Fil d'Ariane
L'offensive lancée contre Israël le 7 octobre 2023 a été initiée par la branche armée du Hamas et le mouvement islamiste est, depuis, sous le feu des projecteurs. Un autre groupe est pourtant également impliqué dans les combats : le Djihad islamique palestinien.
Des combattants du Jihad islamique palestinien (JIP), le 4 octobre 2023 à Gaza.
Mardi 17 octobre 2023 au soir, l'hôpital Ahli Arab de Gaza est frappé. Le bilan est lourd. Les services de secours palestiniens parlent de près de 500 morts. Rapidement, les regards se tournent vers l'armée israélienne qui mène sur le territoire palestinien une sévère opération de représailles après l'attaque meurtrière subie le 7 octobre. Israël, soutenue par le président américain Joe Biden en visite dans la région, écarte toutefois cette hypothèse et désigne un coupable : le Djihad islamique palestinien, qui aurait donc commis une effroyable bavure. Alors que, depuis le début des combats, les yeux sont rivés sur le Hamas et sa branche armée, l'accusation israélienne remet dans la lumière le rôle du Jihad islamique.
Le mouvement voit le jour au tout début des années 1980. Il est fondé par deux Palestiniens, Fathi Shaqaqi, né en 1951 et qui sera assassiné en 1995 par les services de renseignement israéliens, et Abdelaziz Awda, né en 1950 à Jabaliyah dans la Bande de Gaza. Lui est toujours vivant et est activement recherché par le FBI, la police fédérale américaine. Les deux hommes ont fait leurs études en Egypte où ils ont rejoint la puissante confrérie des Frères Musulmans.
Mais à l'orée des années 80, leurs regards sont davantage tournés vers Téhéran. La Révolution islamique de l'Ayatollah Khomeini les inspire. Ils reprochent, en outre, aux Frères musulmans de ne pas s'intéresser à la cause palestinienne et de faire globalement preuve de tiédeur. Cette double orientation, Frères musulmans et révolutionnaire à l'iranienne, fait du Djihad islamique palestinien un mouvement hybride, selon les termes du journal français Le Figaro, qui explique : "C'est un mouvement islamo-nationaliste d’obédience sunnite (...) Ses fondateurs reprennent à leur compte les idéaux révolutionnaires et théocratiques chiites adoptés lors de la révolution iranienne de 1979 qui a établi un régime islamique". D'ailleurs, souligne la chercheuse Leïla Seurat dans un entretien accordé au Monde en 2022, "s’il est idéologiquement proche de l’Iran, le Djihad islamique insiste sur la nature sunnite de son organisation. Alors que certaines sources évoquent les conversions au chiisme de ses membres, ses dirigeants prennent régulièrement soin de clarifier les choses : un chiite ne peut officiellement pas faire partie de l’organisation, qui reste d’obédience sunnite, même si des ponts sont possibles".
Contrairement au Hamas, le Djihad islamique n’a aucune velléité d’exercice du pouvoir politique. Leïla Seurat, chercheuse
Dans ce même article, la chercheuse Leïla Seurat pointe, par ailleurs, une autre motivation des fondateurs du JIP à sa création : un rejet de l'OLP, l'Organisation de Libération de la Palestine de Yasser Arafat dont ils refusent l'approche séculariste, c'est à dire séparant politique et religion.
C'est une autre particularité du Djihad islamique. Son mode d'action exclut la politique et ne s'appuie que sur la lutte armée, à travers une branche militaire, les Brigades Al-Qods.
Si la proximité idéologique avec le Hamas est réelle, les deux organisations diffèrent néanmoins sur ce point. Depuis le 7 octobre 2023, on a tendance à oublier que le Hamas (créé lors de la première Intifada, en 1987) est un parti politique doté d'une branche armée, les Brigades Al-Qassam. Le Djihad islamique, lui, ne s'exprime officiellement que par les armes. Là où, initialement, le Hamas se présentait surtout comme un mouvement d'opposition à l'OLP de Yasser Arafat, le Djihad islamique n'a pour sa part qu'un ennemi : Israël dont il rejette l'idée même d'existence. "Contrairement au Hamas, le Djihad islamique n’a aucune velléité d’exercice du pouvoir politique", explique la chercheuse Leïla Seurat dans les colonnes du Monde.
Le think tank américain Council on foreign relations résume ainsi en 2008 : " Le Djihad islamique palestinien veut rétablir un État palestinien islamique souverain avec les frontières géographiques de la Palestine sous mandat d’avant 1948. Le JIP prône la destruction d’Israël par des moyens violents (...) Il rejette tout arrangement à deux États dans lequel Israël et la Palestine coexisteraient". Le mouvement a ainsi rejeté l'accord d'Oslo signé en 1993 entre Israël et l'autorité palestinienne.
Le Djihad islamique bénéficie du même sponsor étatique que le Hamas, l'Iran. Cela lui vaut une proximité avec un autre important ennemi régional d'Israël, le Hezbollah chiite libanais. En mars 2023, tout juste réélu à la tête du JIP, son chef Ziad al-Nakhala était d'ailleurs au Liban pour y rencontrer Hassan Nasrallah, le leader du Hezbollah. Selon la presse libanaise, les deux hommes avaient alors assuré "poursuivre le dialogue et la coopération entre leurs deux partis dans ce qui renforce la coalition et la confrontation de l'ennemi israélien".
Outre le soutien iranien, le Djihad islamique palestinien peut également s'appuyer sur la Syrie qui abriterait certains de ses dirigeants, dont son chef Ziad al-Nakhala, 70 ans.
Ziyad Al-Nakhaleh, le leader actuel du Jihad islamique palestinien, en 2014 au Caire (Égypte)
Sur le terrain, ses effectifs sont bien moindres que ceux du Hamas. Le mouvement revendique 8000 combattants contre 20000 pour les Brigades Al-Qassam. Ses actions peuvent toutefois être spectaculaires. En 2022, des combats entre le JIP et Israël avaient fait 260 morts côté palestinien et une quinzaine en Israël, dont des civils.
Le JIP est considéré en Europe et aux États-Unis comme une organisation terroriste. Une accusation qui vise également son chef, Ziad al-Nakhala. Toutefois, rappelait Leïla Seurat en 2022, "le mouvement bénéficie d’une popularité très importante auprès de la population palestinienne, non seulement à Gaza – n’étant pas au pouvoir, le JIP n’a pas pâti de la dépréciation de son image, à l’instar du Hamas –, mais aussi en Cisjordanie".