Fil d'Ariane
Visé par 37 chefs d'accusation pour son rôle présumé dans la rétention de documents secrets, Donald Trump a plongé les États-Unis dans des eaux inconnues : voir un candidat briguer la Maison Blanche après inculpation, voire condamnation.
Dans sa campagne de reconquête de la présidence, le milliardaire républicain a d'emblée écarté l'idée qu'il pourrait jeter l'éponge face aux inculpations dont il fait l'objet.
AP Photo/Evan Vucci
Visé par 37 chefs d'accusation pour son rôle présumé dans la rétention de documents secrets, Donald Trump a plongé les États-Unis dans des eaux inconnues: voir un candidat briguer la Maison Blanche après inculpation, voire condamnation.
Dans sa campagne de reconquête de la présidence, le milliardaire républicain a d'emblée écarté l'idée qu'il pourrait jeter l'éponge face aux inculpations dont il fait l'objet -- préférant plutôt en attribuer la faute à des adversaires politiques "corrompus" désireux de fausser les élections.
Une telle tactique "ne va probablement pas faire pencher la balance pour les électeurs indécis, mais galvanisera les partisans de Trump qui pourraient vaciller ou penser à soutenir un candidat avec moins de casseroles", analyse pour l'AFP Matt Shoemaker, un expert en sécurité nationale et ancien agent du renseignement.
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Tant dans l'affaire des archives de la Maison Blanche que celle à New York de l'achat du silence d'une actrice de films X, les procureurs espèrent que Donald Trump sera jugé avant que les électeurs américains ne se rendent aux urnes en novembre 2024.
Rien n'est moins sûr cependant.
Et en cas de nouvelle victoire électorale, le tempétueux milliardaire pourrait tenter de se gracier lui-même, ce qui déclencherait une crise constitutionnelle sans précédent.
Il n'aurait toutefois que peu d'influence sur les poursuites non-fédérales, et son souci plus immédiat demeure les conséquences de tous ces déboires judiciaires sur sa campagne pour les primaires républicaines.
Les concurrents directs de Donald Trump dans la course à l'investiture du parti conservateur -- son ancien vice-président Mike Pence et le gouverneur de Floride Ron DeSantis, entre autres -- auraient pu profiter de son inculpation, annoncée jeudi, pour le décrire comme inapte aux fonctions de commandant en chef.
Mais ils auraient ainsi risqué de se mettre à dos les fervents partisans de l'ex-président, qui rejettent les accusations à son encontre, et se sont donc contentés de crier à l'injustice à ses côtés.
Par conséquent, les rivaux du milliardaire "espèrent que Trump sera éliminé de la course (à l'investiture) par une série d'inculpations", explique le politologue Larry Sabato, de l'université de Virginie.
Car Donald Trump fait également l'objet d'une enquête fédérale pour son rôle dans l'assaut contre le Capitole, le 6 janvier 2021. Et certains médias américains avancent que l'ex-président pourrait être inculpé notamment d'extorsion en Géorgie pour ses tentatives présumées de renverser les résultats de l'élection présidentielle de 2020 dans cet Etat du sud du pays.
"C'est tout. C'est leur stratégie... Ils ne vont rien faire", poursuit Larry Sabato à propos des concurrents de l'ex-président à la primaire.
Dans l'affaire de la gestion par Donald Trump des archives de la Maison Blanche, l'acte d'inculpation contre lui -- rendu public vendredi -- comporte 37 chefs d'accusation, dont ceux de "rétention illégale d'informations portant sur la sécurité nationale", d'"entrave à la justice" et de "faux témoignage".
A New York, il avait été inculpé notamment de fraudes comptables.
Seule la moitié des personnes interrogées lors d'un récent sondage de l'institut YouGov estimait que falsifier des documents comptables pour acheter le silence d'une actrice pornographique à propos d'une supposée liaison constituait une infraction grave.
Mais deux-tiers des sondés considéraient en revanche qu'avoir emporté des documents estampillés secret défense de la Maison Blanche et entravé les tentatives des autorités de les récupérer représentait bel et bien une telle infraction grave.
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Chez les républicains, ils étaient respectivement 28% et 42% à penser de même; des chiffres non-négligeables qui laissent penser que la campagne de Donald Trump pour la primaire pourrait se trouver à un point d'inflexion.
Si le gouverneur de Floride Ron DeSantis s'est pour l'instant contenté de commentaires mesurés vis-à-vis des déboires judiciaires de son principal adversaire, les équipes de campagne des deux candidats ont haussé le ton ces dernières semaines.
Et l'ancien gouverneur du New Jersey Chris Christie s'est lancé dans la bataille des primaires cette semaine en promettant de ne pas épargner Donald Trump.
Actuellement deuxième dans les sondages, "DeSantis bénéficierait le plus d'un retrait de Donald Trump, mais il semble considérer qu'ils partagent beaucoup des mêmes électeurs, donc il ne veut pas se les mettre à dos", analyse auprès de l'AFP Shana Gadarian, professeure de sciences politiques à l'université de Syracuse, dans l'Etat de New York.
"Il faudra peut-être que quelqu'un comme Christie mette les pieds dans le plat", dit-elle, précisant que l'ancien gouverneur aurait sans doute intérêt à tenter d'attirer les anciens républicains qui s'étaient détournés du parti en raison de la présidence de Donald Trump.