Donald Trump triomphe aussi devant les juges, mais quid de la justice ?

Donald Trump a remporté sa plus grande victoire juridique jusqu'à présent, lorsque l'avocat spécial Jack Smith a annoncé qu'il demandait le classement des deux affaires fédérales à son encontre. Idem, ce mardi 26 novembre, pour sa condamnation en mai à Manhattan. Analyse de Richard Werly. 

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Donald Trump au gala America First.

Le président élu Donald Trump lors du gala, America First, le 14 novembre 2024, à Mar-a-Lago.

 

 

AP
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Une victoire de plus. Spectaculaire. De nature à convaincre encore plus ses électeurs, et surtout ses soutiens politiques et financiers, à moins de deux mois de son investiture comme 47e président des États-Unis, le 20 janvier 2025. Oui, Donald Trump a encore gagné, triomphé même, lorsque le procureur spécial Jack Smith a annoncé, lundi 25 novembre, le report et le quasi-abandon des poursuites engagées contre lui pour sa responsabilité présumée dans l’assaut du Capitole par ses partisans, le 6 janvier 2021.

Trump, depuis les faits, niait les évidences et le contenu du rapport de la Commission d’enquête du Congrès publié en décembre 2022. Il continuait au contraire d’évoquer ces moments sombres de la démocratie américaine comme «a day of love» (un jour d’amour).

Le «Président élu» a-t-il toutefois démontré son innocence? A-t-il été acquitté? Non. Au contraire. Dans une autre affaire, celle de l’argent versé (et non déclaré) à l’ex-star du porno Stormy Daniels, Donald Trump a même été le premier ancien président des États-Unis à être condamné, le 31 mai 2024, par un tribunal correctionnel. Sauf que dans ce dossier aussi, son élection du 5 novembre a obligé les juges à renoncer à l’énoncé de la peine, qui devait intervenir ces jours-ci. Le juge de New York Juan Merchan a, ce mardi 26 novembre, ajourné celle-ci pour une durée indéterminée. Retour sur une victoire discutable

Donald Trump est élu, pas innocenté
Il ne s’agit pas d’une nuance. Il s’agit de faits et d’application du droit et de la loi. Donald Trump, élu président le 5 novembre, est automatiquement devenu un justiciable pas comme les autres. Il bénéficie de nouveau de l’immunité présidentielle accordée à tous les «présidents élus», même s’il ne sera officiellement investi que le 20 janvier 2025. Ce triomphe est politique. Il n’est pas judiciaire. Le média en ligne «The Hill», qui suit de très près l’actualité politique fédérale, l’a redit ce mardi 26 novembre en ces termes: «En plus de devenir la première personne depuis l’ancien président Grover Cleveland à la fin du XIXe siècle à remporter des mandats présidentiels non consécutifs, la victoire de Donald Trump a également réduit à néant toutes les menaces juridiques qui pèsent sur lui.» Réduit à néant: cela veut dire que la recherche de la vérité s’interrompt.

Donald Trump ne sera plus poursuivi
En théorie, cela n’est pas vrai. Pour l’heure, Donald Trump bénéficie, comme tous ses prédécesseurs, d’une immunité judiciaire totale durant l’exercice de son second mandat qui s’achèvera en novembre 2028, à l’issue duquel il ne pourra pas se représenter. Il est en théorie possible qu’après son départ de la Maison-Blanche, le «président élu» se retrouve en prise à de nouvelles poursuites judiciaires, soit pour les affaires en cours qui viennent d’être reportées, soit pour de nouvelles affaires qui pourraient naître durant l’exercice de ses fonctions. 

La réalité, en revanche, est différente. «Les poursuites pourraient théoriquement être relancées après le départ de Trump note «The Hill». Cela semble toutefois peu probable dans la pratique, compte tenu de la longue pause et du fait qu’il aura 82 ans à la fin de son dernier mandat.» Autre évidence politique selon le média: «Si un autre président républicain succède à Trump, il n’y a aucune chance réelle que de nouvelles poursuites soient engagées.»

Donald Trump a gagné contre les juges
La réponse est oui. Et cette bataille est essentielle pour le «président élu» qui a toujours diabolisé la justice, accusant les procureurs et magistrats désignés pour enquêter et juger ces affaires d’être les instruments d’un complot destiné à stopper sa reconquête de la Maison-Blanche. Trump a fait de la justice, en conséquence, sa cible favorite durant la campagne. C’est pour cela qu’il avait, à la surprise générale, nommé initialement l’élu de Floride Matt Gaetz au futur poste d'«Attorney General», avec pour mission claire de remettre en ordre le Département de la Justice. Gaetz a finalement renoncé le 21 novembre, compte tenu de son implication présumée dans des affaires de trafic sexuel. Trump a aussitôt nommé à sa place une fidèle: Pam Bondi, ancienne procureure générale en Floride.

Donald Trump a déjà commencé sa purge
Le «président élu» s’est, pour l’heure, contenté de nommer ses candidats aux futurs postes clefs de l’administration fédérale. C’est donc le cas de Pam Bondi, une juge réputée en Floride où elle a officié pendant plus de vingt ans. Cette activiste de longue date du Parti républicain remplace Matt Gaetz sur la liste des futurs «ministres» qui devront être confirmés par le Sénat après l’investiture présidentielle. A ses côtés, Trump s’appuiera à la Maison-Blanche sur William McGinley, futur conseiller juridique. Cet avocat de longue date est spécialisé dans les élections. Il est aussi un Républicain convaincu. 

Tout le monde s’attend dès lors au départ de Jack Smith, le procureur spécial qui dirigeait deux enquêtes fédérales: celle sur l’assaut du 6 janvier 2021 contre le Congrès, et celle sur la découverte de documents secrets à Mar-a-Lago, la résidence de Donald Trump en Floride. Dans une autre affaire, celle du paiement effectué par Trump à la star du porno Stormy Daniels, l’exécution de la peine vient d’être ce mardi «indéfiniment ajournée». Et le procureur du district de Manhattan, Damian Williams, vient de démissionner. Trump avait juré de le remplacer.

Donald Trump, plus «victime» que jamais

Les affaires judiciaires étaient un poison pour Donald Trump car elles lui coûtaient des sommes phénoménales pour payer son armée d’avocats. Ce fardeau financier éliminé, le «président élu» va maintenant pouvoir expliquer à ses électeurs, et au peuple américain, que toutes ces procédures étaient un complot destiné à le faire taire. Sa stratégie de victimisation sort renforcée. 

Encore une fois, et il faut le redire: Donald Trump n’a été condamné qu’une seule fois dans les affaires liées à ses activités politiques: pour n’avoir pas déclaré dans ses comptes de campagne la somme versée en 2016 à l’actrice Stormy Daniels, après une relation sexuelle consentie. Restent que les poursuites étaient engagées. Trump était accusé. Il ne l’est plus.