La ministre de l’Ecologie, Ségolène Royale, a présenté un plan d’action pour lutter contre la disparition fulgurante des abeilles en France. Elle a, par ailleurs, annoncé qu’une démarche serait engagée pour étendre le moratoire partiel européen sur les néonicotinoïdes.
Les abeilles se meurent. Divisée par trois depuis 1995, la production de miel a été, l'an dernier, la plus faible de l’histoire de l’apiculture française.D’après l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf), l’année 2014 a été catastrophique pour ces insectes pollinisateurs. Leur mortalité a atteint de 50 à 80% selon les régions françaises, alors qu'elle n’était que de 5% dans les années 90. Cette période correspond à l’arrivée sur le marché des pesticides tels que les néonicotinoïdes.
Pour faire face «
à cette urgence sanitaire environnementale », la fondation Hulot réclamait fin avril que des décisions soient prises en urgence. C’est chose faite. Mercredi 20 mai, Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie, a présenté devant le Conseil des ministres le plan «
France, terre de pollinisateurs », accompagnant le projet de loi sur la biodiversité. Il doit agir en faveur des abeilles et des pollinisateurs sauvages, directement menacés par les pesticides néonicotinoïdes.
Ces insecticides, agissant notamment sur le système nerveux des abeilles, sont accusés de décimer leurs colonies. Ils ont également de graves effets sur la faune, l’eau et les sols, selon un rapport du Conseil européen des académies des sciences. Le ministère de l’Ecologie prévient même que certaines études prouvent qu’ils seraient toxiques pour l’homme.
L'importance des abeilles
- Les abeilles existent depuis 80 millions d’années.
- Un tiers de notre alimentation dépend de la pollinisation des cultures par les abeilles.
- L’abeille domestique est le pollinisateur le plus efficace du monde
Un plan qui ne va pas assez loin
Ce plan «
France, terre de pollinisateurs » prévoit de généraliser le fauchage tardif et les jachères fleuries aux 12000 kilomètres du réseau routier national géré par l'Etat. Une pratique déjà expérimentée pendant trois ans sur les bordures vertes des accotements routiers et autoroutiers, et qui avait engendré une augmentation de 30% de la diversité des insectes pollinisateurs. Le plan présenté par Ségolène Royal prévoit aussi l’installation de 5000 gîtes à insectes et ruchers en partenariat avec les collectivités.
Quid des pesticides ? Le gouvernement n'a encore pas pris de mesures pour limiter leur utilisation. Mais la France compte sur un engagement de l'UE pour que le moratoire partiel européen, adopté en décembre 2013 sur trois types de néonicotinoïdes, soit étendu à l’ensemble des pesticides néonicotinoïdes.
En attendant, les députés socialistes Delphine Batho et Gérard Bapt ont soumis au Parlement un amendement prévoyant l’interdiction des phytosanitaires de la famille des néonicotinoïdes à compter de janvier 2016. Il a été adopté le 19 mars en première lecture à l’Assemblée nationale, alors que le gouvernement y était opposé.
Delphine Batho, ancienne ministre de l’Ecologie, déplore que le gouvernement n’ait pas décidé un moratoire sur les néonicotinoïdes. Elle se demande même s’il «
n’invente pas une forme d’apartheid écologique » en n’expérimentant son plan que dans certaines zones. Pour elle, le plan «
France, terre de polinisateurs » est un recul par rapport à l'amendement adopté le 19 mars.
Gérard Bapt, quant à lui, estime que cela est une avancée même s’il reste à définir les modalités d’application. Et la bataille pour faire avancer les normes européennes risque d'être longue...
De son côté, l’Unaf a accueilli favorablement les actions annoncées par le gouvernement. Elle attend néanmoins des précisions «
pour évaluer l’ampleur des avancées pour la santé des abeilles » et souhaite s'entretenir avec la ministre à propos de ces mesures.
Comme Ségolène Royale l’a rappelé à l’issue du Conseil des ministres, la valeur de ce qui est produit grâce à l'intervention des pollinisateurs est estimée à 1 milliard et demi d’euros par an.
Mobilisation des Etats-Unis
Dans le même temps, la Maison Blanche a dévoilé, mardi 19 mai, son plan d’action national pour sauver les abeilles et les pollinisateurs en péril. Ces insectes jouent en effet un rôle clé dans la sécurité alimentaire américaine, pour l’environnement ainsi que pour l’économie. L’activité de pollinisation des abeilles représente plus de 15 milliards de dollars par an en récoltes de fruits, fruits à coques et légumes.
Le plan prévoit de limiter la mortalité des colonies d’abeilles à 15% dans les dix ans et de restaurer 2,8 millions d’hectares d’habitat dans les cinq ans.
Ce plan est dégainé une semaine après l'alerte lancée par le Département de l’Agriculture américain sur la perte par les apiculteurs de 42% de leurs colonies d’abeilles en un an. Il s’agit de la deuxième plus mauvaise année en terme de mortalité des abeilles domestiques. En 2012-2013, 45% des colonies américaines avaient été décimées.
Disparition des abeilles domestiques
Depuis 2006, l’Amérique du Nord et l’Europe, subissent la disparition soudaine et inexpliquée de millions d’abeilles domestiques. Pour les scientifiques, plusieurs facteurs seraient responsables de cette hécatombe : les pesticides, dont les néonicotinoïdes, l’acarien varroa, un virus ou encore la diminution des éléments nutritifs disponibles pour les abeilles.
Aujourd'hui, l'abeille des villes bénéficie d'une plus grande variété de fleurs à butiner que l'abeille des champs, confrontée à la monoculture.