Fil d'Ariane
Avec un score honorable (12,7%), le parti de gauche les Verts obtient 28 sièges à la Chambre basse du parlement suisse, soit 17 sièges de plus, et les Vert'libéraux passent, eux, à 16 sièges (9 de plus). La présidente des Verts, Regula Rytz appelle à discuter d'une "nouvelle formule magique", qui aiderait à former un nouveau gouvernement de coalition et incluerait un ministre Vert.
Le parti de droite populiste, l'UDC reste cependant en tête des résultats, et garde sa place de première force politique du pays. Le journaliste politique et conseiller politique PLR (parti radical libéral) sortant, Fathi Derder analyse pour TV5MONDE ces résultats électoraux suisses.
TV5MONDE : Assiste-t-on à une percée verte en Suisse ? Et à quoi le doit-on ?
Fathi Derder : Oui c’est une vraie percée des Verts. Comme partout ailleurs, on voit la mobilisation des jeunes et les débats autour des questions d’environnement se traduire en résultat électoral. On a clairement un verdissement du parlement suisse. Toute la mobilisation de ces derniers mois a eu une influence sur le comportement des électeurs. Les résultats sont nets et identiques dans tous les cantons. Je la regrette néanmoins dans sa forme, car elle est dénuée de débats sereins sur les solutions au problème. On est dans l’urgence climatique, dans des scénarios catastrophiques de fin du monde, et ce n'est pas qu’un problème suisse. Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est qu’on prenne des mesures concrètes. Je me réjouis de voir que le Parlement va maintenant aller de l’avant, avec des solutions applicables à court terme. Les discours réducteurs sont un peu compliqués à dissoudre dans le système politique suisse.
TV5MONDE : Le désintérêt de la question de l'immigration explique-t-elle le mauvais résultat de l’UDC, alors que le populisme prend de l'importance partout en Europe ?
F.D. : C'est vrai qu'on n’a pas du tout les mêmes débats sur la question migratoire qu’il y a quatre ans en Suisse. La situation était beaucoup plus tendue sur le sujet. Aujourd'hui des centres d'accueil ferment car ils ne sont pas occupés. Nous n'avons pas de crise migratoire, et l'UDC l’a clairement payé en perdant des sièges. Ça reste, certes, le premier parti de Suisse, mais ils sont en baisse. C’est l’effet combiné de la baisse de la question migratoire, et de l’émergence du débat climatique que l’UDC a nié. Leur ligne électorale était de dire que c’est une invention médiatique, que ce n'était pas un vrai sujet. Et puis, en Suisse, nous avons un système politique basé sur le consensus et donc peu compatible avec le populisme. Ce qu'il faut comprendre, c'est que de toute manière, l'UDC n’a jamais pu appliquer leur politique, car ils n’ont pas la majorité absolue au Parlement. Notre principe Suisse du consensus dont je vous parlais veut que la droite et la gauche se mettent d’accord sur les décisions. Le conseil fédéral est composé par tous les partis, le parlement dirige à la majorité et l’UDC est très souvent, voire systématiquement, dans la minorité. C’est le paradoxe Suisse. C’est le plus grand parti du pays, mais ça reste un parti d’opposition. Ils n'ont donc jamais pu mettre en oeuvre une politique migratoire. Pour être un peu dans la provocation, je dirais même qu’ils n’ont pas de politique migratoire. Ils ne font que dénoncer, réagir. C’est un parti replié sur lui-même, très souverainiste.
TV5MONDE : Peut-on s'attendre à voir un ministre Vert dans la "formule magique" qui compose le conseil fédéral ?
F.D. : C’est une question qui se pose. Il faut savoir que c’est le Parlement qui décide de sa constitution. Lors de la première session du parlement, il va y avoir une élection du conseil fédéral. La grande nouveauté, c’est que la question se pose, justement. Il va y avoir débat, discussion entre les partis. Si un Vert rentre au gouvernement, cela se fera aux dépends de quel parti ? Si, on regarde le nombre de suffrages, il est évident que c’est au PDC (parti centriste) de céder un siège. Mais, le PDC joue un rôle de pivot au sein du conseil fédéral, et il paraît assez exclu qu’une majorité du Parlement soit d’accord pour lui retirer ce rôle de trait-d'union. Renforcer la gauche risque de compliquer la capacité de collégialité au sein du gouvernement. Mon pronostic, c’est qu’il n’y aura pas de changement. Je ne pense pas que les partis réussissent à se mettre d’accord pour savoir qui doit partir.