Fil d'Ariane
Ecrivaine, femme politique, militante, féministe la Québécoise Djemila Benhabib mène depuis longtemps un combat contre l'islamisme radical. Née en Ukraine, elle a grandi en Algérie puis est partie étudier au Québec où elle s'est aussi engagée en politique.
Son premier ouvrage Ma vie à contre-Coran a été maintes fois récompensé. Aujourd'hui elle publie un essai intitulé Après Charlie dans lequel elle explique que le journal satirique a été victime d'un assassinat politique avant l'attentat perpétré par les frères Kouachi qui a décimé la rédaction en janvier 2015.
Dans l'entretien qu'elle a accordé à TV5MONDE, Djemila Benhabib réaffirme aussi ce pour quoi elle se bat : la laïcité et la démocratie. Elle explique sur notre plateau : "lorsque la démocratie recule, le vide est rempli par une espèce de barbarie qui nous frappe, qui assassine le monde... ".
Elle explique que les démocraties occidentales ont cru pouvoir rester en dehors de l'"islam politique": "nous faisons face à une internationale islamiste. La contagion islamiste. Il ne s'agit pas des musulmans mais il s'agit d'une posture bien précise celle de l'islam politique qui commence avec les frères musulmans, qui est portée par l'Arabie saoudite mais pas seulement... C'est ça, l'islam politique. Ce sont ces États, ces organisations islamiques à travers le monde qui ont semé cette contagion. Pendant longtemps, les démocraties occidentales ont pensé qu'elles seraient très très loin de cette contagion. Or on voit à travers le terrorisme, et pas seulement, que cette contagion rattrape aussi les démocraties occidentales. Donc il va falloir porter un regard nouveau et regarder le monde tel qu'il est et penser à le renouveler."
Elle a également répondu, pour notre site internet, à cette question de la préservation de la démocratie et également à celle de la place des femmes dans la lutte contre l'islamisme.
Je ne pense pas que l'état d'urgence est contraire à la démocratie. La démocratie, c'est d'abord, et avant tout, la préservation de notre sécurité, qu'elle soit individuelle ou collective. La première liberté, c'est la sécurité.
Aujourd'hui, si une guerre nous est déclarée, autant une guerre ouverte qu'une guerre insidieuse, la République doit être forte, doit réagir dans le cadre, bien entendu, de l'Etat de droit. Il ne s'agit pas du tout de défaire l'Etat de droit mais de se prémunir et de mettre en place toute une série de mesures pour répondre à la question sécuritaire, mais pas seulement.
On réalise que la démocratie c'est très précieux mais en même temps très fragile.
Djemila Benhabib
La guerre qui nous est déclarée est civilisationnelle, multidimensionnelle. On attaque autant les gens qui s'installent sur les terrasses, que les enseignants, que l'école républicaine. C'est cela aussi qu'il faut aussi protéger.
Mais la protection à elle seule ne suffit pas. Il faut aussi construire un projet porteur d'idées qui soient audibles dans des franges particulières de notre population. C'est-à-dire faire vivre l'égalité, faire vivre l'altérité ; expliquer en quoi la liberté d'expression nous est très chère en démocratie ; expliquer en quoi l'homosexualité est aussi une façon généreuse de concevoir la société dans laquelle on vit ; la liberté de conscience ; la laïcité.
Il faut revenir à des fondamentaux qui se sont perdus en cours de chemin parce qu'on a l'impression que tout est acquis. Or on réalise que la démocratie, c'est très précieux mais en même temps très fragile.