Economie en 2013 : faut-il être optimiste ou pessimiste ?

Il y a ceux qui annoncent le pire et voient la fin de la zone euro, l'écroulement de l'économie américaine, et d'autres qui pensent au contraire que 2013 sera une année de reprise pour la France ou les Etats-Unis, faite d'un assainissement des finances publiques couplé à des réformes qui nous sortiront de l'ornière. Analyses contradictoires.
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Economie en 2013 : faut-il être optimiste ou pessimiste ?
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Les visions sur l'avenir économique des grandes puissance comme la France ou les Etats-Unis ne sont pas, en ce début d'année 2013, univoques : si les partis politiques à la gauche du PS dénoncent l'austérité créatrice de chômage et de récession, les partisans d'une "sociale démocratie réformatrice" annoncent pour leur part une reprise possible de l'économie soutenue par des pactes de compétitivité, réformes du marché du travail et l'assainissement des finances publiques. Qui croire et avec quels arguments, quand le taux de chômage français est à 10,3% et ne cesse d'augmenter, que la dette américaine a atteint 100% menant la plus puissante économie au monde au bord de la falaise budgétaire tandis que la récession en Europe n'est toujours pas endiguée ?

Les pessimistes : tout est de la faute du TSCG

Selon les pessimistes, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) qui institue une règle d'or ne peut que nous mener à notre perte : l'austérité budgétaire est facteur de baisse de croissance, ne fait qu'empirer la situation en Europe depuis qu'elle est appliquée. Le chômage explose dans les pays du sud de la zone euro (Grèce, Espagne, Portugal), la récession s'installe de façon durable dans une grande partie des pays membres de l'Union alors que les dirigeants de la zone euro ne cessent de clamer haut et fort que la seule voie envisageable est celle de l'assainissement des finances publiques par la réduction des dépenses des Etats. La gauche unitaire, convaincue de la dangerosité du TSCG et des politiques de réduction des déficits publics imposées par le traité a marqué son désaccord à l'aide de ce petit clip explicatif du TSCG, très orienté, mais très parlant :
Il faudrait, selon les "pessimistes", au contraire d'une politique de réduction des dépenses, investir massivement pour relancer l'économie de façon concertée. La politique de François Hollande est faite d'un compromis qui dit vouloir atteindre un déficit de 3% (au lieu d'un peu plus de 4,5% actuellement) fin 2013 tout en relançant l'économie par un "pacte de compétitivité". Cette orientation ne satisfait pas les pessimistes qui voient là une politique calquée sur celle de la la troïka (BCE, FMI, Commission européenne), politique qui selon ces mêmes pessimistes a démontré son inefficacité depuis des années. Cette revue de presse télévisuelle est un réquisitoire sans pitié des "recettes" de lutte contre la crise économique qui réunit des économistes ou intellectuels comme Jacques Sapir, Emanuel Todd, HenriSterdyniak. L'optimisme n'est pas au rendez-vous, c'est le moins qu'on puisse dire :
27.12.2012
L'Europe, mais aussi les Etats-Unis semblent donc condamnés à s'enfoncer dans une crise de plus en plus grave, avec des Etats de moins en moins en mesure de financer leurs services publics : les pessimistes prédisent un éclatement de la zone euro, la faillite de certains Etats, un écroulement de l'économie américaine, pas moins. L'année 2013, à les entendre, sera l'année de trop si aucune politique alternative à celle du TSCG et de la troïka n'est mise en place…

