Fil d'Ariane
L’ancien Premier ministre Belge Guy Verhofstadt, actuel chef de file du groupe libéral et démocrate (ADLE) au Parlement européen propose au Président français, Emmanuel Macron de former un mouvement commun en vue des élections européennes prévues en mai 2019. Pourquoi ? Dans quel but ? Entretien avec Pascal Delwit, politologue et professeur à l'Université Libre de Bruxelles (ULB).
Dans un entretien pour Ouest-France publié dimanche, l’eurodéputé belge Guy Verhofstadt invite le président français à s’allier pour construire une alternative pro-européenne pour les prochaines élections de mai 2019.“Avec Emmanuel Macron, on n’a pas seulement la même analyse, mais plus ou moins les mêmes propositions”, a-t-il expliqué.
Christophe Castaner, délégué général de La République en marche a indiqué à l’AFP que le parti n’est “pas dans une logique d'alliance”, même si avec Guy Verhofstadt : “nos convergences sont grandes” et que “nous travaillons ensemble”.
Dans le cadre des élections européennes, Emmanuel Macron a rencontré les dirigeants du Benelux au Luxembourg jeudi 5 septembre puis il s’est rendu à Marseille pour discuter avec la chancelière Allemande, Angela Merkel. L’objectif du président français ? Créer un mouvement européen inspiré de celui de la République en marche.
TV5MONDE : Pourquoi Emmanuel Macron accepterait-il la proposition d’alliance de Guy Verhofstadt ?
Pascal Delwit : On est dans un contexte où les deux grandes familles politiques qui dominent la vie politique européenne : le parti populaire européen (PPE) d’un côté et le parti socialiste européen de l’autre (PSE), sont en difficulté. Ils ont des perspectives qui ne sont pas très porteuses d’un point de vue électoral pour 2019. Par ailleurs, il était difficile pour Emmanuel Macron d’avoir une approche et une entrée dans le parti populaire européen (PPE) dès lors que le partenaire français c’est les Républicains. Emmanuel Macron et La République en marche avaient deux possibilités. Soit obtenir une autonomie quasiment totale et la volonté de créer quelque chose de nouveau - ce qui était complexe à trouver au niveau des partenaires européens potentiels - soit en s’alliant avec les libéraux, avec qui il a l’opportunité d’avoir des interlocuteurs à l’échelle des chefs d’états et des gouvernements. Vous avez dans la famille libérale, plusieurs premiers ministres notamment dans les pays du Benelux, ce qui permettrait à Emmanuel Macron d’avoir une action à la fois pour les élections européennes et dans la perspective de la construction de la future Commission européenne et pour le Conseil européen dans les débats préparatoires à chacun des conseils, puisque le parti populaire européen (PPE) et le parti socialiste européen (PSE) préparent chacun des conseils en famille.
TV5MONDE : L’alliance peut-elle être efficace contre les nationalistes ?
P.D : Je pense que c’est une fausse alternative, l’idée qu’il y aurait d’un côté les nationalistes et de l’autre les progressistes, c’est une mauvais perception des choses. D’abord parce que l’on met dans le paquet des populistes des choses très différentes, qu’il faut introduire de la nuance et que par ailleurs, on met du côté des progressistes, des formations qui ne le sont pas nécessairement. Si vous prenez La République en marche ou la famille libérale, leurs principales composantes n’ont rien de progressiste par exemple sur le clivage socio-économique et occasionnellement sur le clivage ethnocentrique-universaliste. Je crois donc que c’est une mauvaise présentation des choses et surtout c’est une alternative qui va peu intéresser la majorité des citoyens européens qui sont concernés par l'exercice du vote aux élections européennes.
TV5MONDE : Quelles thématiques vont dominer les élections européennes de 2019 ?
P.D : Il y aura indubitablement le destin de l’Union européenne, associé à la question migratoire et identitaire. Il y aura bien sûr, la question sociale parce que depuis une dizaine d’années, particulièrement depuis la crise de 2008, les évolutions économiques se sont faites au détriment d’une tension sociale pour une partie importante de la population qui voit au mieux, ses revenus stagnés voire même régressés. Cette partie de la population observe dans ce même temps, un enrichissement des plus riches. Un des fondamentaux des élections européennes, en particulier si on veut conjurer la crainte de l’extrême-droite, de la droite radicale, c’est de reposer la question sociale au coeur de la campagne, faute de quoi effectivement, ce qui sera présenté c’est une alternative entre les “méchants” populistes et les”bons” progressistes mais qui d’un large point de vue, va passer au dessus de la tête et de l’intérêt de beaucoup de citoyens.