Élection présidentielle en Russie : délicat exercice de démocratie

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Élection présidentielle en Russie : délicat exercice de démocratie
Manifestation “d'Indignés“ moscovites, le 10 décembre 2011, après les accusations de fraude dans les élections législatives du 4 décembre - DR
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Les Russes choisissent leur nouveau président le 4 mars 2012. Crédité de 50% des intentions de vote, Vladimir Poutine, après un arrangement au sommet avec l'actuel chef de l'Etat Dmitri Medvedev, devrait retrouver son poste quatre ans après l'avoir quitté. La seule question qui se pose vraiment est de savoir si ce sera au premier ou au deuxième tour... En attendant ce scrutin sans surprise, les opposants se retrouvent le 4 février dans les rues des grandes villes du pays pour manifester leur hostilité au futur (et ex) maître du Kremlin. Même si c'est en ordre très dispersé... Tandis que les partisans du parti majoritaire, défilent eux aussi, au moins aussi, sinon plus, nombreux.
Élection présidentielle en Russie : délicat exercice de démocratie
Vladimir Poutine annonçant sa candidature à la présidentielle de mars 2012, devant les militants de Russie unie, en novembre 2011
Ils ne seront finalement qu’une poignée de candidats, autorisés à se présenter à l’élection présidentielle russe du 4 mars 2012. L’un des plus vieux opposants au Kremlin, démocrate authentifié de l’ère post perestroïka et glasnost, Grigori Iavlinsky, le fondateur historique du Parti Iabloko (social démocrate) et ancien conseiller de Mikhaïl Gorbatchev, a été retoqué par la commission électorale au motif que 200 000 des 2 millions de signatures (nécessaires) de citoyens déposées pour valider sa candidature étaient des photocopies ou des courriels. La loi électorale russe exige en effet que les partis non représentés à la Douma (assemblée législative) récoltent 2 millions de soutiens pour pouvoir être en lice à la présidentielle. Avant lui, la demande d’Edouard Limonov, dirigeant sulfureux du parti national-bolchévique (extrême droite), avait elle aussi été invalidée. Seuls quatre prétendants à la magistrature suprême, outre l’actuel Premier ministre – représentant du parti majoritaire « Russie unie » -, sont donc admis à faire campagne : le milliardaire Mikhaïl Prokhorov (pro ou anti Poutine, on ne sait trop, proche de ses sous en tout cas...) et les dirigeants des trois formations représentées à la Douma, le communiste Guennadi Ziouganov, le populiste Vladimir Jirinovski et le chef du parti Russie juste, Sergueï Mironov. L’actuel président (et ancien et peut-être futur Premier ministre du futur et ex Président Poutine) Dmitri Medvedev reconnaît lui même que la loi électorale est mal faite et qu’il faudrait abaisser le nombre de parrainages nécessaires aux candidats indépendants à 300 000… HEUREUX ÉLUS La présidentielle aura donc lieu en petit comité, et le résultat ne fait guère de doute. Vladimir Poutine devrait l’emporter. Toute la question étant de savoir si ce sera au premier tour comme en 2000 avec 53% des suffrages exprimés, ou en 2004 avec 71%. Le Kremlin laisse entendre qu’il pourrait y avoir un deuxième tour. (Depuis 1991 et la fin de l’Urss, seule la présidentielle de 1996 s’était déroulée en deux phases et Boris Eltsine avait été réélu, tandis qu’en 2008, Dmitri Medvedev avait été porté à la tête de l’Etat, dès le 2 mars avec 70% des voix.) Mais on ne sait si c'est une menace ou bien un souhait. Ce qui est certain c'est que Vladimir Poutine cherche à donner des gages de bonne pratique démocratique. Certains dans l’opposition pensent même que le futur président fera tout pour ne pas être élu immédiatement, quitte, disent-ils en plaisantant, à bourrer les urnes dans l’autre sens.
Élection présidentielle en Russie : délicat exercice de démocratie
Le blogueur Alexeï Navalny, icône extrémiste du mouvement d'opposition à Vladimir Poutine
En attendant le scrutin du dimanche 4 mars, les manifestations continuent et de grands rassemblements se tiennent dans tout le pays le samedi 4 février, un mois tout juste avant le vote. Mais comme le montrent les échanges plutôt vifs entre les chefs de file de cette opposition éclatée, une alternative solide et crédible semble encore lointaine. Quoi de commun entre des écologistes et des ultralibéraux, entre des sociaux démocrates et des ultranationalistes tels Édouard Limonov ou encore le blogueur devenu célèbre depuis l’agitation post législatives en décembre 2011, Alexeï Navalny, et qui prône des idées racistes en général, et antisémites en particulier ? Même s’ils passent pour des héros avec leurs fréquents séjours en prison et leurs provocations, ils semblent encore loin de rallier les foules : un récent sondage de l'institut Lévada, indépendant, montre que seuls 13% des Russes se disent prêts à descendre dans la rue. LA CROIX ET LE CADUCÉE Ce 4 février 2012, ils sont plusieurs dizaines de milliers à braver les températures sibériennes (-20° annoncés à Moscou), que ce soit les manifestants hostiles à Poutine ou les contre manifestants pro Kremlin de Russie Unie. Malgré les appels des défenseurs de la santé publique et de l’église orthodoxe pour calmer les ardeurs : le chef des services sanitaires russes Guennadi Onichtchenko et le patriarche orthodoxe Kirill avaient appeller ensemble les Russes à rester chez eux. Le premier parce qu’il estime que "les Moscovites qui se promènent habituellement peu, n'ont généralement pas de vêtements appropriés pour résister au froid. Personne ne porte plus de chaussettes chaudes". Le deuxième parce qu’il "n’est pas dans les moeurs des croyants orthodoxes de descendre dans la rue, et qu’il vaut mieux prier".