Elections de mi-mandat aux Etats-Unis : "les électeurs de Donald Trump sont indifférents aux scandales"

Les nouvelles critiques virulentes dans les médias à l’encontre du président Trump peuvent-elles entacher les élections de mi-mandat le 6 novembre 2018 ? Quels sont les enjeux pour le 45ème président des Etats-Unis ?
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JOE BIDEN
AP Photo/Evan Vucci
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Seulement 36 heures après l’annonce de la sortie du livre « Fear : Trump in the White House » dans lequel le journaliste Bob Woodward dresse son portrait accablant, le New-York Times publie un témoignage anti-Trump d’un haut-représentant de la Maison Blanche, resté anonyme…  Situation tendue à deux mois des midterms - les élections de mi-mandat américaines - qui consistent à renouveler l’ensemble des 435 sièges de la Chambre des représentants ainsi qu’un tiers des 100 sièges au Sénat.

Depuis janvier 2017 et l’investiture de Donald Trump, le parti Républicain a largement pris le contrôle du Congrès qui réunit les deux Chambres. Mais historiquement, ces élections législatives sont défavorables au parti au pouvoir. Ce qui pourrait de nouveau se confirmer en 2018 où les Démocrates apparaissent en bonne position pour faire basculer la Chambre des représentants.

Au Sénat, c’est une autre histoire. Les Républicains n’ont qu’une courte majorité de deux voix, mais selon la carte électorale, 26 des 35 sièges en jeu pour ce renouvellement partiel sont occupés par des Démocrates. Et certains de ces élus sortants devront gagner dans des bastions républicains largement conquis en 2016 par Donald Trump. De quoi peut-être permettre au président américain de tirer son épingle du jeu ? Entretien avec Corentin Sellin, professeur agrégé d’histoire, spécialiste de la politique américaine.


Quelle est la situation de Donald Trump à deux mois des élections de mi-mandat ?

Corentin Sellin : Donald Trump a d’excellents résultats économiques, c’est incontestable. Entre le plein emploi et 4 % de croissance. Mais sa côte de popularité n’est pas bonne. Elle est d’ailleurs redescendue très nettement ces 10 derniers jours, pour des raisons qui restent assez inexplicables pour l’instant. Il est à 40/42 % d’opinion favorable en moyenne, et à 53/54 % d’opinion défavorable.


Les dernières critiques en date – entre le livre de Bob Woodward et la tribune du haut-représentant dans le New-York Times - peuvent-elles jouer sur l’électorat de base de Donald Trump ?

Corentin Sellin : Donald Trump a une base électorale totalement indifférente aux scandales, du moins en apparence. Mais il ne faut jamais oublier que cette base électorale est limitée. On a affaire à un président qui a été élu sur une base très nettement minoritaire. Et ce n’est pas sur le cœur de cet électorat, les blancs évangéliques et l’électorat populaire du Sud, que cela va changer. Ce qui change, et peut expliquer déjà la chute de ces derniers jours, ce sont les indécis : les indépendants qui commencent à le fuir. Mais aussi l’électorat blanc féminin, que Donald Trump, à la surprise générale, avait réussi à gagner de justesse et qui est décisif dans l’optique des midterms. D’après les derniers sondages, elles l’abandonnent, parce que trop, c’est trop.


Si la Chambre des représentants peut être remportée par les Démocrates, peuvent-ils également faire basculer le Sénat, aujourd’hui à majorité républicaine ?

Corentin Sellin : Au Sénat, il faudrait vraiment un effet de masse, une vague anti-Trump incroyable – il faudrait qu’il soit descendu à 25/30 % dans les sondages – pour imaginer que les Démocrates aient une chance de gagner au Sénat.


Une victoire des Démocrates à la Chambre des représentants sera-t-elle suffisante pour engager une procédure « d’impeachment » comme ils l’ont annoncé ?

Corentin Sellin : Oui. Mais il ne faut pas oublier que l’impeachment désigne au départ des chefs d’accusation votés par la Chambre des représentants qui sont transmis au Sénat. C'est aux sénateurs que revient la décision de juger le président sur ces chefs d’accusation. Si le Sénat reste républicain, cela n'arrivera pas.

Le scénario le plus probable de ces élections : un blocage complet. On aura une Chambre démocrate qui passera son temps à voter des actes d’accusation, bloquera toutes formes législatives puisqu’il n’y aura pas de compromis possibles… Dans ce contexte, ce que je crois surtout, c’est que dès le 8 novembre prochain, nous serons déjà en campagne présidentielle.