès les premières lueurs du jour, a indiqué un porte-parole de la préfecture de Ceuta à l'AFP. À l'aube, ils n'étaient encore qu'une centaine, mais au fil des heures, le flot n'a cessé de gonfler, certains arrivant à pied par la plage, d'autre par la mer, avec parfois des bouées gonflables ou des canots pneumatiques. 

Interrogée sur leur hébergement, la préfecture, confrontée à une situation sans précédent, a précisé qu'un accueil était prévu dans des hangars sur la plage d'El Tarajal.

Le ministère espagnol de l'Intérieur a annoncé lundi soir dans un communiqué le "renforcement immédiat des effectifs de la garde civile et de la police nationale dans la zone" avec 200 agents supplémentaires.

Rappelant que "les autorités espagnoles et marocaines ont conclu récemment un accord concernant le retour vers leur pays des citoyens marocains qui arrivent à la nage" à Ceuta, le document assure que "les contacts avec les autorités marocaines ont été maintenus" de façon "permanente".

Pour Mohamed Benaïssa, président de l'Observatoire du nord pour les droits de l'Homme basé à Fnideq, cette nouvelle vague de migrations concerne avant tout "des mineurs, mais également des familles, tous marocains". Pour lui, cette vague  "pourrait être en lien avec la crise diplomatique entre le Maroc et l'Espagne". 

Conflit au Sahara occidental

Rabat est un allié clef de Madrid pour la lutte contre l'immigration clandestine. Mais entre le début de l'année et le 15 mai, 475 migrants sont arrivés à Ceuta, soit plus du double par rapport à la même période l'an passé, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur.

Les relations diplomatiques entre les deux pays voisins se sont tendues depuis l'accueil, fin avril, en Espagne du chef des indépendantistes sahraouis du Front Polisario, Brahim Ghali, venu pour des soins.

Le Maroc a convoqué l'ambassadeur espagnol pour lui signifier son "exaspération". "La préservation du partenariat bilatéral est une responsabilité partagée, qui se nourrit d’un engagement permanent pour sauvegarder la confiance mutuelle (....) et sauvegarder les intérêts stratégiques de deux pays", a ensuite averti un communiqué des Affaires étrangères marocaines.

Le conflit au Sahara occidental, ancienne colonie espagnole classée "territoire non autonome" par les Nations unies en l'absence d'un règlement définitif, oppose depuis plus de 45 ans le Maroc au Polisario, soutenu par l'Algérie.

Le Polisario réclame un référendum d'autodétermination alors que Rabat propose une autonomie sous sa souveraineté. Les tensions autour du Sahara occidental entraînent "immédiatement" une hausse des arrivées de migrants, constate Isaias Barreñada, professeur de relations internationales à l'Université Complutense de Madrid.

Contactées par l'AFP, les autorités marocaines n'avaient pas réagi lundi soir. Ceuta et Melilla, l'autre enclave espagnole située sur la côte marocaine, constituent les seules frontières terrestres de l'Union européenne avec l'Afrique.