Développement : que signifie la croissance des pays du sud ?

La donne économique planétaire est en pleine mutation, et si l'occident est en panne de croissance, au sud celle-ci est au contraire en plein essor. Le dernier rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement, dévoilé aujourd'hui à Mexico, détaille les modifications de rapports de force basés sur une croissance économique quasi nulle pour les uns et en hausse permanente pour les autres.
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Développement : que signifie la croissance des pays du sud ?
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Développement : que signifie la croissance des pays du sud ?
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La valse des chiffres de la croissance économique a de quoi donner le vertige. Enivrante pour certains, écœurante pour d'autres. Depuis la crise des subprimes venue d'outre-atlantique, la croissance économique du Nord est en berne, comme si la production et la consommation n'arrivaient plus à redémarrer : la plus grande économie du monde, celle des Etats-Unis d'Amérique, a réussi à retrouver une progression de 2,2% de croissance en 2012 (à grands coups de relances budgétaires et en creusant un déficit public qui dépasse les 8% du PIB), tandis que la France applique sa politique d'austérité et flirte avec la récession bénéficiant de seulement 0,3% de progression de croissance, l'Allemagne à seulement 0,7% (après deux années 2010 et 2011 bien plus fastes), et de nombreux pays de la zone euro proches du zéro de croissance ou carrément en récession. Les pays du Sud, après un coup de mou en 2009 ont déjà repris leur insolente bonne santé économique :

Les nouveaux rapports Sud-Sud

Ce qui est appelé désormais "la crise économique" devrait pourtant affecter toutes les économies du monde dans un système globalisé. Ce n'est pas le cas. Et si la période 2009-2010 a semblé confirmer un ralentissement mondial de la croissance, depuis 2011, de nombreux pays du Sud observent une progression économique insolente, frôlant des croissances à deux chiffres, ce que n'arrivent pas à atteindre en une décennie les pays les plus développés. Miracle économique inexplicable ou logique implacable ? Le vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique, Makhtar Diop justifiait la bonne santé économique des pays africains en 2012 de la façon suivante : « Un tiers des pays africains connaîtront une croissance supérieure ou égale à 6 %. Ceux dont la croissance est la plus rapide bénéficient de nouvelles exportations minérales, telles que celles de minerai de fer en Sierra Leone et de l’uranium et de pétrole au Niger, d’autres facteurs, comme le retour à la paix en Côte d’Ivoire, ou d’une solide croissance macro-économique dans des pays comme l’Éthiopie ». Hans Timmer, directeur du Groupe des perspectives de développement à la Banque mondiale confirme une nouvelle tendance des pays du Sud : « La croissance anémique des pays à revenu élevé freine la croissance des pays en développement, mais la conjugaison d’une forte demande intérieure et d’un renforcement des relations économiques Sud-Sud a soutenu la capacité de résistance de ces pays — à un point tel que, pour la deuxième année d’affilée, ils ont contribué pour plus de la moitié à la croissance mondiale en 2012 ».

Le premier rapport du PNUD vraiment positif

Le 21 ème rapport du Programme National de développement des Nations Unies établit que quarante nations sont en train de sortir leurs populations de la pauvreté : Chine, Inde et Brésil en tête. Ce rapport, le plus optimiste depuis de nombreuses années, révèle la perte de domination économique du Nord (Europe, Amérique du Nord et Japon) face aux émergents jusqu'alors considérés comme très en retrait. Le rapport constate que les solutions pour élever le niveau de vie des populations ne sont pas uniformes : si la Chine utilise uniquement sa croissance économique, le Brésil met en place des programmes sociaux de redistribution. Des pays comme la Turquie, la Thaïlande, l’Afrique du Sud, le Mexique, l’Indonésie et beaucoup d’autres pays émergents sont aujourd'hui des "acteurs clés sur la scène internationale" indique le rapport.  L'identification de politiques et de réformes institutionnelles pourraient contribuer à la promotion de progrès humains plus important dans le monde entier pendant de nombreuses décennies. Najat Rochdi, Directrice adjointe du Bureau du Programme des Nations Unies pour le développement à Genève indique pour sa part qu' "il y a un nouvel équilibre, une nouvelle carte qui se dessine : la Chine et l'Inde ont doublé leur production par habitant en 20 ans, des milliards de personnes sont touchées par ces progrès. Les productions du Brésil, de l'Inde et la Chine sont aujourd'hui supérieures à la production globale de l'Allemagne, la France, l'Italie, le Canada et les Etats-Unis : personne n'aurait pu prévoir il y a 20 ans !" La responsable insiste sur les effets positifs de la croissance des pays du Sud : "La grande nouvelle c'est que la proportion des gens sous le seuil de pauvreté est passée de 43% en 1990 à 22% aujourd'hui. Alors oui, il y a 500 millions de Chinois qui en font partie, mais cela reste une excellente nouvelle. Ces chiffres confortent que les politiques de développement centrées sur l'humain payent, et pas seulement pour les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud) : des pays comme le Ghana ou le Chili par exemple sont en très grande progression."

Modification du commerce mondial et émergence des classe moyennes

Ce que le rapport du PNUD met en lumière est un basculement de puissance économique, et par ricochet, de rapports de force commerciaux sans commune mesure : "Le commerce international est passé de 10% à plus 25% dans les pays en développement et il a chuté de 46% à 30% dans les pays développés", insiste Najat Rochdi. Le commerce entre les pays du Sud va donc surpasser celui entre les pays du Nord sous peu, produisant, d'après les rédacteurs du rapport, "des progrès extraordinaires au niveau du développement humain". L'un de ces effets est bien entendu celui de l'augmentation des classes moyennes. Au point qu'aujourd'hui, l'Asie possède une classe moyenne plus importante que celle de l'Amérique du Nord :
Ce dernier facteur de l'extension des classes moyennes, est pour les responsables du PNUD "un indicateur de l'équité, de la redistribution des biens. Mais il est aussi un facteur très important pour la construction démocratique, les droits sociaux puisque la classe moyenne est constituée de personnes plus éduquées, plus conscientes de la société." La donne économique change sur la planète et la croissance économique du Sud en est le fer de lance : le rapport très optimiste du PNUD le constate et le fait savoir.

Les pays des Brics : repères

Bric est un acronyme apparu pour la première fois en 2001 dans un rapport de la banque d’investissement américaine Goldman Sachs. 
Il réunissait virtuellement quatre pays dits "émergents" : le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine. La thèse centrale du rapport de Goldman Sachs était que ces pays du BRIC éclipseront d'ici à 2050 les économies les plus développées. 
En avril 2011, le Bric devient Brics avec l'intégration de l'Afrique du Sud.
Les cinq pays représentent 40% de la population mondiale et comptent pour 18% du produit Intérieur Brut de la planète.