Fil d'Ariane
Diego Maradona, décédé mercredi 25 novembre, a payé cher sa gloire en sombrant dans la drogue et l'alcool, mais cette icône du football, l'égal d'un dieu en Argentine, avait toujours su rebondir.
En dépit de ses excès en tous genres, Diego Armando Maradona, né à Buenos Aires et qui venait de fêter ses 60 ans, restera à jamais le "diez", le numéro dix, capable de marquer les plus beaux buts de l'histoire, à l'instar du roi Pelé, finalement son seul rival.
Ange ou démon ? La polémique n'a jamais cessé. "Rebelle. Héros. Arnaqueur. Dieu": dans son documentaire "Diego Maradona", présenté hors compétition au festival de Cannes en mai 2019, le Britannique Asif Kapadia raconte les années tumultueuses de l'Argentin à Naples, qui lui ont apporté ses plus grandes joies et ont fini par le broyer.
Issu des quartiers pauvres de Buenos Aires, le "Pibe de oro" ("gamin en or") est tombé dans le chaudron de la Bombonera, le stade du club Boca Juniors, quand il était petit.
Dribbleur hors pair capable de mystifier les défenses, Maradona restera le symbole et capitaine incontesté de l'Argentine. Sous les couleurs de l'équipe nationale pendant 17 ans (1977-1994), le légendaire numéro 10 a marqué 50 buts en 115 matches et offert à son pays la deuxième Coupe du monde de son histoire en 1986.
Parmi les milliers de photos accompagnant la gloire puis la déchéance de Maradona, deux images résument sa vie. La première remonte justement à 1986, un soir de finale de Coupe du Monde, dans le mythique stade Aztèque de Mexico, où le joueur de 1,65 m n'est qu'un immense sourire brandissant le trophée mondial. Il est au sommet de son art.
Son but inscrit de la main contre les Anglais en quarts de finale a fait hurler de joie tout un peuple qui a accepté l'explication improvisée et géniale de Maradona: "la main de Dieu".
Mais les fans de football retiendront surtout son deuxième but contre ces mêmes Anglais, lui qui a passé en revue toute la défense avant de tromper le gardien, un chef-d'oeuvre d'intuition et de talent pur.
Beaucoup moins glorieux, le second cliché date du 26 avril 1991. Hirsute, bouffi, mal rasé, l'oeil éteint, Maradona sort de son domicile de Buenos Aires entouré de deux policiers venus l'arrêter pour détention et consommation de cocaïne.
C'est le début de la déchéance, des déclarations tapageuses, des outrances de tous ordres, des retours au premier plan soigneusement orchestrés par un entourage de requins. Les cures de désintoxication vont désormais alterner avec les rechutes.
Après avoir goûté à la drogue dans le barrio Chino de Barcelone, où il a joué deux saisons (1982-1984), son accoutumance n'a pas faibli pendant ses années de gloire à Naples (1984-1991), club où il est adulé pour lui avoir fait gagner les deux seuls titres de champion d'Italie de son histoire, en 1987 et 1990.
Mais Maradona a payé cher cette célébrité qu'il n'a jamais su gérer. Sali par les scandales, sous le coup d'une suspension de deux ans pour un nouveau contrôle positif en 1994, il quitte officiellement le monde du football, à 37 ans, le jour de son anniversaire.
Loin des stades, la déchéance va s'accélérer. En 2000, il est hospitalisé à Punta del Este, célèbre station balnéaire d'Uruguay, pour une crise cardiaque liée à la drogue.
Il s'en sort et part à Cuba en cure de désintoxication. Quatre ans d'allers et retours entre l'Argentine et sa seconde patrie ne réussiront pas à le guérir durablement de sa dépendance à la cocaïne. En 2004, il frôle la mort après un accident cardiovasculaire à l'issue duquel il repart à La Havane.
L'année suivante, il subit à Bogota une opération chirurgicale destinée à réduire la capacité d'absorption de son estomac pour lutter contre l'obésité, ce qui lui permet de perdre près de 50 kilos.
L'Argentine veut à nouveau y croire. Fin 2005, charmeur et en forme, il bat des records d'audience avec son émission télévisée "La nuit du 10" où il invite notamment son grand rival Pelé. Pourtant, Diego se met à boire, grossit, fume et rechute dans une crise hépathique qui le ramène à l'hôpital en 2007.
