Fil d'Ariane
La Première ministre Theresa May a fait face lundi à une violente tempête gouvernementale avec la démission de deux poids lourds de son équipe, signe de désaccords sur l'avenir de la relation du Royaume-Uni avec l'Union européenne après le Brexit.
Le ministre du Brexit, l'eurosceptique David Davis, a claqué la porte dimanche soir, en signe de protestation contre le plan de Mme May de maintenir des relations économiques étroites avec Bruxelles après le Brexit, prévu le 29 mars 2019. Une option qualifiée de "Brexit doux" par opposition au "Brexit dur" souhaité par les partisans d'une rupture nette avec Bruxelles.
Lundi après-midi, le chef de la diplomatie britannique Boris Johnson a suivi la même voie, peu avant que Mme May ne défende devant les députés britanniques son plan adopté vendredi lors d'une réunion de son gouvernement dans sa résidence de campagne de Chequers.
Aux Affaires étrangères, M. Johnson est remplacé par le ministre de la Santé Jeremy Hunt, a annoncé lundi soir Downing Street, lui-même remplacé par le ministre de la Culture Matt Hancock.
M. Hunt, âgé de 51 ans, avait soutenu le maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne en 2016 avant de changer d'avis et de se rallier derrière les pro-Brexit, déçu par l'approche "arrogante" de Bruxelles dans les négociations, selon une interview à LBC radio en 2017.
Ancien homme d'affaires parlant couramment le japonais, marié à une Chinoise, il s'est taillé une réputation de quelqu'un ne craignant pas les défis, après avoir présidé durant six ans aux destinées du service public de santé (NHS), confronté à une crise profonde.
Dans sa lettre de démission, Boris Johnson a regretté que le "rêve (du Brexit) est en train de mourir" et estimé que son pays se dirigeait "vraiment vers le statut de colonie" de l'UE.
Mme May, qui s'est dite "désolée et un peu surprise" par cette démission, a expliqué qu'il y avait "désaccord sur la meilleure manière de mettre à exécution" le résultat du référendum de juin 2016, favorable au retrait du Royaume-Uni de l'UE, tout en défendant sa stratégie comme la meilleure pour l'avenir du pays.
Après des mois de divisions de sa majorité conservatrice sur les futurs liens avec Bruxelles, elle pensait être parvenue à un consensus et avoir obtenu les coudées franches à Chequers pour aller proposer son projet à Bruxelles.
"Mais l'illusion d'unité n'aura duré que 48 heures", a dénoncé le chef de l'opposition travailliste Jeremy Corbyn au Parlement, critiquant deux ans d'atermoiements. "L'avenir des emplois et des investissements est en jeu", a-t-il averti.
Les rumeurs allaient bon train depuis des mois sur le départ de M. Davis, 69 ans, visiblement mécontent du chemin que prenaient les négociations, même si en public il se montrait loyal envers Mme May.
En revanche, le flamboyant Boris Johnson, 54 ans, l'un des leaders de la campagne pour sortir de l'UE, ne s'est pas privé de critiquer ouvertement la Première ministre.
Son départ avait accru les risques de voir Mme May affronter un vote de défiance des députés tory. Mais elle semble avoir éloigné la menace, obtenant un large soutien après s'être adressée à eux à huis clos en fin d'après-midi, selon les médias britanniques.
Ses soutiens estiment qu'elle est en capacité de remporter un tel vote, personne ne semblant actuellement en mesure de rassembler les conservateurs autour d'une position commune. Si elle perdait, Boris Johnson est sur les rangs.
David Davis a lui été remplacé par Dominic Raab, jusque-là secrétaire d'Etat au Logement.
Ce député eurosceptique de 44 ans aura la lourde tâche de ferrailler avec les dirigeants européens, qui s'impatientent de plus en plus de voir les négociations patiner à moins de neuf mois du Brexit.
La Commission européenne a affirmé lundi que la démission de David Davis ne constituait pas pour elle un problème pour les négociations.
Le secrétaire d'État au Brexit Steve Baker a également démissionné pour protester contre le plan dévoilé vendredi soir par Mme May et qui prévoit de mettre en place une zone de libre échange et un nouveau modèle douanier avec les 27, afin de maintenir un commerce "sans friction" avec le continent.
Selon Mme May, Bruxelles a accordé "un accueil positif" à ces propositions.
Les milieux économiques et financiers se sont aussi montré plutôt satisfaits. Mais les marchés britanniques se sont inquiétés après la démission de Boris Johnson, craignant la chute du gouvernement, ce qui a fait nettement baisser la livre.
La crise au sein de l'exécutif britannique intervient à quelques jours d'une visite du président américain Donald Trump, avec lequel Mme May espère bien faire avancer les discussions sur un futur accord commercial.