Les optimistes : tout passe par les réformes

Philippe Aghion, économiste, enseignant à l'université Harvard ainsi qu'à l'École d'économie de Paris, auteur en 2012 de "Repenser l'Etat" (en encadré), est lui très optimiste et ne voit pas l'économie américaine s'effondrer : "Je pense qu'on va aller vers une certaine reprise, mais il y a des gens qui voient les choses autrement, comme Robert J. Gordon, par exemple, un économiste américain qui pense que la vague technologique a épuisé ses effets, et qu'on ne reviendra jamais au taux de croissance du milieu des années 90 et 2000. Moi, je pense que cette vague technologique a amélioré la technologie pour produire des idées. Tout est accéléré durablement, la technique de production des idées a tout changé, on ne reviendra pas en arrière. Sur le long terme, c'est économiquement très positif." L'endettement américain de 100% du PIB n'est pas non plus un problème central selon l'économiste : "tant qu'ils (les Etats-Unis NDLR) sont une économie très productive et innovante, ils auront des capitaux qui viendront chez eux. Donc ils doivent réduire un peu leur dette, mais ce n'est pas un très gros problème". Sur la France : "Il faudrait une fiscalité à la scandinave, juste et incitative, pour ne pas décourager l'innovation", pense Philippe Aghion, qui avoue avoir "beaucoup poussé pour le pacte de compétitivité". La vision de l'économiste face à l'austérité imposée par le TSCG se veut optimiste puisque "si la France s'engage à effectuer des réformes structurelles, Bruxelles est prête à lui permettre un dépassement des 3% de déficit" : le jeu est donc de laisser entendre que la France tiendra des objectifs pour ne pas faire grimper les taux d'intérêt tout en faisant des efforts sous forme de réformes sachant que les 3% ne seront pas atteints. La compétitivité est au centre de l'optimisme de Philippe Aghion qui voit là l'issue à la crise économique en France grâce un "engagement dans des réformes, ce qu'a promis le président Hollande dans ses vœux. La réduction des dépenses publiques est très importante parce qu'elle va stabiliser la fiscalité qui a été particulièrement élevée cette année. Cet engagement de réduction du déficit permet aussi à la France d'emprunter à des taux très bas".
Economie en 2013 : faut-il être optimiste ou pessimiste ?
François Hollande lors du traditionnel discours des vœux à la nation, le premier janvier 2013
Autant d'optimisme économique pour l'année à venir en est presque troublant et il est difficile de croire qu'une simple réduction des dépenses publiques alliée à des réformes  même significatives pourraient remettre sur pieds un pays dont la croissance prévue pour le premier semestre 2013  est de 0,1%, avec un chômage toujours croissant et une industrie déclinante. Mais l'enseignant de Harvard précise sa pensée au sujet des réformes, seule issue à une sortie de crise possible, selon lui : "Il y a quatre piliers de réformes : la compétitivité qui a commencé à être mise en œuvre avec les 20 milliards d'euros "d'aide" aux entreprises, la réforme fiscale, la réforme de l'Etat et la réforme du marché du travail. Le président s'est engagé à effectuer toutes ces réformes. Pour l'Etat, l'idée n'est pas de le réduire mais de lui faire faire autre chose. Pour le marché du travail par exemple, la "flexisécurité" appliquée au Danemark fonctionne très bien : on facilite les licenciements pour les entreprises (avec des bonus-malus) mais en échange, les salariés ont droit à un chômage à 90% sur une durée de 4 ans. Il faut toujours un Etat très fort, mais autrement : ce n'est plus l'Etat providence d'autrefois, mais plutôt un Etat stratège".

Rendez-vous…le premier janvier 2014

Il sera possible de savoir qui des pessimistes ou des optimistes avaient raison…dans un an : si la Chine, moteur mondial d'une croissance occidentale au point mort reprend des couleurs comme semblent le démontrer les derniers indicateurs, suivie d'une reprise de la consommation et de la croissance américaine, accompagnées par des investisseurs moins frileux dans une Europe plus compétitive, les optimistes pourraient peut-être bien l'emporter. Au moins un tant soit peu. Ou bien, au contraire, des Etats occidentaux surendettés, pris dans le cercle vicieux de l'austérité et de la croissance au point mort, voire "négative", avec des populations de plus en plus paupérisées et une grogne sociale de plus en plus grande…? Reste une dernière solution : que la crise économique actuelle ne soit pas seulement une "mauvaise passe" demandant des réformes et des efforts, mais une crise systémique. Ce qui voudrait dire que seul un changement radical de système économique, et certainement politique pourrait modifier la donne. Sans quoi tout ne fera qu'empirer. Au grand dam des optimistes. Donnant raison aux pessimistes. Mais qui serait prêt à changer de système si tel était le cas ?

Philippe Aghion

Philippe Aghion
Economiste, il enseigne actuellement à l'université Harvard et à l'École d'économie de Paris. Ses travaux de macroéconomie ont principalement porté sur les concepts d'innovation et de croissance. Il est membre du Conseil d'analyse économique (CAE). Il a fait partie de la Commission pour la libération de la croissance française, dite Commission Attali, dont le rapport a été rendu le 23 janvier 2008 au président Nicolas Sarkozy. Philippe Aghion est l'un des conseillers en économie de François Hollande.(source : Wikipédia )

Repenser l'Etat

Pour une social-démocratie de l'innovation
Philippe Aghion, Alexandra Roulet
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