L'indépendantiste Humza Yousaf a été formellement élu Premier ministre de l'Ecosse ce 28 mars lors d'un vote au Parlement local, devenant son premier dirigeant issu de l'immigration et musulman.
Agé de 37 ans, Humza Yousaf a été le 27 mars à la tête du parti indépendantiste écossais (SNP) majoritaire, à l'issue d'un scrutin interne déclenché par la démission surprise de Nicola Sturgeon le mois dernier après huit ans en poste.
(RE)voir : Ecosse : la Première ministre Nicola Sturgeon démissionne
Humza Yousaf, dont les grands-parents paternels ont quitté le Pakistan pour Glasgow il y a 60 ans, prendra formellement ses fonctions demain après avoir été officiellement nommé à ce poste par mandat royal et prêté serment devant la Court of Session, la cour suprême écossaise.
"C'est un jour de fierté pour moi et ma famille, et j'espère que c'est aussi un jour de fierté pour l'Ecosse, car il en dit long sur nos valeurs", s'est réjoui avec émotion Hamza Yousaf juste après le vote.
"Difficile à remplacer"
Il prend le pouvoir au moment où le combat pour l'indépendance semble au point mort, ravivant les divisions au sein du SNP et aiguisant les appétits des conservateurs, au pouvoir à Londres, et de l'opposition travailliste.
Face aux députés, il a rendu hommage au Parlement à Nicola Sturgeon, qui avait officiellement adressé ce 28 mars sa lettre de démission à Charles III.
"Elle sera difficile à remplacer", a-t-il affirmé, promettant de
"continuer à veiller à ce que l'Ecosse ait une voix progressiste sur la scène mondiale".
Sa tâche s'annonce ardue, soulignent les journaux britanniques. The Telegraph estime que le départ de la charismatique Nicola Sturgeon signe
"la fin de la période héroïque" du parti indépendantiste.
Après sa victoire, Humza Yousaf, jusqu'alors ministre de la Santé, a promis de faire partie de
"la génération qui obtiendra l'indépendance", soulignant que
"le peuple" écossais a
"besoin de l'indépendance dès maintenant, plus que jamais".
Un Premier ministre atypique
Dans son discours le 27 mars, il a souligné que ses grands-parents paternels n'auraient pas imaginé
"dans leurs rêves les plus fous", quand ils sont arrivés à Glasgow dans les années 1960, parlant à peine anglais, que leur petit-fils devienne Premier ministre écossais:
"Nous devrions tous être fiers d'avoir envoyé aujourd'hui un message clair: que la couleur de votre peau ou votre foi n'est pas un obstacle à diriger le pays que nous considérons tous comme le nôtre." Humza Yousaf est issu de la petite bourgeoisie. Son père, comptable, a pu se permettre d'envoyer son fils dans l'un des plus prestigieuse écoles privées de Glasgow, la même que le travailliste Anas Sarwar.
Humza Yousaf devient le premier chef de gouvernement de confession musulmane de ce territoire à la large autonomie, une situation inédite en Europe occidentale.
Il vient ainsi grossir les rangs des dirigeants politiques au Royaume-Uni dont les ancêtres viennent d'anciennes colonies de l'empire britannique.
Au Parlement écossais, Humza Yousaf fera face au chef du file des travaillistes écossais Anas Sarwar, comme lui d'origine pakistanaise.
Tous deux faisaient toutefois figure d'exception. Humza Yousaf a raconté les injures islamophobes qui l'ont visé après les attentats du 11 septembre 2001.
Quelle Ecosse ?
La cause indépendantiste, relancée par le Brexit auquel les Ecossais se sont massivement opposés, semble dans l'impasse. La Cour Suprême britannique a récemment opposé une fin de non recevoir aux velléités de Nicola Sturgeon d'organiser un nouveau référendum, après la victoire du
"non" en 2014.
À Londres, le ministre chargé de l'Ecosse Allister Jack, tout en félicitant Humza Yousaf, l'a appelé à
"mettre de côté son obsession pour l'indépendance pour se concentrer sur son travail avec le gouvernement britannique pour améliorer la vie des Ecossais".
Le gouvernement écossais est compétent sur de nombreux sujets dont l'éducation, la santé et la justice.
"Mauvaise direction"
Selon un sondage YouGov du 13 mars, 46% des personnes interrogées se prononcent pour l'indépendance (contre 50% le mois dernier). En incluant les indécis, la proportion chute à 39%.
Humza Yousaf
"doit s'assurer qu'il mène et redynamise la campagne pour l'indépendance, que nous ayons une discussion sur le type de pays que l'Ecosse devrait devenir", estime Ian Blackford, ancien chef des députés du SNP au Parlement britannique, sur Sky news.
Outre ce dossier majeur pour l'avenir du Royaume-Uni, dont les divisions entre ses quatre nations constitutives (Angleterre, Ecosse, Pays de Galles et Irlande du Nord) ont été aggravées par le Brexit, Humza Yousaf va devoir convaincre les Ecossais que le SNP peut résoudre leurs problèmes.
Selon un sondage Ipsos publié ce 28 mars, la moitié d'entre eux jugent que l'Ecosse
"va dans la mauvaise direction" et que le gouvernement a fait
"du mauvais travail" en matière de santé, d'éducation ou d'évolution du niveau de vie.
Le nouveau dirigeant incarne la continuité, avec des positions progressistes sur les questions de société et ancrées à gauche sur l'économie, souhaitant par exemple augmenter les impôts des plus riches en Ecosse, qui compte 5,5 millions d'habitants.
Il soutient aussi la loi controversée facilitant le changement de genre, qui a été bloquée par Londres et qui a mis en difficulté Nicola Sturgeon.
Mais l'élection, que Humza Yousaf n'a pas remportée avec une importante avance sur sa rivale plus conservatrice, a montré
"à quel point les changements sont nécessaires", estime The Guardian.