Hôpital Al Shifa, en plein centre de Gaza ville. Il est 11 heures du matin mais le Docteur Mads Gilbert, comme ses confrères palestiniens, ne compte plus ses heures depuis plusieurs jours. Pourtant il prend le temps d’expliquer ce qu’il vit aux journalistes.
Le médecin volontaire vient de Norvège. Voilà des années qu’il vient en Palestine assister ses amis palestiniens. « Par solidarité ».
Le Dr Mads Gilbert et son collegue Issam (Photo CB)
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" Gaza compte 1,7 millions d’habitants, dont presqu’un million est âgé de moins de 18 ans. Quand l’armée israélienne bombarde Gaza, ils bombardent une prison à ciel ouvert pleine d’enfants ". Souriant malgré tout, le docteur Mads Gilbert attrape par l’épaule son ami de 15 ans, le docteur Issam lorsqu’on veut le prendre en photo. Pas question de récolter les lauriers tout seul. " Ils sont très courageux et compétents, ils font un travail extraordinaire ici. Ce sont des héros. Malheureusement, à cause du blocus imposé à Gaza et du siège actuel, les conditions de travail sont impossibles ".
Mads Gilbert est anesthésiste. Il nous montre les seringues déjà prêtes dans la poche de sa blouse : " Voilà comment on travaille dans l’urgence, il faut pouvoir anesthésier tout de suite. Je pique et Issam commence à opérer sur le champ. "
Il nous entraîne vers la salle de soins intensifs. Dans le hall, des dizaines de familles attendent, les traits tirés. Nous passons les lourdes portes qui les séparent de leurs proches. Les équipes médicales semblent débordées. Les visages sont tendus, les sourires de bienvenues tristes. En entrant dans la salle de réanimation, on est d’abord choqués par la gravité des blessures.
Les visages de cette guerre
Fouad, 5 ans, a “très peu de chances de s'en sortir“ selon le Dr. Gilbert (Photo CB)
Lundi matin, une raid aérien a pulvérisé une maison de civils. Deux jeunes de 20 ans et un enfant de 4 ans, tous de la même famille, sont morts. " On a réussi à sauver Mohamad, Fouad et Fatima. Mais on ne sait pas si ils tiendront le coup. " La petite Fatima a pu être transférée en Egypte. Ses deux frères encore en vie sont restés à l’hôpital Al Shifa.
Mohamad a 11 ans. Sa blessure à la tête nécessiterait un scanner complet. Cela fait des semaines que l’hôpital attend l’équipement, bien avant le début de l’offensive. Mais ils n’ont toujours rien reçu. A cause du blocus. Le Docteur Gilbert répète, en tenant la main du petit garçon : " Voilà le visage de cette guerre. Des enfants dans le coma. Qu’on n’a même pas les moyens de soigner. " Il continue de parler en se dirigeant vers le lit d’à côté ou le petit Fouad, 5 ans, semble encore plus gravement touché. Ses jambes s’agitent toutes seules. "C’est son cerveau qui est très abîmé. Il a très peu de chances de s’en sortir. "
" Quand ils bombardent des maisons civiles, elles s’écroulent, et c’est comme un tremblement de terre. Donc on a des blessures similaires à celles que génèrent les tremblements de terre. Sauf que ce ne sont pas des tremblements de terre. C’est planifié, et exécuté par des hommes. Par le gouvernement israélien en l’occurrence. "
Mads Gilbert lance un appel au secours : " J’en appelle à la communauté internationale, il FAUT mettre fin immédiatement à ces bombardements. On fait face à une situation humanitaire gravissime ici. "
Mise à jour mercredi 18h TU : Caroline Bourgeret nous informe que le jeune Fouad a pu être transféré vers un hôpital égyptien.