Une fois encore, il s'en sort et reprend du service. Nommé sélectionneur de l'équipe d'Argentine en 2008, il est écarté deux ans plus tard pour mauvais résultats. Par la suite, il entraînera deux clubs émiratis avant de s'engager en tant que président du club bélarusse du Dinamo Brest (D1) en 2018.
La même année, il devient entraîneur des Dorados de Sinaloa (D2 mexicaine) avant d'en claquer la porte avec fracas huit mois plus tard à cause d'un pénalty non sifflé pour son club. Maradona dans toute sa splendeur...
Un scanner avait révélé cette année la présence d'un hématome sous-dural, une poche de sang formée sous la boîte crânienne. Cela avait entraîné son transfert dans une clinique privée d'Olivos où il a été opéré le lendemain avec succès.
Après huit jours d'hospitalisation, l'ex-champion de football argentin Diego Maradona avait quitté mercredi 11 novembre la clinique de la banlieue nord de Buenos Aires où il avait été opéré avec succès d'un hématome à la tête.
Cependant, pendant la période post-opératoire, l'ancien N. 10 a connu des difficultés liées à un syndrome d'abstinence, en lien avec sa consommation d'alcool et de somnifères, selon le Dr Luque, justifiant la durée d'hospitalisation de son patient, malgré une guérison "étonnante" après l'intervention.
La vie de Diego Maradona a été rythmée par de nombreux problèmes de santé, dont certains liés aux excès en tous genres qui l'ont parfois fait flirter avec la mort.
En 2000, il avait eu une crise cardiaque à la suite d'une overdose dans la cité balnéaire uruguayenne de Punta del Este. Il avait ensuite suivi une longue cure à Cuba.
En 2004, alors qu'il pesait plus de 100 kg, une autre crise cardiaque l'avait terrassé à Buenos Aires, mais il s'en était sorti.
Il avait ensuite subi une opération chirurgicale de l'estomac pour perdre énormément de poids.
En 2007, une consommation excessive d'alcool l'avait conduit à l'hôpital. Dernièrement, il a dû se faire poser une prothèse à cause de ses genoux douloureux.
Confiné depuis mars en raison de la pandémie et de sa santé fragile, Diego Maradona avait insisté le 30 octobre, le jour de son 60e anniversaire, pour diriger l'entraînement de ses joueurs du club de Gimnasia y Esgrima La Plata.
Mais il ne semblait pas en forme, marchait avec difficulté et n'était resté que quelques minutes sur le terrain avant de se retirer.
Tout comme le Brésilien Pelé, qui a fêté ses 80 ans en octobre, Maradona est considéré comme l'un des plus grands joueurs de football de tous les temps.
Des hommages du monde entier
Pelé : "Quelle triste nouvelle. J'ai perdu un grand ami et le monde a perdu une légende. Il y a beaucoup à dire, mais pour l'heure, que Dieu donne de la force à ses proches. J'espère qu'un jour nous pourrons jouer ensemble au ciel", a écrit sur Instagram le triple champion du monde brésilien, qui a fêté ses 80 ans fin octobre.
Que notícia triste. Eu perdi um grande amigo e o mundo perdeu uma lenda. Ainda há muito a ser dito, mas por agora, que Deus dê força para os familiares. Um dia, eu espero que possamos jogar bola juntos no céu. pic.twitter.com/6Li76HTikA
— Pelé (@Pele) November 25, 2020
"Diego est éternel", salue Lionel Messi
"Aujourd'hui je dis au revoir à un ami et le monde dit au revoir à un génie éternel. Un des meilleurs de tous les temps. Un magicien inégalable. Il part trop tôt, mais laisse un héritage sans limite et un vide qui ne sera jamais comblé. Repose en paix, crack. Tu ne seras jamais oublié" a partagé Ronaldo, le quintuple ballon d'or portugais.
Michel Platini, ancien n°10 de la Juventus et des Bleus, a déclaré au micro de la radio RTL "Je suis très triste. Je suis nostalgique d'une époque qui était belle... Sont partis Cruyff, Di Stefano, Puskas, pleins de grands joueurs qui ont marqué ma jeunesse. Diego a marqué ma vie."
L'attaquant camerounais Samuel Eto'o publie ému une photo avec le mythe absolu "Bon repos patron" :
Zahir Oussadi, rédacteur en chef du magazine Onze Mondial explique pourquoi Maradona avait cette aura :