Elections au Québec : un premier débat des chefs sans gagnant ni perdant

Les chefs des quatre partis politiques québécois se sont affrontés dans un premier débat en français jeudi soir sur les ondes de Radio-Canada, RDI et Télé-Québec. Un moment important dans la campagne électorale en cours au Québec, alors que le scrutin du premier octobre se rapproche.
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Combat des chefs
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Pas de perdant ni de gagnant

Les analystes s’entendent : le débat de plus de deux heures a été civilisé avec quelques bonnes prises de bec mais pas vraiment de gagnant ni de perdant. Chaque chef a maintenu la ligne de son parti et présenté les grands engagements pris au cours de cette campagne électorale, sans trébucher ni faire de gaffes qui peuvent, dans ce genre de débat, être catastrophiques auprès des électeurs.

"Assez ordinaire comme débat, personne n'a marqué de grands coups, les quatre chefs ont gardé leurs lignes, et ce débat ne devrait pas brasser les cartes, ce qui avantage François Legault dans les circonstances" a commenté la journaliste Chantal Hébert sur les ondes de RDI après le débat.

François Legault, c’est le chef de la Coalition Avenir Québec. Il a été sous le feu des attaques des trois autres chefs, il était la cible à abattre parce que son parti continue d'être en tête dans les sondages, en maintenant notamment une large avance auprès de l’électorat francophone. Ce parti semble incarner auprès de très nombreux Québécois le changement auquel ils aspirent. Dans sa plaidoirie à la fin du débat, François Legault l’a bien dit : « Il y a ici le camp des vieux partis et le camp du changement dans lequel se trouve la CAQ et à sa façon Manon Massé de Québec solidaire. Nous sommes un parti qui a le cœur a la bonne place et les deux pieds sur terre, nous sommes le seul parti qui peut mettre fin à 15 ans de pouvoir libéral, le changement c'est maintenant que ça se passe ».

De son côté Philippe Couillard, ex-premier ministre et chef du Parti libéral, a beaucoup été sur la défensive durant ce débat car il a dû défendre le bilan de son gouvernement, poussé dans les cordes par ses trois adversaires. Après plus de trois semaines de campagne, les Libéraux ont du mal à remonter la côte pour rattraper les « Caquistes » qui caracolent en tête depuis des mois. Ils doivent impérativement marquer des points auprès de l’électorat francophone pour espérer remporter ces élections.

Celui qui a bien tiré son épingle du jeu dans ce débat, c’est le chef du Parti Québécois, Jean-François Lisée. Excellent débatteur, il a concentré ses attaques sur le chef de la Coalition Avenir Québec, car il tente de ramener dans le giron péquiste les électeurs attirés par les chants « caquistes » de la sirène du changement. Une partie de l’électorat du Parti Québécois, le parti qui prône la souveraineté du Québec, est en effet parti dans les rangs de la Coalition Avenir Québec, ce qui explique pourquoi le PQ est troisième dans les sondages, avec plus ou moins 20% d’intentions de vote.

Enfin la seule femme du débat Manon Massé, porte-parole avec Gabriel Nadeau-Dubois du parti Québec Solidaire, a voulu rester en dehors des combats de coqs durant ce débat. Certains lui ont reproché de ne pas avoir pris suffisamment sa place mais elle a précisé qu’elle trouvait inutile de crier par-dessus les autres. Un retrait volontaire donc qui pourrait aussi être payant pour elle. Manon Massé n’est pas une politicienne de carrière comme les trois autres chefs et cela s’est nettement senti durant ce débat. Elle n’est pas aguerrie dans la joute politique, cette femme qui a longtemps œuvré dans le milieu communautaire à la défense des plus démunis mène toutefois une bonne campagne de terrain. Québec solidaire est un parti souverainiste ancré à gauche sur l’échiquier politique québécois qui ne peut pas espérer faire plus que 10% des votes, mais qui est très populaire auprès des jeunes et dans plusieurs quartiers montréalais, où seront élus très probablement plusieurs de ses candidats.

