Dissuasion nucléaire : la Russie suspend sa participation à l'accord New Start

Le président russe Vladimir Poutine dans son discours annuel à la nation a déclaré que la Russie suspendait sa participation au traité russo-américain New Start sur le désarmement nucléaire. Rappel des principaux points du dernier traité bilatéral signé par les États-Unis et la Russie.
 
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Le président Poutine lors de son discours à la nation ce 21 février 2023 à Moscou.
Le président Poutine lors de son discours à la nation ce 21 février 2023 à Moscou.
© Maxim Blinov, Sputnik, Kremlin Pool Photo via AP
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Dans son discours ce 21 février, Vladimir Poutine a dénoncé le traité New Start (nouveau départ) qui limite les arsenaux nucléaires des deux puissances. Il a aussi appelé les autorités russes à se tenir "prêtes à des essais d'armes nucléaires" si Washington en effectuait en premier.

Voir : La Russie suspend sa participation à l'accord New Start
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Cette déclaration est le point final d'une escalade commencée il y a presque un an. Moscou avait déjà annoncé début août suspendre les inspections américaines prévues sur ses sites militaires dans le cadre de cet accord, assurant agir en réponse aux entraves américaines aux inspections russes aux États-Unis.

Lire : Le Traité de non-prolifération des armes nucléaires peut-il empêcher un cataclysme ?
 
Le chef de la diplomatie américaine, Anthony Blinken a immédiatement réagit depuis Athènes, où il se trouve, jugeant cette décision "décevante et irresponsable" et ajoutant que les États-Unis "surveilleront attentivement pour voir ce que la Russie fait réellement."

Mais qu'est-ce que le traité New Start ? Petit rappel des faits.

"New START" , qui remplace le traité START-1 expiré en 2009, est signé en avril 2010 par Barack Obama et Dmitri Medvedev à Prague. Il est entré en vigueur en février 2011.

D'une durée prévue de dix ans, il peut être prolongé d'année en année pour une durée maximale de cinq ans comme l'explique la Fondation pour la Recherche stratégique. 
 
Obama et Medevev
Barack Obama et Dmitri Medvedev signent le traité New START au château de Prague le 8 avril 2010.
© AP Photo/Alex Brandon, File
Chaque pays accepte l'inspection de ses arsenaux nucléaires et permet de comptabiliser le nombre de missiles intercontinentaux  et intérmédiaires. En 2013, le président Obama avait proposé de réduire bilatéralement d’un tiers les volumes d’armes nucléaires stratégiques déployées.

Lire : Russie-Ukraine : de quoi est constitué l'arsenal nucléaire russe ?

L'accord New Start limite les arsenaux des deux puissances nucléaires à un maximum de 1.550 ogives déployées chacun, soit une réduction de près de 30% par rapport à la limite précédente fixée en 2002. Il limite aussi le nombre de lanceurs et bombardiers lourds à 800, ce qui reste suffisant pour détruire la Terre plusieurs fois.
 
Le traité implique aussi une série d'inspections mutuelles de sites militaires, un pilier de la politique de désarmement dite du "Faites confiance, mais vérifiez", prônée par l'ancien président américain Ronald Reagan.

Mis sur pause pendant la présidence Trump

Les négociations en vue du renouvellement du traité avaient été dans l'impasse pendant toute la présidence de Donald Trump, qui voulait voir la Chine, autre puissance nucléaire majeure, être incluse dans les restrictions des arsenaux.
 
Pendant la présidence de Donald Trump, les États-Unis s'étaient aussi retirés avec fracas de deux traités internationaux majeurs: l'accord sur le nucléaire iranien et le traité russo-occidental "Ciel Ouvert" de surveillance aérienne. Ce dernier avait été dénoncé par Moscou dans la foulée.
 
Washington avait aussi dénoncé l'important traité de désarmement sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF), signé lors de la Guerre froide avec Moscou.
 
En mars 2020, les inspections s’étaient interrompus par les deux parties à cause de la pandémie de Covid-19.

Prolongé par Biden jusqu’en 2026

Moscou et la nouvelle administration de Joe Biden avaient trouvé un accord in extremis en janvier 2021 pour prolonger New START de cinq ans, jusqu'au 5 février 2026, dans un climat de grande défiance mutuelle.
 
Avant même l'invasion russe de l'Ukraine le 24 février 2022, les relations entre Moscou et Washington étaient à un plus bas depuis la fin de la Guerre froide, entre désaccords persistants sur un nombre croissant de dossiers internationaux, accusations d'ingérence électorale, d'espionnage et vague massive de cyberattaques.

RE(voir) : Ukraine : la menace d'un "Armageddon" nucléaire est-elle crédible ?
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L'accord de prolongation avait été promptement ratifié par le Parlement russe, puis validé par Washington.

Arrêt des inspections

Le 9 août 2022, la Russie avait annoncé suspendre les inspections américaines prévues sur ses sites militaires dans le cadre du traité, assurant agir en réponse à des entraves américaines aux inspections russes similaires aux États-Unis.
 
Alors que le ton était un peu retombé à propos des menaces d'une frappe nucléaire de la Russie dans sa guerre contre l'Ukraine, une réunion avait été prévue du 29 novembre au 6 décembre 2022 au Caire pour discuter d'une possible reprise des inspections.
 
Mais la veille de la réunion, Moscou avait annoncé son report sine die, accusant Washington d'"hostilité" et de "toxicité".
 
Le 1er février 2023, la Russie avait accusé les États-Unis d'avoir "détruit le cadre juridique" du traité. Le point final est apporté ce 21 février par Poutine.

Cependant, le ministère des Affaires étrangères russe déclare ce soir dans un communiqué que la "Russie entend conserver une approche responsable et continuera, pendant la durée de vie du traité, à respecter strictement les limites quantitatives des armes stratégiques offensives".