Fil d'Ariane
Elles ne devaient avoir lieu qu'en novembre 2019. Finalement, c'est ce dimanche 24 juin, un an et demi plus tôt, que se tiennent, en Turquie, les élections législatives à un tour, mais aussi le premier tour de la présidentielle. Un scrutin que Recep Tayyip Erdogan a voulu anticiper pour le passage d'un système parlementaire à un régime présidentiel voté par référendum l'an dernier. L'enjeu est de taille pour le président qui voulait être hyper président, voire supplanter l'image du fondateur de la République, Mustafa Kemal, alias Atatürk.
Face au rouleau compresseur Recep Tayyip Erdogan, une coalition de circonstance rassemble une opposition jusque-là dispersée, qui balaie très large un électorat conservateur et de gauche. Elle rassemble le CHP (le parti républicain kémaliste), le Bon parti (droite libérale nationaliste) et le parti de la Félicité (parti islamiste dissident). Après la tentative de coup d'Etat de juillet 2016, Erdogan, lui, a voulu se rapprocher "encore plus" du parti d'extrême-droite nationaliste islamo-conservateur, le MHP.
C'est donc le Jour J en Turquie : quelque 56 millions d'électeurs appelés aux urnes pour un scrutin législatif à un tour et un scrutin présidentiel également. Les bureaux de vote ont ouvert à 8 h locales ; à l'intérieur, 6 bulletins différents attendent les électeurs, pour autant de candidats.
Préparatifs dans une école primaire d'Ankara ce 24 juin 2018, au début de cette journée électorale aux lours enjeux.
Parmi eux, l'ultranationaliste Meral Aksener, première opposante à avoir officialisé sa candidature et qui a déjà glissé son bulletin dans l'urne ce matin à Istanbul. Dans l'est du pays, à Dyarbakir, ville à majorité kurde, c'est Başak Demirtaş, l'épouse de Selahattin Demirtas, le candidat pro-kurde actuellement derrière les barreaux, qui a voté ce matin. Mais s'il y a une personne qui fait peur au président sortant, c'est Muharrem Ince, le parlementaire du CHP. Après plus une d'heure de retard sur l'horaire annoncé, le président turc a, lui aussi, accompli son devoir électoral.
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Dans un tel contexte, le vote kurde sera déterminant pour faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre, via le score du HDP, le Parti démocratique des peuples (à gauche et issu du mouvement politique kurde) dont la plupart des dirigeants et militants mènent campagne depuis la prison, à commencer par son leader, Selahattin Demirtaş.
Décryptage avec le journaliste Guillaume Perrier, correspondant du quotidien Le Monde en Turquie pendant dix ans. Auteur de l'essai Dans la tête d’Erdogan, il explique sur le plateau de TV5MONDE les raisons et les enjeux du scrutin :