Fil d'Ariane
Les Libéraux de Justin Trudeau sont au pouvoir au Canada depuis 2015. Ils ont été reconduits en octobre 2019 mais sans avoir de majorité au Parlement, ce qui a donc limité le pouvoir d’action de ce deuxième mandat. En moyenne, la durée de vie d’un gouvernement minoritaire au Canada est de 18 mois, deux ans au maximum. Le premier ministre canadien le sait : il veut donc garder le contrôle de l’agenda politique et, poussé par un vent favorable dans les sondages, couper l’herbe sous le pied de ses adversaires et déclencher ces élections fédérales, prévues le 20 septembre 2021.
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Dans l’espoir de se faire réélire et d’obtenir cette fois une majorité, Justin Trudeau va mettre en avant dans cette campagne électorale la gestion de la pandémie par son gouvernement, avec notamment le succès de la campagne de vaccination (plus de 70% des Canadiens pleinement vaccinés à ce jour, le Canada est l’un des pays dans le monde où il y a le plus de gens vaccinés) et les nombreux programmes mis en place pour aider les Canadiens et les entreprises canadiennes à traverser cette crise sans précédent. « Les gens comprennent que depuis 17 mois, on est engagé dans la lutte contre cette pandémie et ce n'est pas fini encore. Ça a toujours été et ce sera toujours notre priorité. C'est ce qu'on a fait depuis 17 mois. C'est ce qu'on va continuer de faire » a expliqué récemment Justin Trudeau.
Les Libéraux n’ont pas encore révélé leur plateforme électorale, une consultation de leurs militants est en cours pour déterminer quelles sont leurs principales préoccupations et quels thèmes ils aimeraient voir être mis en avant au cours de cette campagne électorale. Selon plusieurs sources, les troupes de Justin Trudeau seraient en mal d’inspiration et d’idées pour lancer des propositions mobilisatrices portées par cette plateforme. « Ce ne sont pas les idées qui manquent. On va pouvoir livrer une campagne et une plateforme, et surtout une vision de l'avenir qui va être un grand contraste avec la petitesse de l'approche de M. O'Toole » a déclaré le chef libéral.
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Les affiches électorales mettent en avant Justin Trudeau, accompagné du candidat et on mise sur le concept de l’équipe autour du chef qui promet d’offrir aux Canadiens des idées novatrices pour rebâtir le pays après l’épidémie : Justin Trudeau aime les campagnes électorales : sa force, c’est le terrain, aller rencontrer les Canadiens. Les premières journées de la campagne électorale ont d’ailleurs été marquées par un contraste frappant entre un chef libéral tout sourire dans une foule et le chef conservateur seul dans la salle déserte d’un hôtel en rencontre zoom…
Le principal adversaire des Libéraux, ce sont les Conservateurs. Et ce scrutin va être le baptême électoral de leur nouveau chef, élu il y a un an, Erin O’Toole. Depuis qu’il a pris les rênes de la formation politique, Erin O’Toole travaille fort pour, d'une part se faire connaître des Canadiens et d'autre part recentrer le Parti conservateur afin de reprendre le pouvoir, mais sans perdre la base dure de cette formation qui est la plus à droite sur l’échiquier politique canadien. C’est un exercice difficile… Le chef conservateur tente par exemple de séduire l’électorat ouvrier, ce qui pourrait faire une différence dans une trentaine de circonscriptions.
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Parmi les mesures proposées par Erin O’Toole, la protection des régimes de retraite et l’intégration des travailleurs dans les conseils d’administration des entreprises. Le nouveau chef conservateur a aussi mis en avant des mesures pour venir en aide aux Canadiens, comme l’allongement des allocations de chômage advenant une maladie grave. Il tente aussi d’offrir une image progressiste, en tous cas beaucoup moins rigide que le chef conservateur précédent Andrew Scheer. Il faudra voir si ce recentrage du programme conservateur et de son chef va avoir un impact sur le vote des Canadiens, c’est peut-être ce qui explique déjà que le parti a remporté des points importants ces derniers jours dans les sondages, pour mener les Conservateurs au coude-à-coude dans les intentions de vote avec les Libéraux, qui avaient pourtant plusieurs points d’avance au début de cette campagne.
Le parti le plus à gauche sur l’échiquier politique canadien, le Nouveau Parti Démocratique, va tenter de faire mieux dans ce scrutin que lors de celui d’octobre 2019, où il avait perdu beaucoup de plumes en ne remportant que 24 sièges. C’était alors la première campagne électorale pour le nouveau chef Jagmeet Singh, un Sikh d’origine aux turbans colorés et aux valeurs progressistes. Fort de cette première expérience, le chef néo-démocrate peut-il mener ses troupes vers des gains importants cette fois-ci ? Une chose est sûre, le NPD ne remportera pas ces élections : les sondages le placent en troisième position, avec environ 20% des intentions de vote des électeurs.
De son côté, le Bloc Québécois risque bien de jouer encore le trouble-fête au Québec : ce parti politique qui défend les intérêts du Québec à Ottawa ne peut prétendre au pouvoir, puisqu’il ne présente des candidats que dans la province québécoise, mais il divise le vote des Québécois et lors des élections de 2019, il avait créé une surprise en remportant 32 sièges, privant ainsi les Libéraux d’une majorité. Les troupes bloquistes, mené par leur combatif chef Yves-François Blanchet, peuvent aspirer à faire aussi bien sinon mieux qu’il y a deux ans. Et priver ENCORE Justin Trudeau – ou Erin O’Toole – d’une majorité.
Quant au Parti Vert du Canada, la formation écologique, empêtré dans une crise de leadership avec la nouvelle cheffe, Annamie Paul, il reste marginal dans les débats.
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Une enquête d’opinion menée par des spécialistes pour le compte de Radio-Canada auprès de plus de 34 000 Canadiens indique que le principal enjeu pour les électeurs, c’est l’environnement. La relance de l’économie et la gestion de la pandémie suivent. Or, pour l’instant, le dossier des changements climatiques est absent des débats et il faudra voir quelle place il va tenir dans les programmes des partis, notamment celui des Libéraux parce que visiblement, Justin Trudeau ne pourra pas surfer uniquement sur son taux de popularité lié à sa gestion de la crise sanitaire pour se faire réélire.
Une fois de plus, ces élections vont se gagner au Québec et surtout en Ontario, plus précisément dans la grande banlieue de Toronto. C’est là que se gagnent les scrutins au Canada et c’est au Québec que se gagne - ou se perd - une majorité.
Il reste trois semaines de cette campagne électorale qui, jusqu’à maintenant, ronronne sans grand éclat dans la douceur de cette fin d’été. La rentrée scolaire marque la fin des vacances pour bien des Canadiens qui seront ainsi plus portés à prêter attention aux tentatives de séduction des uns et des autres.
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