Fil d'Ariane
La Coalition Avenir Québec remporte la grande majorité des 125 circonscriptions électorales de la province. La CAQ va donc former un gouvernement majoritaire. François Legault remporte son pari et il va rempiler avec ses troupes pour un deuxième mandat.
On savait, avant même que la campagne électorale ne soit déclenchée, que la CAQ allait gagner ces élections. La formation était tellement loin devant les quatre autres partis dans les intentions de vote qu’il était impossible de la rattraper, même si elle a perdu des points en cours de route. C’est donc une vague caquiste qui a déferlé sur le Québec : 90 députés sur 125 – il y avait 76 députés caquistes à la dissolution de l’Assemblée nationale. La victoire est éclatante, sans équivoque.
François Legault a donc retrouvé ce sourire qu’il avait perdu durant la campagne électorale : « On a eu un message clair, a jubilé le chef caquiste, ce soir les Québécois nous ont dit : continuons. Et je suis tellement fier de ça aussi : on a fait élire le plus grand nombre de femmes du Québec. Mais le travail commence ce soir. La priorité des priorités, ça doit rester l’éducation… parce que l’avenir, c’est nos enfants ».
Il a aussi précisé que l’enjeu pour les Québécois actuellement, c’était l’économie, il promet d’envoyer de l’aide pour les aider à vivre cette période difficile d’inflation. Il a répété qu’il voulait faire du Québec un leader mondial de l’économie verte. « Je vais être le premier ministre de tous les Québécois » a martelé François Legault, en précisant que les Québécois formaient un grand peuple, quelles que soient leurs religions et leurs origines, et que tous les partis politiques québécois sont en faveur de l’immigration. « Mais le plus grand devoir d’un premier ministre du Québec, c’est de protéger la langue française » a ajouté le chef de la CAQ et cette protection, dit-il, passe par la capacité de la société québécoise d’intégrer ces nouveaux arrivants en les francisant. « Je veux qu’on travaille sur ce qui nous unit » a conclu François Legault en tendant de nouveau la main aux chefs des partis de l’opposition.
Le Parti libéral du Québec sauve les meubles, ni plus ni moins : il va rester le parti de l’opposition officielle. Mais la formation, menée par la cheffe Dominique Anglade a perdu plusieurs sièges, passant de 27 députés à la dissolution de l’Assemblée nationale à 21. Et 14% des suffrages exprimés ! C’est le pire score jamais enregistré par le PLQ qui a pourtant gouverné le Québec ces dernières décennies. Dominique Anglade sauve son siège de députée à Montréal, et peut-être aussi son poste de cheffe du PLQ. Acclamée par ses partisans montréalais, elle s’est montrée combative : « Le message ce soir, il est assez clair, les Québécois nous demandent d’être l’opposition officielle à Québec. Durant toute la campagne, on a martelé le message de rassembler les Québécois et plus que jamais ce soir c’est important de faire ce rassemblement. Ma porte, notre porte sera toujours, toujours, ouverte que vous ayez voté pour nous ou pour une autre formation politique. Le travail ne fait que commencer ». Elle promet de déployer la même énergie pour mener le combat au cours des quatre prochaines années. Et ce sera tout un combat : regagner l’électorat francophone et retrouver des appuis en dehors de l’île de Montréal, condition sine qua none pour espérer reprendre le pouvoir au Québec un jour.
Le parti le plus à gauche sur l’échiquier politique québécois, Québec Solidaire, espérait faire suffisamment de gains pour devenir le parti de l’opposition officielle. Il en est loin. Il avait 10 députés à la dissolution de l’Assemblée nationale, il en a désormais 11, alors qu’il pensait faire des percées en dehors de Montréal, où il est ancré. Le chef, Gabriel Nadeau-Dubois, a été facilement réélu dans son comté montréalais, ainsi que l’autre porte-parole du parti, Manon Massé. Dans son discours, Gabriel Nadeau-Dubois a promis que QS allait s’opposer à toutes les mauvaises décisions et avait un message pour François Legault : « Je veux m’adresser à François Legault pour le féliciter pour sa réélection mais je veux aussi lui dire que la lutte contre le changement climatique ne peut pas attendre quatre ans, c’est dans le prochain mandat que ça passe ou ça casse. Comme Premier Ministre, vous avez maintenant la responsabilité d’être à la hauteur, Mr Legault, je ne vous demande qu’une seule chose pour commencer ce deuxième mandat : écoutez la jeunesse. Il n’est pas trop tard pour agir, il n’est pas trop tard pour changer d’idée, il n’est pas trop tard pour changer de cap au Québec. A chaque fois que François Legault va faire un pas en avant pour l’environnement je serai son partenaire, à chaque fois qu’il va faire un pas en arrière, je serai son adversaire ».
