Égypte : c'est la France qui fournit les moyens de répression

La France a livré depuis cinq ans à l'Égypte des armes, des machines et des systèmes de surveillance que le régime du président al-Sissi utilise pour "écraser le peuple égyptien", dénoncent plusieurs ONG de défense des droits de l'homme françaises et égyptienne. Le ministre égyptien de la Défense se trouve actuellement en visite à Paris.
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Sissi
Le président Abdel-Fattah el-Sissi reçu à l' Hotel des Invalides de Paris le 24 octobre 2017.
(Photo Charles Platiau, Pool via AP)
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La concommitence n'est évidemment pas fortuite. Alors que le ministre égyptien de la Défense Mohamed Zaki se trouve à Paris en visite officielle pour "renforcer la coopération conjointe", trois organisation de défense des droits humains viennent un peu gâcher la fête par la publication, le même jour, d'un document embarassant..

 
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Le coq gaulois, les pieds dans le sang ; dessin de la campagne FIDH
Dans un rapport commun de 64 pages publié lundi, la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), le Cairo Institute for Human rights studies (CIHRS), la Ligue des droits de l'homme (FDH) et l'Observatoire des armements (OBSARM) assurent que "l'État français et plusieurs entreprises françaises ont participé à la sanglante répression égyptienne des cinq dernières années".
 
...la mise en place d'une architecture de surveillance et de contrôle orwellienne, utilisée pour briser toute velléité de dissidence et de mobilisation ...Le rapport des ONG
En une brève introduction glaçante, le rapport rappelle quelques réalités du régime égyptien :
 
" Depuis le coup d’état militaire de juillet 2013 orchestré par le général Al Sissi, l’Égypte connaît un retour en force des services de sécurité et une accentuation féroce de la répression.

Les graves violations des droits humains dont les différentes branches des services de sécurité se sont rendues et se rendent encore responsables incluent des arrestations arbitraires en masse, avec l’incarcération d’au moins 60 000 prisonniers politiques depuis 2013 ; des exécutions extra-judiciaires ; des disparitions forcées (entre juillet 2013 et juin 2016, 2.811 cas de disparition forcées aux mains des services de sécurité ) et le recours systématique à la torture.

Ce modus operandi des forces de sécurité dans le but d’écarter toute possibilité de dissidence est devenu le quotidien de l’ensemble des Égyptiens et vise en particulier les opposants politiques et la société civile. "
Non moins crûment, les rapporteurs rappellent aussi une certaine schizophrénie de la patrie des droits de l'homme, qui est aussi le troisième exportateur d'armes mondial :
 
Le blanc seing visiblement donné par la France à cette politique et le rappel par les autorités françaises en octobre 2017 qu’elles n’ont pas « de leçons à donner » au régime égyptien en matière de droits humains, s’inscrit, il est vrai, dans une tradition de la diplomatie française dans la région, choisissant de voir certaines dictatures comme un rempart contre l’islamisme.

Cependant, officiellement au nom de la lutte contre le terrorisme, ce soutien de la France à l’Égypte s’est renforcé au cours des dernières années, allant de pair avec des impératifs commerciaux.
Devenu le premier fournisseurs en armes de l'Egypte, Paris a ainsi livré au Caire des armes de guerre (de 2010 à 2016 les ventes sont passées de 39,6 millions à 1,3 milliard d'euros, assurent les ONG) mais aussi les logiciels et le matériel informatique permettant "la mise en place d'une architecture de surveillance et de contrôle orwellienne, utilisée pour briser toute velléité de dissidence et de mobilisation".

L'écrasement ciblé d'une génération contestataire

Le rapport cite notamment "des technologies de surveillance individuelle, d'interception de masse, de collecte des données individuelles et de contrôle des foules (...) qui ont conduit à l'arrestation de dizaines de milliers d'opposants ou de militants".

"Si la révolution égyptienne de 2011 avait été portée par une génération Facebook ultra-connectée ayant su mobiliser les foules, la France participe aujourd'hui à l'écrasement de cette génération via la mise en place d’un système de surveillance et de contrôle visant à écraser dans l'oeuf toute expression de contestation", a accusé Bahey Eldin Hassan, directeur du CIHRS.
Fidh
Sur le siite de la FIDH
(capture d'écran)

Les ONG rappellent que le 21 août 2013 le conseil des Affaires étrangères de l'Union européenne (UE) déclarait que "les États membres ont décidé de suspendre les licences d'exportation vers l'Égypte de tous les équipements qui pourraient être utilisés à des fins de répression interne".

"Au moins huit entreprises françaises, encouragées par les gouvernements successifs, ont au contraire profité de cette répression pour engranger des profits records", accusent les ONG.
 
" En autorisant la vente et la livraison de ces matériels au motif officiel de soutenir la «lutte anti-terroriste» menée par le gouvernement égyptien, et en ignorant délibérément l’usage répété, notoire et documenté fait de ces technologies et de ces armes par les forces armées et de police égyptiennes à l’encontre de la population civile depuis 2011, et davantage encore depuis 2013, les autorités françaises ont en réalité sciemment permis l’acquisition par les forces de sécurité égyptiennes des moyens techniques de la mise en oeuvre, d’une part, d’un projet de surveillance totalitaire et de contrôle durable, autoritaire et abusif de la population et de la société civile de ce pays et, d’autre part, d’une répression sans précédent des mouvements sociaux et de toute forme de dissidence dans le pays.

Les entreprises et les autorités françaises participeraient ainsi activement au renforcement de la dictature des forces de sécurité égyptiennes, qui violent quotidiennement les libertés et les droits les plus élémentaires des Égyptiens, contrevenant ainsi à leurs obligations internationales en matière de droits humains. "
Les ONG réclament des "entreprises et autorités françaises la cessation immédiate de ces exportations mortifères" et demandent "la mise en place d'une enquête parlementaire sur les livraisons d'armes à l'Égypte depuis 2013". Peut-être sans trop y croire.