Santé, éducation, environnement, économie…

Plusieurs thèmes ont été abordés par les 4 chefs durant ce débat qui a aussi été animé par des questions posées en direct par des citoyens provenant de différentes régions du Québec.

Celui de la santé a mis Philippe Couillard sur la défensive car son gouvernement a été très critiqué pour ses politiques en la matière – notamment l’augmentation importante du salaire des médecins spécialistes qui est resté en travers de la gorge de nombreux Québécois (les médecins ici gagnent le double des médecins français, qu’ils soient généralistes ou spécialistes).

Les chefs ont dû préciser les solutions qu’ils préconisent pour désengorger les urgences dans les hôpitaux, où les temps d’attente sont absolument cauchemardesques : plus d’infirmières spécialisées pour les uns, une intervention élargie des pharmaciens pour les autres, la mise en place de cliniques sur tout le territoire québécois ouvertes toute la semaine, etc. Autant de solutions discutées par les quatre chefs qui ont tous convenu, que oui, la situation actuelle est inadmissible, ce d’autant plus que plus de la moitié des gens qui vont dans les urgences souffrent de problème de santé mineurs, faute d’autres accès à un médecin.

L’éducation est un autre enjeu majeur abordé par les quatre chefs. Une enseignante leur a demandé comment ils comptaient valoriser le travail des professeurs qui reste sous-payé et sous-estimé, en faisant valoir que l’éducation, ce n'est pas une dépense, mais un investissement. Au Québec, un enseignant avec 10 ans d’expérience gagne, en moyenne, un peu plus de 61 000$, alors que dans la province voisine, l’Ontario, il touche quelque 94 000$. Toute une différence salariale !

Les Libéraux s’engagent à mettre une personne en soutien à un enseignant dans les classes de la première année de primaire. Manon Massé, de Québec solidaire veut mettre fin aux subventions publiques aux écoles privées du Québec et réinvestir cet argent dans le réseau public. Québec solidaire promet un enseignement totalement gratuit de la maternelle à l’université.

François Legault de son côté veut faire rentrer tous les Québécois en maternelle dès leur quatrième année – actuellement, les enfants entrent en maternelle à 5 ans – ce qui libérerait ainsi des places dans les crèches publiques bondées. Philippe Couillard, lui, promet la gratuité dans les dites crèches pour les enfants de 4 ans. Il s’est d’ailleurs vu reprocher d’avoir augmenté le prix de ces crèches, alourdissant ainsi les frais de garde des familles québécoises.

Les thèmes de l’environnement, l’économie, la question nationale et l’immigration ont aussi fait partie des sujets de ce débat. Le thème de l’immigration a donné lieu aux échanges les plus vifs entre les chefs, François Legault a dû notamment défendre les mesures qu’il préconise en la matière, comme réduire le nombre d’immigrants dans la province et leur faire passer un test sur les « valeurs québécoises », une proposition qui a soulevé une certaine controverse ici.

Au total, les promesses et les engagements pris par les quatre partis dans cette campagne totalisent 20 milliards de dollars, rien de moins ! Un citoyen a posé une question aux chefs : « si vous devenez Premier ministre, pour quelle promesse non tenue seriez-vous prêts à démissionner ? ». Réponse de François Legault : la maternelle dès l’âge de 4 ans. Du péquiste Jean-François Lisée : protéger les services aux citoyens. De Manon Massé : n’importe lequel de nos engagements. Seul Philippe Couillard n’a pas répondu directement à la question, préférant revenir sur les engagements qu’il a tenus lorsqu’il était au pouvoir.

Il faudra voir maintenant si ce débat sans grand éclat aura un impact sur les choix des électeurs, dont un tiers environ se dit encore indécis. Un prochain débat doit se tenir en anglais, et le réseau de télévision privé TVA va aussi tenir son propre débat jeudi prochain. L’occasion pour les 4 chefs de croiser le fer de nouveau et de convaincre le plus d’électeurs possible de leur donner leur voix.