Gabriel Nadeau-Dubois a réclamé une réforme du mode de scrutin, qui est uninominal majoritaire à un tour, pour qu’il soit plus représentatif des suffrages exprimés.
Le Québec est bleu pale ce soir du 3 octobre, couleur de la Coalition Avenir Québec, sauf les taches rouge – couleur du Parti libéral du Québec – et orange – couleur de Québec Solidaire - sur l’île de Montréal. Une province divisée, donc, entre Montréal d’un côté et le reste de la province de l’autre. Un parti dominant, la CAQ, avec près de 42% des suffrages exprimés, qui profite de la division du vote entre les 4 partis d’opposition : 15% pour le Parti Québécois, 15% pour Québec Solidaire, 14% pour le Parti libéral du Québec et 13% pour le Parti conservateur.
Des sept députés que comptait le Parti Québécois à la dissolution de l’Assemblée nationale, il ne va en rester que trois : Pascal Bérubé en Gaspésie et Joël Arseneau, aux Îles-de-la-Madeleine, qui ont tous les deux conservé leurs sièges. Et le jeune chef, Paul St-Pierre Plamondon, gagne sa place au sein de l’Assemblée nationale, en se faisant élire à Montréal. C’est ce qui va lui permettre de garder son poste de chef, alors que le PQ était bon dernier dans les intentions de vote au début de la campagne électorale et qu’on pensait qu’il allait jouer son avenir dans ces élections. Grâce à la bonne campagne qu’il a menée, Paul St-Pierre Plamondon a permis à son parti de recueillir 15% des suffrages exprimés. Il reste que c’est quand même le pire score également pour le PQ, qui, lui aussi, a sauvé les meubles.
Dans son discours, Paul St-Pierre Plamondon a dit ressentir une grande fierté, même si les résultats n’étaient pas à la hauteur des espérances : « Nous avons réussi une remontée spectaculaire, nous sommes le deuxième choix de plusieurs électeurs et nous avons fait la meilleure campagne. Et comme société, nous avons retrouvé un amour du Québec. Le projet d’indépendance dévalorisé, voire méprisé si longtemps par les Libéraux et puis par la CAQ, continue de faire rêver et de susciter de l’espoir ». Il a fait valoir qu’il y a au Québec plus de 2 millions d’indépendantistes et qu’ils doivent avoir voix au chapitre sur l’avenir du Québec. Et, tout comme Gabriel Nadeau-Dubois, il a dénoncé le mode de scrutin qu’il qualifie d’inéquitable. « Est-ce normal qu’un parti politique qui obtient environ 40% des voix remporte 70% des sièges ? Est-ce normal qu’un parti qui obtient 13% n’obtienne aucun siège à l’Assemblée nationale ? Absolument rien n’empêche de réussir une réforme du mode de scrutin pour qu’ensemble nous réussissions ce défi de la démocratie ». Et de conclure en citant le grand poète Gaston Miron : « ce soir nous ne sommes pas arrivés pour revenir, nous sommes arrivés à ce qui commence ».
Le parti le plus à droite sur l’échiquier politique, le Parti conservateur du Québec, n’aura finalement aucun député et même son chef, Éric Duhaime, a mordu la poussière dans la circonscription de la région de Québec où il espérait se faire élire. En pourcentage, la formation a recueilli 13% des suffrages, les sondages lui donnaient 15% d’intentions de vote. Certes, ce parti est parti de loin, puisqu’il y a quatre ans, il avait l’appui d’1% de la population, c’est donc toute une remontée, réalisée au début de l’année en cristallisant le mécontentement contre les mesures sanitaires mises en place pour lutter contre la pandémie. Dans la région de Québec où la formation est ancrée, plusieurs des candidats conservateurs sont arrivés en deuxième position, ainsi que dans une dizaine de circonscriptions ailleurs au Québec. Mais ce ne sera pas suffisant pour entrer à l’Assemblée nationale. Il faudra voir comment le chef Éric Duhaime pourra continuer à mener son combat sans pouvoir fourbir ses armes au sein de l’Assemblée nationale. Il ne semblait pas abattu du tout par ces résultats lors de son discours devant ses militants : « On est de tous les partis, et de loin, celui qui connait la plus forte croissance. On a presque le même pourcentage d’appui que le Parti libéral du Québec. C’était une bataille de David contre Goliath ». Éric Duhaime se dit heureux de faire partie maintenant de la « cour des grands », il a félicité son adversaire et tous ceux et celles qui ont été élu-es ce soir en les avertissant de se préparer car dans quatre ans « ça sera pas mal plus tough ».