Fil d'Ariane
Le chef de la diplomatie russe s'est offusqué mercredi de la publication par la chaîne de télévision France 2 d'un entretien entre les présidents français et russe, quatre jours avant que Moscou lance son assaut contre l'Ukraine.
"L'étiquette diplomatique ne prévoit pas de fuites unilatérales de (tels) enregistrements", a relevé le ministre Sergueï Lavrov, au cours d'un déplacement au Vietnam.
Selon le journal Le Monde, l'agence d'Etat Ria Novosti avait d'ailleurs déjà fait une allusion discrète, jeudi 30 juin, au documentaire de Guy Lagache. Sur twitter, l'agence russe dénonçait le fait que « depuis longtemps les Français ne respectent plus les règles diplomatiques des négociations ».
La conversation téléphonique de neuf minutes très tendue entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine, a été diffusée dans un documentaire de la chaîne française France 2 qui retrace la médiation du président français pour tenter d'empêcher l'embrasement du conflit en Ukraine, Moscou étant alors accusé de préparer une offensive en dépit de ses dénégations répétées.
Pour ne rien te cacher, je voulais aller jouer au hockey-sur-glace (..) Là, je te parle depuis la salle de sport.
Vladimir Poutine répondant à la proposition d'Emmanuel Macron sur un sommet entre Occidentaux et Russes.
Sergueï Lavrov a jugé que la Russie n'avait pas à rougir du contenu de la conversation entre les deux dirigeants.
"Nous menons toujours les négociations de telle manière à ce que nous n'ayons jamais à avoir honte. Nous disons toujours ce que nous pensons, nous sommes prêts à répondre de nos paroles et à expliquer notre position", a-t-il dit.
La diffusion ce soir sur France 2 de cette conversation entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron irrite le Kremlin, selon @ArianeChemin @lemondefr pic.twitter.com/2e9hqQ3c0I
— François Beaudonnet (@beaudonnet) June 30, 2022
"Pour ne rien te cacher, je voulais aller jouer au hockey-sur-glace (..) Là, je te parle depuis la salle de sport", réplique Vladimir Poutine à Emmanuel Macron qui lui propose une réunion au sommet avec Joe Biden.
Les neuf minutes de conversation, aussi inédites que fascinantes, sont au coeur du documentaire "Un président, l'Europe et la Guerre", signé Guy Lagache, qui raconte les coulisses diplomatiques des six derniers mois à l'Elysée et sera diffusé jeudi soir la chaîne française France 2.
Dimanche matin 20 février, la caméra s'arrête sur le conseiller diplomatique du président français, Emmanuel Bonne, entouré de trois collaboratrices, dans son bureau du 2, rue de l'Elysée à Paris.
Le président français, qui s'est rendu quelques jours plus tôt à Moscou et Kiev, a entamé une médiation de la dernière chance pour tenter d'empêcher la guerre.
Les quatre membres de la cellule diplomatique de l'Elysée suivent à distance l'échange téléphonique de leur "patron" avec le maître du Kremlin.
Emmanuel Macron apparaît ferme, offensif, un brin péremptoire, voire cassant. Vladimir Poutine ne lâche rien, s'agace. "Ecoute-moi bien", lui lance-t-il. Derrière quelques formules de politesse russes, l'ironie, voire le cynisme n'est jamais loin.
Le président français amorce la conversation, sans détours: "Je voudrais que tu me donnes d’abord ta lecture de la situation et peut-être de manière assez directe, comme on le fait tous les deux, me dire quelles sont tes intentions", dit-il.
"Que pourrais-je dire ? Tu vois toi-même ce qu’il se passe", rétorque Vladimir Poutine, en référence aux accords de Minsk censés ramener la paix dans l'est de l'Ukraine, où des séparatistes prorusses sont à la manoeuvre depuis l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014. Il accuse Volodymyr Zelensky d'avoir dit vouloir acquérir l'arme nucléaire. "Non, n'importe quoi", commente Emmanuel Bonne.
(Re)voir : Emmanuel Macron, moqué par la propagande russe pour ses appels à Poutine
"En fait notre cher collègue, Mr Zelensky, ne fait rien (pour les appliquer). Il vous ment", attaque-t-il, selon la traduction du documentaire, en parlant du président ukrainien.
Le maître du Kremlin accuse au passage son homologue français de vouloir "réviser les accords" et demande que les propositions de paix des séparatistes soient prises en compte.
On s’en fout des propositions des séparatistes !
Emmanuel Macron, lors d'un entretien téléphonique avec Vladimir Poutine
Emmanuel Macron s'insurge contre la démonstation de son interlocuteur : "Je ne sais pas où ton juriste a appris le droit. Moi je regarde juste les textes et j'essaie de les appliquer !", lance-t-il.
Vladimir Poutine revient à la charge, déplore que les séparatistes ne soient pas entendus. "On s’en fout des propositions des séparatistes !", tranche le président français, ajoutant qu'elles ne sont pas prévues dans l'accord.
Mais le locataire de l'Elysée se pose aussi en médiateur. Il propose une réunion de toutes les parties. "Je vais dans la foulée exiger cela de Zelensky", insiste-t-il.
"La situation sur la ligne de contact est très tendue. J'ai vraiment appelé hier Zelensky au calme. Je vais lui redire, calmer tout le monde, calmer dans les réseaux sociaux, calmer les forces armées ukrainiennes", promet-il.
Il invite son homologue à faire de même avec les forces russes prépositionnées à la frontière avec l'Ukraine. "Ne cède pas aux provocations quelles qu’elles soient dans les heures et les jours qui viennent", le met-il aussi en garde.
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Emmanuel Macron en arrive finalement au but de son appel, convaincre Vladimir Poutine d'accepter une rencontre avec l'Américain Joe Biden à Genève pour tenter une désescalade au sommet.
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Vladimir Poutine se montre peu emballé, encore moins à l'idée de fixer une date. "Avant toute chose, il faut préparer cette réunion en amont", insiste-t-il. Emmanuel Macron finit par lui arracher un "accord de principe".
Dans la foulée, l'Elysée annoncera un prochain sommet Biden-Poutine, qui n'aura pas lieu.
"On reste en contact en temps réel. Dès qu’il y a quelque chose, tu m’appelles", lui glisse au final Emmanuel Macron. "Je vous remercie Monsieur le président", conclut Vladimir Poutine en français.
Quatre jours plus tard, le constat sera amer. "On ne l’a pas convaincu, il a envahi l’Ukraine", lâche Emmanuel Macron, sans fard, devant la caméra de Guy Lagache.
"Je pensais qu’on pouvait trouver par (...) la confiance, la discussion intellectuelle, un chemin avec Poutine", raconte-t-il, le 16 juin, dans le train qui le ramène d'une visite à Volodymyr Zelensky.
Avec les exactions commises par l'armée russe, notamment à Boutcha, une étape "irréversible" a été franchie sur le "plan moral", dit-il. "Je lui ai ensuite reparlé beaucoup moins"...